Hollynn RooseveltPlusieurs semaines ont passé, et malgré toutes mes réticences initiales, je pouvais désormais voir clairement que Lukyan voulait vraiment mon bien. Il n'était pas comme les autres officiers. Là où ils se contentaient d'ignorer nos souffrances ou, pire, de les aggraver, lui essayait de faire ce qu'il pouvait pour alléger mon fardeau, à sa manière.
Il trouvait toujours un moyen, en cachette, d'apporter un peu plus de nourriture et de la glisser discrètement vers moi ou les enfants, ceux qui en avaient le plus besoin. Il surveillait également les autres gardes, intervenant lorsqu'il voyait que l'un d'eux devenait trop brutal. Quand ils venaient me hurler dessus, Lukyan se glissait dans l'ombre, interpellait l'un d'eux d'un ton autoritaire pour détourner leur attention. Ce n'étaient que de petites choses, presque invisibles, mais elles faisaient toute la différence dans ce quotidien froid et cruel.
Pourtant, cette aide précieuse n'a pas duré. Petit à petit, son comportement a commencé à attirer des soupçons. Ce n'était qu'un murmure au départ, des regards interrogateurs que certains de ses collègues lançaient dans sa direction. Mais ces murmures se sont amplifiés. Et dans un camp comme celui-ci, rien ne passe inaperçu bien longtemps.
Je l'ai vu changer. Pas dans ses intentions, mais dans ses actes. Il était devenu plus distant, plus discret. Ses gestes d'attention étaient toujours là, mais moins fréquents, plus calculés. Il évitait de me parler trop longtemps, surveillait constamment les alentours avant de m'approcher. Je savais qu'il continuait à vouloir m'aider, mais quelque chose avait changé : il était sur ses gardes, tendu, comme s'il savait que chaque pas de travers pourrait être son dernier.
Un jour, alors que je ramassais de la neige avec une pelle, je l'ai vu passer non loin. Nos regards se sont croisés brièvement, et j'ai remarqué dans ses yeux une inquiétude qui n'y était pas avant. Il n'avait pas besoin de mots pour me faire comprendre qu'il était en danger. Je baissai immédiatement les yeux, évitant de prolonger cet échange, de peur que cela attire l'attention.
Mais même dans ce silence, je savais qu'il faisait tout son possible pour continuer à m'aider, malgré les risques qui pesaient sur lui. Il n'avait plus la même liberté qu'auparavant, mais il essayait, à sa manière, de rester cette lueur d'humanité dans cet enfer. Chaque fois qu'il croisait mon chemin, même brièvement, je sentais ce lien fragile qui nous unissait, ce fil ténu qui résistait à la violence du monde qui nous entourait.
Et moi, je ne pouvais m'empêcher de m'inquiéter pour lui. Pourquoi faisait-il tout cela pour moi ? Pourquoi prendre un tel risque ? Je n'avais pas les réponses, mais je savais une chose : il avait mis sa vie en jeu, pour moi, et cela suffisait à me rappeler que, même dans l'obscurité la plus totale, il pouvait encore exister une forme d'espoir...
Le soir tombait, et je me trouvais dans l'un des hangars à trier des caisses de provisions. L'air était glacial, et mes doigts étaient engourdis par le froid malgré les gants troués qu'on m'avait donnés. Autour de moi, d'autres prisonnières travaillaient en silence, le bruit des caisses et des outils couvrant à peine le souffle du vent qui s'insinuait à travers les fissures des murs.
Alors que je soulevais une caisse particulièrement lourde, une femme à la peau pâle et aux cheveux courts s'approcha discrètement de moi. Je ne connaissais pas son nom, mais je savais qu'elle était là depuis bien plus longtemps que moi. Elle avait cette manière de se fondre dans le décor, de passer inaperçue, mais il y avait quelque chose dans ses yeux : une lueur de détermination que peu d'entre nous avaient encore.
– Hé, Hollynn, murmura-t-elle tout en jetant un regard autour d'elle pour s'assurer que personne ne l'écoutait. J'ai entendu dire que tu connais bien les gardes, surtout un en particulier.
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Sous la neige
RomanceDans les neiges hostiles de Sibérie, un officier du régime soviétique croise la route d'une prisonnière, ancienne danseuse étoile emprisonnée pour des idées qu'elle n'a jamais défendues. Fasciné par sa grâce et sa résilience, il se rapproche d'elle...