C'est une des places centrales de la ville. En arrière plan se dresse la préfecture, ancien hôtel particulier d'un obscur comte des siècles passés. L'imposant bâtiment du 18e s'étale comme une tapisserie de calcaire en arrière plan. Devant lui, une fontaine qui détonne, rondelle de béton gris typique de l'architecture d'après guerre.
Les deux maigres jets d'eau se font entendre en l'absence de voitures uniquement. Sur la droite, les bacs de livres envahissent les trottoirs de la grande librairie.
Et toi, tu te tiens, en appui sur tes bras tendus derrière toi, presque allongé sur le rebord de cette hideuse fontaine. Tout de noir vêtu comme toujours, les yeux cachés par tes immenses lunettes de soleil, le visage délicieusement tendu vers le ciel.
Un chat qui se prélasse au soleil.
Ta jambes gauche est tendue sur le béton, l'autre repliée. Tu n'es pourtant pas en vacances, mais tu as un don pour profiter de ce qui s'offre à toi. Pleinement aurais-je envie de dire spontanément, mais je sais que je me trompe.
Ta posture m'est irritante. Elle est inappropriée pour le lieu où tu te trouves. Je m'avance rapidement jusqu'à toi. J'envie ta façon de t'affranchir des convenances que j'ai moi-même durement apprises. Elles glissent sur toi avec une facilité déconcertante qui pourrait laisser croire que tout est possible. Je te lance un bonjour guindé qui je l'espère, laisse entendre toute ma désapprobation. Mais tu ne t'en formalises pas. D'un mouvement étonnemment énergique, au regard de la nonchalance qui t'habitait précédemment, tu sautes à terre pour te dresser devant moi.
"Tu es venu" lâches-tu comme si tu ne m'attendais plus.
Tu as relevé tes lunettes de soleil et je peux enfin voir tes yeux. Ils sont noirs et cernés ce qui les fait paraître plus petits qu'ils ne le sont. Je ne leur trouve rien d'extraordinaire, pourtant ils ont un don exceptionnel : ils font partie des rares regards que je pouvais soutenir sans en ressentir de gêne. Mais de ça tu n'as pas conscience.
Tu me souris, la tête baissée vers moi. Nous sommes trop proches. Notre proximité ne respecte pas la norme, je me recule tu me souris d'une torsion des lèvres qui te donne un air canaille. Tes yeux sont fixés sur moi et je n'arrive pas à y retrouver la chaleur que ton sourire exprime.
C'est presque bancal.
Tu n'es pas aussi lisse que tu semblais l'être.
Tu es gêné par ce que je semble percevoir, tu détournes le regard et jette un oeil sur les bacs de livres quelques mètres plus loin. Ton regard s'y attarde un peu trop.
"Faudra que j'aille y faire un tour." dis-tu.
Est-ce une excuse infondée pour avoir détourné le regard ou es-tu un vrai lecteur ?
"Tu lis ?" je demande avec une certaine condescendance.
Ton regard se pose sur moi une fois de plus. Je pense l'espace d'une seconde que tu es vexé, mais contre toute attente tu éclates de rire.
"J'ai appris lorsque j'étais en CP." Tu ris et même si je ne te suis pas réellement favorable.... j'aime ton rire. Il remue quelque chose au fond de moi : c'est la première fois qu'on ne rit pas de moi, on rit avec moi.
Puis tu m'entraînes... au café,
dans ta vie...
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Acakimage après image... c'est un essai. Peut-être un raté, une réflexion écrite.