À bout de souffle, étendu à plat ventre sur la moquette, je n'osais pas bouger. La tempête avait cessé à l'instant même où la porte avait claqué derrière moi. Pour seul bruit, le faible bourdonnement des néons.
Étais-je revenu à mon point de départ ? Allais-je me réveiller dans une nouvelle salle d'attente vide et revivre une nouvelle fois ce cauchemar ? La quiétude du lieu avait quelque chose de rassurant. Le sol ne se dérobait pas sous moi, les murs n'explosaient pas. Peut-être allais-je enfin pouvoir souffler.
À peine cette pensée m'avait-elle traversé l'esprit qu'un soupir las, suivi par des bruits de pas s'approchant, se fit entendre.
— Encore un qui s'est perdu, fit une voix féminine. Voulez-vous que j'appelle le gardien ?
Le bruit d'une chaise qu'on pousse se fit entendre, suivi d'une seconde voix :
— Non, celui-là n'est pas perdu... Pas encore.
C'était aussi une femme, mais, à en juger par le ton de sa voix, elle semblait plus âgée et plus sûre d'elle. Ouvrant finalement les yeux et tentant difficilement de me relever, je pus enfin voir où je me trouvais.
J'étais dans une large pièce, avec en son centre un long bureau en bois semblant avoir directement poussé du sol. Sa base, semblable au tronc d'un arbre, supportait une plaque de marbre blanc. Plusieurs dossiers étaient éparpillés dessus, et l'on pouvait voir des boîtes en carton empilées à côté et sur les chaises. La pièce était très lumineuse.
Mon regard continua de se promener, découvrant des étagères allant du sol au plafond, remplies à ras bord de classeurs. Sur ma droite, deux immenses baies vitrées donnaient sur un parc arboré, inondant la pièce d'une lumière chaude.
Près de moi se trouvait une jeune femme — c'était la première à avoir parlé. Elle était habillée d'un tailleur noir qui semblait trop grand pour elle et tenait un gros classeur dans ses bras. Elle regardait ses pieds et paraissait mal à l'aise face à ma présence.
À côté d'elle, la seconde femme était son exact opposé. Plus grande d'une bonne tête, elle était tranquillement appuyée contre le bureau, les bras croisés, et me regardait fixement. Elle portait le même tailleur noir, mais le sien était parfaitement ajusté et impeccable.
La plus jeune des deux reprit la parole sans me regarder :
— Vous êtes sûre, Madame ? Nous avons beaucoup de travail, il ne faudrait que ce...
— C'est justement ça notre travail, coupa la seconde d'une voix calme. L'aurais-tu oublié ?
— Non, Madame. Excusez-moi, Madame.
Elle se retourna et commença à ranger les dossiers éparpillés sur le bureau. La seconde femme s'approcha alors de moi et me tendit la main pour m'aider à me relever.
Après tout ce que je venais de vivre ces dernières heures, je n'osais plus bouger. Qu'allait-il encore se passer ? Rien de tout cela ne pouvait être réel. Pourtant, ici et maintenant, dans ce bureau, le monde ne m'avait jamais paru aussi vrai.
Comme si elle avait lu dans mes pensées, elle me dit d'un ton rassurant :
— Ne t'en fais pas, tu ne crains plus rien ici. Regarde.
Elle alla ouvrir la porte que je venais de franchir. J'eus un mouvement de recul, craignant que la tempête ne m'ait suivi. Mais avant que je ne puisse dire quoi que ce soit, elle actionna la poignée.
La porte s'ouvrit sur le même parc arboré que l'on voyait par la fenêtre. Un doux parfum de jasmin envahit la pièce. On pouvait entendre les oiseaux chanter et le bruit d'un petit ruisseau non loin. Mes muscles se relâchèrent légèrement, apaisés par la réalisation que j'allais enfin pouvoir souffler.
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Sixième Étage
HorrorLorsque le passé hante l'esprit, il transforme les rêves en labyrinthes. Pris au piège dans un monde étrange et surréaliste, un homme tente désespérément de retrouver celle qu'il a aimée et perdue. De salles d'attente oppressantes en cathédrales bri...