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Je prends une profonde inspiration, tentant de calmer le tourbillon de pensées qui agite mon esprit. Autour de moi, le silence est aussi épais que la noirceur de la nuit, seulement perturbé par le souffle du vent qui semble murmurer d'étranges avertissements. Allongé sur la terre dure, dans ce qui semble être une cabane de fortune, je ferme les yeux pour organiser mes souvenirs, ou du moins ce qu’il en reste depuis que je me suis réveillé ici, sans explication, dans le corps d’un enfant.

Rien n’aurait pu me préparer à cette sensation d’étrangeté, ce malaise insidieux qui me ronge depuis que j’ai ouvert les yeux dans ce monde. C’est bien Demon Slayer, je le sais. J'ai vu ce village, ses maisons en bois, ses lanternes en papier illuminant les rues étroites, le monde qui s’étend sous la menace des démons. Mais le vivre ? C'est autre chose. Je le sens dans chaque fibre de mon corps, cette tension, cette peur sourde, et surtout… cette faiblesse.

"U~Iri," murmure une voix rauque à côté de moi, comme un rappel brutal de ma réalité. C’est ma mère — ou plutôt, celle de ce corps. Elle me regarde, son visage fatigué éclairé par la lueur vacillante d’une lampe à huile. Elle m’a trouvé il y a quelques heures, alors que j’errant dans les bois comme un fantôme. Elle m’a pris dans ses bras sans poser de questions, et moi, j’ai juste suivi, trop abasourdi pour protester.

Elle parle peu, mais je sais qu’elle s’inquiète. Elle me regarde avec cet air de tristesse résignée, comme si elle savait déjà que je n’étais pas exactement… son fils. Est-ce qu’elle voit l’adulte en moi, caché derrière ces yeux d’enfant ? C’est difficile à dire, et ça m’effraie un peu. Mais à cet instant, mes pensées sont ailleurs.

"Reste près de moi cette nuit," dit-elle en posant une main rugueuse sur mon épaule. Elle serre, comme pour s’assurer que je ne vais pas disparaître.

Je hoche la tête. Rester ici, rester en vie… Ce sont les seuls objectifs qui me semblent valables pour l’instant. Sortir de cette cabane pour affronter les ténèbres serait pure folie. Même si je sais que, tôt ou tard, il faudra bien que je prenne des risques si je veux comprendre pourquoi je suis ici, et surtout comment je vais pouvoir m’en sortir.

Je laisse mon regard errer dans l'obscurité de la pièce. Quelques objets jonchent le sol — des vêtements pliés, une couverture épaisse, une dague posée dans un coin, luisante sous la faible lueur. Mon regard s'attarde sur cette lame ; elle est cruelle dans sa simplicité, un outil destiné à tuer. Peut-être que ce sera la première arme que j’aurai dans ce monde, un outil rudimentaire mais efficace pour survivre aux menaces nocturnes.

Les démons existent, je le sais. Je le sens presque. Même si je n’en ai pas encore vu, même si mon esprit s’accroche à cette illusion de sécurité, je sais que quelque part, là dehors, ils rôdent. Cette pensée fait frissonner tout mon corps, comme si l’air autour de moi devenait plus lourd, chargé de malveillance.

"Il vaudrait mieux dormir, U~Iri," murmure ma mère d’un ton doux mais ferme.

Je ferme les yeux, sachant que dormir pourrait bien être la seule chose à faire pour éviter la folie. Mais chaque son, chaque mouvement dans le silence de la nuit me rend nerveux. Les images de démons, de combats mortels, de chasseurs brandissant des lames de Nichirin dans les ténèbres me reviennent en mémoire. Je repense à l’œuvre que j’écrivais, à ces personnages que j’avais façonnés dans un monde où le danger est omniprésent. Sauf que cette fois, c'est moi qui suis piégé dans cette histoire.

La nuit s’étire interminablement, et je me rends compte que je n’ai aucune idée de ce que je vais faire. Le lendemain, peut-être que je pourrai explorer un peu plus, comprendre les règles de ce monde et repérer les dangers. Ma première priorité sera de survivre — c’est aussi simple que ça. J’ai toujours eu une bonne intuition, un instinct qui m’a servi dans des situations difficiles, mais est-ce que cela suffira ici, dans un monde où un seul faux pas pourrait signer ma mort ?

Le sommeil finit par me prendre, et les heures passent dans une torpeur agitée de rêves étranges, où réalité et fiction se mélangent.

Quand j’ouvre les yeux, la lumière douce de l’aube filtre à travers les murs de la cabane. L’air est froid, mais apaisant. Ma mère est déjà debout, affairée à préparer quelque chose dans un bol. Je me redresse, les muscles endoloris, le corps encore engourdi. Dans mon autre vie, tout semblait plus simple, et je pouvais décider de ce que j’allais faire, où aller, quoi éviter. Ici, je suis à la merci d’un monde que je ne contrôle pas.

Je me lève lentement, essayant de me rappeler qui je suis — ou plutôt qui j’étais. Un auteur, plongé dans ses histoires et ses personnages. Maintenant, un simple enfant, sans pouvoirs, sans armes, seulement l’intuition et le savoir que j’ai emporté avec moi depuis mon autre vie.

En silence, je m'approche de la dague, tendant la main vers elle. La lame est froide au toucher, mais solide, et un sentiment de réconfort m’envahit. Peut-être que ce monde n’est pas fait pour moi, mais si je dois survivre, autant commencer quelque part. La dague ne suffira probablement pas contre un démon, mais au moins, elle me donne une illusion de contrôle.

"Je vais dehors," dis-je, surprenant ma mère qui se retourne, l’air inquiet.

Elle hésite, comme si elle voulait me retenir, mais elle finit par me laisser partir avec un léger hochement de tête. Je sors de la cabane, respirant l'air frais du matin, essayant d'ignorer le poids qui pèse sur mes épaules. Mon regard se perd dans la forêt dense qui borde le village, un paysage à la fois magnifique et menaçant.

Un frisson parcourt mon échine, et soudain, j’ai une vision nette : moi, face à un démon, sans aucune chance de m’en sortir, piégé entre l’horreur et l’impuissance. Un simple clin d’œil, et la vision disparaît, me laissant à nouveau dans le silence de la forêt.

Je serre la dague dans ma main, inspirant profondément. Le monde de Demon Slayer n’est pas fait pour les faibles, et j'en ai conscience. Mais pour l’instant, c’est le seul monde que j’ai, et je vais devoir apprendre à y survivre.

Pas à pas.

Je suis dans KNYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant