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L'image est distinctement divisée en deux par une ligne imprécise symbolisée par un espace vide. De part et d'autre de cet espace se trouvent deux personnes unies par une diagonale imaginaire. A droite l'adulte se tient debout tandis qu'à gauche l'adolescent reste coincé au sol.

Le regard de l'adulte est dirigé vers le plus jeune. L'homme a un certain âge, long et maigre, l'air sévère. Ses cheveux gris, coupés courts amplifient sa sévérité.

Pourtant le professeur est inquiet. Il vient de sortir, mécontent, à la suite de l'élève qui s'est enfui. Lorsque son regard se pose sur l'adolescent il comprend aussitôt que quelque chose ne va pas.

Son élève est prostré au sol et ne semble pas s'apercevoir de sa présence. Les mains appuyées avec force sur ses oreilles, il tente misérablement de s'isoler du bruit de la classe. Son corps se balance d'avant en arrière, il essaie de se réguler : sans succès.

Si le professeur est sorti pour punir l'insolent qui a eu le culot de quitter son cours sans autorisation, il cherche à présent à comprendre ce qu'il a pu se passer sans qu'il n'en ait eu conscience, et surtout comment parvenir à apaiser cet élève par ailleurs habituellement effacé.

Qu'a-t-il loupé ?

Ce que tous les professeurs avant lui ont ignoré. Une taquinerie de trop, une malveillance assumée.

L'élève répète d'une voix sourde "mes feutres". C'est hâché. C'est métallique. C'est laid. Mais c'est la seule chose qu'il arrive encore à prononcer.

Le professeur tentera de savoir ce qu'il s'est passé. Il ne saura jamais l'importance que cette boîte de feutres peut avoir pour son élève. Quiconque y verrait une simple boîte de feutres semblable à celle que tout élève est tenu d'avoir dans son sac.

Pour moi, c'est celle que tu m'as offerte.

C'est la promesse de temps à venir passé ensemble. C'est la preuve que tu penses à moi lorsque nous sommes éloignés l'un de l'autre.

Il ne saura pas non plus que le délégué de la classe les a cassés un par un en ricanant, satisfait de la détresse qui s'affichait sur le visage de son camarade bien trop étrange.

Alors devant cet adolescent aux longs cheveux blonds, assis à même le sol de béton le professeur est plus démuni que fâché. Il ignore ce qu'il s'est passé, mais en devine la gravité. Malhabile devant cet élève désormais hermétique au monde extérieur, il n'ose pas s'approcher pour apaiser les mouvements de plus en plus violents. Il reste droit, incapable d'une parole apaisante. C'est une leçon que l'élève est supposé apprendre. Une broutille pour le professeur, les camarades, le monde qui en ignore le poids émotionnel.

Les feutres sont cassés. Rien ne pourra les remplacer. 

24 images / sec randomOù les histoires vivent. Découvrez maintenant