Dans un silence seulement gêné par les murmures du poste télé, plus loin, la bouilloire s'éveilla. Ses sifflements, stridents, raisonnaient comme des cris dans l'obscurité de la cuisine, tamisée. Les parois de métal, brûlantes au toucher, évoquèrent une douleur silencieuse à Mme. Perpinger lorsqu'elle y posa ses doigts, fins et longs, aux ongles jaunis par la nicotine.
L'arôme âcre emplit le petit espace, tel un avertissement. La vieille femme débrancha le récipient, le prit par la hanse et en versa le contenu dans un large mug décoré par un sachet de thé, qui en débordait légèrement sur son rebord, proclamant le nom de la marque. Lipton Thé vert.
La femme, corpulente, s'installa péniblement dans son canapé en grimaçant. Elle allait, à partir de maintenant, et pendant un certain temps, vaquer à son occupation favorite : regarder la télé et lire. Inversant d'activité toutes les dix, vingt minutes. Ainsi s'en suive jusqu'à ce que le clocher, non loin de là, sonne sept heures du soir. Autrement dit, l'heure de dîner, puis une fois cela fait, ce serait l'heure d'aller se coucher. Elle avait à peine fini de déjeuner qu'elle s'accorda une pause digestion.
Plongée dans sa lecture, Clarisse Perpinger fut importunée par la sonnerie de son téléphone fixe. Elle avait tout prévu, pour éviter le moindre déplacement inutile, et avait donc soigneusement posé l'appareil sur la table basse, à quelques centimètres de la tasse de thé qui refroidissait doucement. Elle reconnut aussitôt le numéro qui s'affichait, c'était son amie Suzanne. Elles s'appelaient souvent afin de prendre des nouvelles l'une de l'autre.
- Suzanne ? demanda-t-elle, après avoir coupé le son du téléviseur.
- Clarisse ! Comment vas-tu ma belle ? s'enthousiasma la femme âgée, au téléphone.
- Très bien, et toi ? Quoi de neuf ?
- Oh, tu sais ! Rien de très intéressant. Ma vie est d'une monotonie sans pareille, mes journées sont toutes les mêmes, j'te l'assure !
- Et moi donc ! Clarisse zappait toutes les chaînes, contemplant l'écran, délaissé du son, dans quel monde vit-on ? reprit-elle à voix basse en épiant le visage d'Inka Lodberg qui apparaissait sur tous les canaux télévisés.
- Que dis-tu, ma chère ?
- Je disais, « Dans que monde vit-on ? », tu as vu cette nouvelle disparue, au Texas ? Tous les journaux en parlent.
- Je vois oui, je vois. Inka Je-ne-sais-pas-trop-quoi ? C'est ça ?
- Inka Lodberg, corrigea Mme. Perpinger.
- Il paraît qu'ils ont retrouvé sa main dans une des poubelles du domicile ! C'est affreux ! s'écria Suzanne.
- J'en ai entendu parler, effectivement.
- Dieu quelle horreur ! Tout cela me fait penser au petit de tes voisins. Il avait disparu lui aussi, n'est-ce pas ? Comment s'appelait-il ?
- Il s'appelait Jack Carry. Tout le monde dit qu'il est mort, ce pauvre petit. Mais il n'y avait pas que lui, Suzanne. Un autre gosse aussi, David, si je ne me trompe pas. Lui est mort, par contre. C'est vraiment abominable, quand j'y repense. Personne n'a jamais eu le fin mot de cette histoire...
- Tu as une bonne mémoire, ma belle. Je m'en souviens pas très bien moi. J'ai été étonnée que cette affaire ne soit pas médiatisée, c'est peut-être pour ça. C'est même honteux.
- Je suis d'accord avec toi.
Soudain, la banderole « Flash info » s'afficha grossièrement sur l'écran du salon de Clarisse. Elle ne lâcha pas les yeux du téléviseur et dit :
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La Clinique Du Dernier Souffle
HorrorDans une ville aux apparences paisibles, une clinique de recherche médicale attire l'attention de Connor après la disparition inexpliquée de sa sœur. En cherchant des réponses, il se heurte à des secrets terrifiants qui pourraient tout changer. Mais...