Elle était là, dans le noir - Tempête

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(Si vous souhaitez une analyse d'un de vos écrits semblable à celle ci, contactez moi ici ou sur mon Babillard !) 

Dans ce chapitre, j'analyse le livre Au détour d'une page écrit par @Cassi0_Peia, dont vous avez croisé au quatrième chapitre le début du Chat de la vieille dame. Cette fois ci, j'analyse la nouvelle Tempête, qui m'a l'air de relever de la littérature générale. Etant plus courte que le chat dont j'avais vu le premier tiers, elle sera analysée intégralement, comme Hiver il y a quelques chapitres. 

J'ai mis du temps à l'analyser, car je priorise les auteurs qui n'ont pas vu leurs œuvres analysées, or c'est la deuxième nouvelle de l'autrice que j'analyse. Cela ne me dérange pas (déjà parce que la règle l'autorise), pour deux raisons : Cassiopéia est en train d'analyser mon roman "Après vous", dans le cadre d'un projet, et j'apprécie beaucoup ce qu'elle écrit. (et ma bienveillance générale ne m'empêche pas d'être critique : si sa plume ne me plaisait pas, je n'aurais pas été hypocrite). 

Je trouve la prose belle et simple, avec des images telles la tempête chorégraphe d'une danse macabre (personnification, et la personnification de la tempête est au cœur de la nouvelle à mon sens) et du vocabulaire sophistiqué comme estran (partie du littoral recouvert par la marée), il est très rare que j'apprenne des mots sur Wattpad, mais là j'ai sollicité un moteur de recherche. 

Le paysage état d'âme 

Ce qui rend cette nouvelle hautement poétique, contemplative et psychologique, c'est que le paysage est à l'image de l'héroïne sans nom, elle l'habite : la tempête personnifiée déjà mentionnée, et le littoral qu'elle a toujours apprécié et qui est sa ressource, qui lui permet de contrer son flot de pensées. Le paysage est décrit avec finesse, les sensations sont rapportées, les brindilles craquent et le sol est "meuble". Rien n'est stable, la tempête est elle même signe de mouvement, et elle est associée à la solitude.

De  même, la "température fraiche", "les hautes silhouettes des pins", et "l'odeur du bois" décrivent des sens. Le vent est personnifié, il "hurle son chant", et est qualifié de "souffle", ce qui ajoute l'ouïe et le toucher aux sens contemplés. C'est une émotion belle et vive. On a aussi une "odeur iodée", et la sensation du sable, sabots ôtés (chaussures un peu "anciennes"). Cela nous change du milieu urbain. Les sensations sont peintes avec force. 

A mon sens, sans aller dans de la psycho de comptoir, la protagoniste est introvertie : épuisée par un évènement social, elle veut être seule et nourrit un désir de liberté, et c'est seule, et enfin avec son compagnon, qu'elle se ressource. L'introversion a été théorisée en psychanalyse par Jung (Carl Gustav), suisse, et figure en psychologie dans le test de l'Hexaco, il me semble que l'introversion est une notion scientifique, binarité (il y a les introvertis et les extravertis) en moins. 

L'agitation intérieure et extérieure sont accordées, et se reflètent : c'est le même procédé que la pluie qui a lieu dans les scènes tristes dans les disney, en plus subtil. En janvier 2024 j'ai lu le bref roman "écoute la pluie" de Michèle Lesbre (écrivaine et directrice d'école primaire) où la pluie intérieure est à l'image d'un état d'âme bien plus sombre. La narratrice, au début du roman, a vu un inconnu se suicider sur les voies des transports, et commence une errance sous la pluie et dans un paysage urbain, où les pensées pleuvent. Mention est aussi faite d'un compagnon photographe. Cela dit, le paysage état d'âme me semble une notion d'analyse littéraire scolaire, avant tout, la totalité de mes sources sont scolaires et je l'ai moi même appris en Seconde. 

Fuir la société ? 

Attention, je ne parle pas de "social" dans le sens de sociologie, de classes sociales, ect, même si la nouvelle du chat de la vieille dame, de la même autrice, m'avait permis de traiter des aides à domicile. J'entends par social le cercle, les relations, l'entourage : du latin "socius", les compagnons (je suis latiniste, ce qui sert à se sentir cultivé et à suivre un cursus de latin). Le personnage apprécie la compagnie, ce n'est pas la question : l'évènement, son anniversaire, est agréable, mais il la fatigue. Vivre en société, c'est sourire aux gens, et voir les restes de la fête : ballons de baudruche, "confettis éparpillés"...les indices, en somme. ("indice" avec des restes de fête est un sujet tombé à un concours d'enseignement d'art, c'est une description assez visuelle). 

Dans la construction de la nouvelle, nous sommes la nuit après la fête, et elle commet une erreur en supposant que sa pensée n'intéressera pas son compagnon. Elle préfère s'isoler, aller dehors, ce qui la distingue des autres : elle aime la mer la nuit. Lorsque son compagnon la retrouve, leur amour signifie que le compagnon trouve par lui même le "paysage état d'âme" de la femme, qu'il y entre, non qu'il soit invité, mais parce qu'il connaît l'entrée, sans être intrusif. L'amour est la réponse donnée : il sait que sa compagne est sortie la nuit, et en douceur et en continuité (il n'y a pas de rupture de type : "mais tu es tarée de sortir ! on rentre !"); l'aide à rentrer. La maison est alors qualifiée de "refuge". La maison-refuge est une composante importante de la maison, ce qui se voit encore plus lors des tempêtes. C'est avant tout ce qui protège du froid, une "coquille". D'abord étouffante, elle finit par redevenir ce lieu chaleureux et ce cocon d'amour. 

Le paysage état d'âme, la fuite solitaire, est nécessaire, mais reste à sa juste place. Comprise du mari, et respectée, elle se termine néanmoins. Le compagnon est qualifié de rempart, ce qui relève du refuge, également : l'amour vainc ainsi les tourments intérieurs. Ainsi, je répondrais non, ou non, pas vraiment, à la question-titre du paragraphe : si elle a besoin de fuir les gens,  de s'isoler en sortant la nuit, ce qui est peu habituel, c'est pour mieux retrouver l'intime, intime dont fait partie son compagnon. On sait que le cycle recommencera, c'est la peinture d'un moment parmi d'autres, d'un beau moment où solitude, groupe et couple restent chacun à leur place. 

De cette façon, l'héroïne fuit la société pour s'y sentir mieux et mieux y retourner. 

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L'introversion et ses limites, le charmant tableau, poétique, d'une nuit, l'amour... me font voir quelques similitudes avec "hiver", même si "tempête" est estivale. (et au passage, l'autrice romantic moon, deux fois analysée, a écrit des textes sur l'automne, on aura bientôt les quatre saisons). 

C'est beau et je voudrais remercier @Cassi0_Peia pour ce moment de lecture. 

Au début [FERME]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant