Ombre solitaire [Dark Fantasy]

Prologue

Son fantôme hante encore le château.

Danse à travers les couloirs, virevolte dans les champs de blé gorgé de soleil, s'échoue malicieusement derrière le trône de mon père tel un feu follet venu dévorer les éclats de lucidité de mon esprit. Où que j'aille, son image me poursuit. Je ne suis pas le seul à ressentir ce vide irréel, mais à la différence des autres, je déteste percevoir sa présence dans chaque recoin de ce royaume délesté de sa plus belle étoile.

Alors que j'arrose ses fleurs qui n'ont jamais cessé de croître et d'adoucir cette parcelle mortuaire, je m'envole avec ces pétales rouges dans l'abîme de mes souvenirs. Je ne sais pourquoi je perpétue cette routine depuis si longtemps, elle me réconforte dans mes instants de doute, quand mes certitudes vacillent. C'est la seule chose qui me reste.

Malgré les années qui se sont écoulées, je me souviens du moindre détail comme si c'était hier. Ces fragments de réminiscence qui ont désagrégé mon âme d'enfant pour y ancrer des épines indélébiles et qui ont souillé mon âme éprise.

Je l'aimais, bordel  !

 A cette pensée mes pieds saccagent le parterre fleuri fraîchement arrosé, comme si mes bottes pouvaient effacer ce terrible sentiment, son visage angélique , cette poisseuse compression thoracique. Même si je déracinais l'entièreté du cimetière, les graines continueraient de germer parce que le royaume lui-même semblait ne pas vouloir s'en débarrasser ! Les cadavres sous mes pieds, insufflent la vie à ses graines pour me narguer des années plus tard encore. Ses paroles ont bercé ma jeunesse, ont rythmé mes interminables journées d'espérance, ont envahi mes songes lorsque je rentrais finalement, vide de sa présence enchanteresse.

Je l'aimais, bon sang !

Et désormais je me hais, si profondément, d'avoir désiré son retour en dépit de ses mensonges. Son absence a entraîné les obsèques de mon cœur. Ne subsiste que cette douce et létale croyance, qu'au terme de cette éternelle agonie, j'aurai ma vengeance.

Et ce jour est enfin venu.