.En ce 1er avril, jour de la rentrée des classes, je traîne un immense sac et tire péniblement trois valises. On ne sait jamais, mieux vaut être trop préparé que pas assez. Je refuse de prendre le bus bondé, où je serais l’objet de regards curieux ou indiscrets. Non, je préfère marcher, même si ça signifie arriver au bord de l’épuisement. Mais un problème se pose rapidement : je dois ranger toutes mes affaires dans ma chambre au plus vite avant de rejoindre ma classe. Cette école ne laisse pas place à l’erreur, et je sais pertinemment que je suis coincé ici pour les trois prochaines années. Trois ans enfermés dans ce lycée qui ne promet rien d’autre qu’un enfer social et mental.
Une fois mes valises rangées et mon sac posé dans un coin de ma chambre minimaliste, je souffle un peu. Pas longtemps. En regardant l’écran de mon téléphone, un détail attire mon attention : 100 000 points affichés. Je fronce les sourcils. Je ne sais pas encore ce que ça signifie, mais je doute que ce soit une simple décoration numérique. Dans cet endroit, tout semble avoir un prix. Je garde cette information dans un coin de ma tête.
Je fais rapidement le tour de ma chambre. Rien de remarquable : un lit simple, un bureau, une chaise et un placard. Tout semble propre et fonctionnel, mais froid, impersonnel. Comme s’ils voulaient nous rappeler que nous ne sommes ici que des passants temporaires. Je passe devant le miroir accroché au mur et m’arrête un instant pour m’observer. Ma peau brune reflète légèrement la lumière du plafond. Mes cheveux noirs coupés à ras ne demandent aucun effort d’entretien. Mes yeux marron fixent mon reflet, impassibles. Ce visage, cet extérieur qui me distingue tellement ici, je l’ai appris, attire autant de curiosité que de jugements silencieux. Je vis au Japon depuis trois ans maintenant, envoyé ici pour des raisons que je préfère taire, mais je n’ai jamais oublié que je suis un étranger, et que cela suffit à me mettre à part.
Je tire sur le bas de ma chemise blanche, vérifie que ma cravate rouge est bien nouée et ajuste la veste rouge assortie. Le pantalon vert bouteille me paraît toujours aussi étrange, mais je n’ai pas le choix. Les chaussures noires, bien que sobres, me serrent légèrement les pieds. Une tenue étrange pour une école qui se targue d’être la plus prestigieuse du pays. Une fois prêt, je sangle mon sac sur mon épaule et quitte ma chambre. Direction la classe.
Dans les couloirs, je garde les yeux baissés, ignorant les regards des autres élèves. Je sens les murmures à mon passage, comme des ombres sonores que je ne peux pas échapper. Peu importe, je me concentre sur mon objectif : trouver ma classe.
En arrivant devant la porte marquée « 1-D », je prends une profonde inspiration. Classe D, la classe des "épaves", comme ils l’appellent. Une appellation aussi blessante que révélatrice. Pourtant, je n’y vois pas une insulte. C’est un rappel que je devrai probablement me battre pour prouver ma valeur ici. En entrant, je passe un rapide coup d’œil sur la salle et sur mes futurs camarades.
Une fille aux cheveux roses capte mon attention en premier. Elle rit doucement en discutant avec un groupe d’élèves. À première vue, elle semble sociable, peut-être même populaire, mais son sourire est trop parfait pour être honnête. À quelques mètres de là, une autre fille, isolée dans un coin, est plongée dans un livre. Son visage est neutre, presque impassible, et elle semble ignorer complètement le chaos autour d’elle. Mes yeux se posent ensuite sur une élève aux cheveux rouges, qui, contrairement aux autres, m’observe directement. Son regard est perçant, presque menaçant. Mon instinct me hurle de me méfier d’elle. Elle ne dit rien, ne bouge pas, mais son expression me donne une impression désagréable. Dès cet instant, je sais que je suis en danger.
Ignorant son regard, je salue brièvement les autres élèves d’un mouvement de tête. Pas de grandes présentations, juste assez pour ne pas paraître grossier. Mon attention se détourne rapidement vers une femme qui se tient au bureau principal. Chabashira Sae, si j’en crois la plaque sur son bureau. Ses cheveux bruns encadrent un visage strict, et son regard glacé balaie la salle comme si elle jaugeait chacun d’entre nous. Une enseignante sévère, clairement pas du genre à pardonner les erreurs. Sans attendre, je vais m’asseoir sur un banc libre au fond de la classe, gardant une vue dégagée sur la salle. Mon objectif pour aujourd’hui est simple : observer et apprendre.
Quand Chabashira commence à parler, je reste silencieux, enregistrant chaque mot. Elle explique les règles de l’école, les attentes, le fonctionnement des points. Je ne comprends pas tout immédiatement, mais je devine que le système de points est la clé de tout ici. Mon regard vagabonde un instant autour de la classe. Je prends note des expressions des élèves, certains fascinés, d’autres distraits, et quelques-uns visiblement déjà agacés par les règles. Intéressant.
Je fais mentalement le compte des visages que j’ai vus jusqu’à présent. Entre ceux dans les couloirs et ceux ici, j’ai repéré environ huit personnes sur une quarantaine. Pas grand-chose, mais suffisant pour commencer à former une idée générale. Je classe déjà certains d’entre eux dans des catégories : menaces potentielles, alliés possibles, et ceux à ignorer complètement. La fille aux cheveux rouges, par exemple, reste sur ma liste de "menaces". Je ne sais pas encore pourquoi, mais son regard m’a laissé un mauvais pressentiment. Et si mon instinct m’a appris une chose, c’est de toujours l’écouter.
La voix de Chabashira me ramène à l’instant présent. Elle termine son explication en précisant que nous devrons nous débrouiller seuls pour comprendre les subtilités du système. Naturellement. Cette école n’est pas là pour nous tenir la main. Tout repose sur notre capacité à apprendre, à manipuler et à survivre. Exactement ce à quoi je m’attendais.
Quand la cloche sonne pour signaler la fin de son discours, je reste assis, observant les élèves qui commencent à se regrouper en petits clans. Certains semblent déjà se connaître, d’autres tentent de briser la glace. Moi, je garde mes distances. Les alliances précipitées sont souvent les plus fragiles. Il est trop tôt pour faire confiance à qui que ce soit.
En regardant autour de moi, une seule pensée me traverse l’esprit :
Bienvenue en enfer.
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L'Elite Brun - Y1
FanfictionTout commence au sein du lycée le plus prestigieux du Japon : ANHS - Advenced Nurturing High School. Un jeune garçon originaire du Bénin, présent dans ce pays depuis 3 ans arrive dans ladite classe des épaves : la classe D. Son nom est Okoda Wilfrie...