Ombre solitaire [Dark Fantasy]

Aurevoir

Deux semaines de préparations nous ont amené ici, devant les portes de mon royaume, prête à partir vers l'inconnu le plus total. Excepté le fait que la famille Karthani, où au moins Elyas peut exercer ses pouvoirs sur moi, que leurs frontières maritimes communiquent avec le royaume de la Lumière, nous ne sommes pas plus avancés qu'à leur arrivée chez nous. Cette proximité entre les deux territoires ennemis m'interpelle et je ressasse les propos qu'Ambérine, la matriarche, m'a tenue. Les conflits qui les opposent seraient-ils en lien avec leur proximité maritime ?

Ce désavantage majeur ne me fait pas peur, au contraire une excitation malvenue s'est emparée de mon être ces derniers jours. Contrairement à ma défunte mère, ce voyage hors de mes terres est le premier déplacement que j'effectue depuis sa disparition. Auparavant, nous le faisions à de nombreuses occasions, mais je n'en garde que très peu de souvenirs, seulement un sentiment de bien-être intense. Nous étions heureuses durant ces explorations, je le sens au plus profond de mon être même si ma mémoire me fait défaut lorsque j'essaye de m'y ancrer. Les barrières créées par mon pouvoir afin de préserver ma santé mentale plus que précaire, sont aussi intangibles que l'air que je respire. Les ténèbres ont occulté derrière leur voile éthéré, ce que mon esprit d'enfant ne pouvait supporter, me laissant des débris éparpillés de ma jeunesse.

Les carnets m'ont redonné espoir, peut-être qu'à travers eux je pourrai raviver mes souvenirs abstraits, que ce voyage pourra déterrer les fragments manquants.

Dès à présent, cette nouvelle quête m'est beaucoup plus chère que ma curiosité envers les Karthani. J'ai besoin de fouler les terres qu'elle a empruntées, de recomposer ses écrits à travers mes yeux.

Mon père, depuis son trépas, a mis un point d'honneur à préserver sa seule et unique progéniture. Je ne lui en tient pas rigueur mais l'urgence, depuis la découverte des carnets, comprime ma poitrine chaque jour qui passe.

Notre troupe s'affaire à vérifier le matériel nécessaire aux jours incertains qui nous attendent. Sur le dos de Quincy, prête à m'envoler je l'observe agiter ses longues ailes d'un bleu encre, impatient quant aux aventures qui nous guettent. Le sommet de son impressionnant bec est recouvert d'une protection en or qui remonte à ses orbites jusqu'à l'apex de son crâne, pour finir sur le pourtour de sa gorge, zone très à risque lors de bataille.

Je suis moi-même équipée de ma tenue royale de combat. Mon bustier couleur granite comporte une cascade de plume noir d'acier, assurant une protection optimale à mon organe vital. Le blason de notre famille, placé à cet endroit stratégique, est renforcé de titane sur cette cuirasse légère. Encore une idée du brillant Obéron. Cet accoutrement fût le sujet d'un long débat entre mon ami et moi, au cours duquel j'ai cédé à son ultime requête.

Le short mi-cuisse, me permet de me mouvoir à ma guise et en tout aisance pour ce voyage. L'intérieur du tissu moulant noir est finement doublé de deux fentes latérales qui permettent d'insérer deux petits poignards, facilement atteignables. Je ne pense pas en avoir besoin, mes bienfaitrices ne me quittent jamais.

Parmi les voyageurs se trouve Delyan qui assurera le bien-être des volatiles. Cet aspect est primordial pour voyager efficacement. Un corbeau, bien dans ses pattes, pourra conquérir plus de cieux et braver de plus grandes distances. Cet artisan n'est nullement impressionné par les soldats nous accompagnant, même s'il est peu coutumier des sorties en dehors de la volière, il est toujours aussi peu loquace et reste en retrait.

Certaines montures revêtent des harnais permettant un vol à deux passagers, encore une nouvelle prouesse de l'inventeur.

Deux gargouilles nous accompagnent également mais elles ne sont pas prédisposées à faire de longue distance, du fait de leur anatomie et leur poids, nous devons donc effectuer plusieurs arrêts jusqu'au royaume de Sinkrof, terre de la famille royale Karthani.