Nos âmes perdues

Chapitre 3

Kyle

Le sifflet du coach résonne dans tout le stade, mais je n'arrive pas à m'y concentrer. Mes pieds foulent l'herbe du terrain, mes jambes bougent par automatisme, mais mon esprit est ailleurs. Encore ces cauchemars. Ils me bouffent de l'intérieur. Chaque nuit, c'est la même scène, les mêmes yeux verts. Intenses, perçants, comme s'ils me cherchaient, mais je ne sais même pas à qui ils appartiennent. Ça me rend dingue.

—Kyle ! Tu es là ou quoi ?

Je lève les yeux pour voir Ben qui me fait signe, le ballon de football dans les mains. Autour de nous, l'entraînement bat son plein, mes coéquipiers courent dans tous les sens, répétant les stratégies habituelles. Le coach nous pousse à fond, préparant l'équipe pour le match de la semaine prochaine, mais je suis totalement déconnecté.

—Ouais, ouais, j'arrive ! je lance en agitant la main.

Je rejoins Ben au centre du terrain. Son expression dit tout. Il sait que je ne suis pas dans mon état normal, et il n'est pas du genre à laisser passer ça.

— Mec, tu tires la gueule depuis des jours. Qu'est-ce qui se passe ? je secoue la tête, essayant de chasser cette sensation de malaise, rien, juste fatigué, c'est tout.

Ben n'est pas convaincu.

—Tu es fatigué ou tu fais encore ces cauchemars ?

Je m'arrête un instant, surpris qu'il ait deviné juste. Mais après tout, ça fait des mois que ça dure. Mes coéquipiers ont remarqué que quelque chose cloche, même si je ne parle jamais de ces rêves en détail. Ce serait ridicule d'admettre que des yeux me hantent, non ?

—Ouais, c'est toujours les mêmes, je finis par avouer à mi-voix.

Ben me lance un regard compatissant, mais il n'a pas le temps de répondre. Ethan, un autre coéquipier, nous rejoint, l'air fatigué mais toujours prêt à plaisanter.

—Alors, les gars, on se fait une pause ou quoi ? Kyle, tu as l'air complètement ailleurs. Faut te remettre la tête dans le jeu, mon pote. Le match arrive, et on a besoin de notre capitaine en forme.

Je hoche la tête, essayant de sourire pour leur donner l'impression que ça va. Mais même avec tous les efforts que je fais, il y a cette sensation de vide, ce trou béant en moi que je ne peux pas expliquer. Ce n'est pas la pression du match qui me pèse. C'est autre chose, quelque chose de plus profond, de plus personnel, que même mes meilleurs amis ne peuvent comprendre.

Le coach siffle à nouveau, appelant tout le monde pour une séance de tactique. Je me concentre comme je peux, écoutant à moitié les instructions, mais mon esprit dérive encore. Les yeux verts, encore et toujours. Chaque nuit, ils reviennent. Je me souviens vaguement d'un lac, d'arbres, de quelque chose qui semble familier, mais à chaque fois que j'essaie de creuser plus loin dans ces souvenirs flous, tout se brouille.

—Kyle, c'est bon ? Tu captes ce que je dis ou tu es déjà parti dans ton match ? demande le coach en me fixant.

Je cligne des yeux, réalisant qu'il attend une réponse.

—Ouais, coach, désolé.

Il me scrute un instant avant de continuer à parler au groupe. Ben et Ethan échangent un regard, et je sais qu'ils vont me cuisiner plus tard. Mais pour l'instant, je dois me concentrer sur ce qui est devant moi.

L'entraînement reprend, et je me jette dans l'action avec plus de force, comme si le fait de courir, de jouer, pouvait m'aider à oublier. C'est le seul moment où je me sens presque normal, où mon corps prend le dessus sur mes pensées. Mais même dans ces instants de répit, les images des cauchemars sont là, en arrière-plan, comme un voile qui s'étend sur tout ce que je fais.