L'aéroport me paraît bien plus imposant qu'à mon arrivée lorsque le taxi me dépose devant. Mon casque vissé sur mes oreilles et ma valise à la main, j'avance dans le hall jusqu'au tableau d'annonces des vols. Il y a des écrans publicitaires et d'autres qui diffusent les infos ; je vois passer une annonce disant qu'une jeune fille nommée Berylle aurait disparu durant la nuit. Je repense à cette femme que j'ai laissée sur un banc, incapable de la protéger du pire. Je sens que je vais craquer : toutes mes émotions et tout ce que j'ai vécu ces deux dernières semaines, qu'elles aient été éprouvantes ou non, s'accumulent. Je n'ai jamais appris à exprimer mes sentiments dans mon enfance ; je suis comme une cocotte-minute et, à chaque changement d'émotion, mon corps enregistre et garde une sorte de trace. Cette accumulation me conduit souvent à des crises de panique ou d'autres réactions.
Je suis comme ça : j'ai beaucoup de défauts et d'énormes problèmes avec ma famille, notamment. Enfin bref, je repère rapidement un taxi qui m'emmène vers le riad où j'avais réservé une chambre. Le lieu, une oasis de tranquillité au cœur du centre-ville, était un parfait mélange de raffinement et de tradition marocaine. Les mosaïques colorées et le parfum des fleurs d'oranger créaient une atmosphère apaisante qui calmait légèrement mes émotions tourmentées.
Pendant les premiers jours, j'ai adoré me promener dans les souks animés, fascinée par la diversité des produits exposés : des épices savoureuses aux somptueux tapis, en passant par les objets d'artisanat colorés. J'avais prévu deux ou trois bons plans de lieux à visiter, dont une soirée dans une petite galerie d'art où j'ai rencontré Layla, une photographe indonésienne en vacances au Maroc. J'ai adoré discuter avec elle de ses voyages et des rencontres qu'elle a faites avec les habitants des petits villages qu'elle a visités au cours de sa vie ; elle me raconte aussi les petits potins que les jeunes lui confient souvent. Nous avons échangé nos numéros pour nous revoir plus tard. Au final, nous avons passé toute la soirée à discuter autour des tableaux et des sculptures, et nous nous sommes quittées vers deux heures du matin en ayant décidé de passer une journée ensemble dans la semaine.
Je me suis bien reposée pendant deux jours en profitant des spas mis à disposition dans le riad. Venait maintenant mon dernier jour, que j'avais prévu de passer avec Layla. Nous commençons par visiter la mosquée Koutoubia ; avant tout une mosquée est un lieu de culte, alors j'ai pris un foulard noir que j'ai noué sur ma tête de façon à ce que l'on ne voie pas mes cheveux. Je me suis déchaussée avant d'entrer, et nous avons pu visiter tranquillement les parties autorisées au public. À la fin de la semaine, je suis retournée à Paris avec une tête pleine de souvenirs.
Vous vous souvenez quand je vous ai dit que j'avais beaucoup de problèmes avec ma famille ? Eh bien, en voilà un qui s'approche de moi... Oui, oui, ma mère est un problème à elle seule. Non pas juste par son comportement ; tout chez elle est ingérable. Mais le pire, à l'heure actuelle, c'est qu'elle a décidé de venir me chercher. Je la regarde s'avancer vers moi tout sourire, alors que je sais très bien qu'une fois que nous serons loin des gens, elle commencera par me faire la morale de manière passive-agressive sur le fait de partir en voyage seule, puis finira forcément par me donner une claque comme d'habitude, « pour que le message rentre bien dans mon petit cerveau d'enfant tordu. » Et elle n'oubliera surtout pas de me rappeler qu'elle a tout sacrifié pour moi et qu'elle est maintenant obligée de payer des séances chez le psy une fois par an – alors que je sais très bien qu'elle n'y va jamais, en plus – tout en insistant bien sur le fait que je suis adoptée et que, à cause de cela, elle a divorcé de son ex-mari, car ils n'étaient pas d'accord sur ma manière d'être élevée. En résumé, j'ai totalement ruiné sa vie.
Je m'avance vers elle, sourire faux de circonstance, évidemment. Elle me serre dans ses bras, tel la merveilleuse mère qu'elle prétend être, et s'occupe de prendre mes bagages pour les mettre dans sa nouvelle voiture. Il semblerait qu'elle se soit acheté une Bentley, une Continental GT orange ? Quel mauvais goût. Non, vraiment, je vous assure, c'est horrible ; elle aurait pu choisir bien mieux, surtout qu'elle l'a bien évidemment payée avec l'argent de mon beau-père, qui a fait une carrière énorme et précurseur en France dans la chirurgie esthétique, ce qui a fait de lui un homme très riche. Depuis qu'ils sont ensemble, je n'ai jamais vu ma mère avec autant de chaussures, de chapeaux, de manteaux, de vêtements, de bijoux, mais aussi de voitures et bien d'autres choses. Le pire, c'est qu'elle ne dépense probablement rien de sa propre poche !
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Élégante
RomanceRuby a vécue une enfance compliqué et se bats pour trouver sa place dans le monde, dans sa famille mais surtout elle cherche a savoir qui elle est et a guérir de ses blessures. Elle cherche à connaitre, à apprendre et ce pars le biais des voyages, v...