...Il est 7h30 du matin. Je suis déjà à la salle de boxe, le sol de béton froid sous mes pieds nus. Les murs sont tapissés de vieux posters de combattants, des souvenirs d'anciennes gloires et de rêves non réalisés. Le coach est là, comme d'habitude, à s'occuper des gamins du coin. C'est lui qui m'a appris les bases, sans jamais rien demander en retour. Il a ce regard calme, presque paisible, mais dans ses gestes, on sent une discipline à toute épreuve. Un gars comme ça, on ne le croise pas tous les jours. Il est vieux, mais il a encore de la force dans les bras.
Je frappe le sac de frappe avec toute la colère que j'ai accumulée, les coups résonnent dans la pièce, chaque impact me fait un peu plus oublier la souffrance de la veille. C'est mon échappatoire, ici, je suis seule avec mes pensées.
Le coach s'approche de moi, le regard sérieux.
Coach- Tu te débrouilles bien, Gülay. T'as du potentiel. J'ai vu un tournoi qui arrive dans le coin. Ce serait une bonne occasion pour toi de tester ce que tu vaux.
Je m'arrête, le souffle lourd. Un tournoi... C'est exactement ce que je voulais, un moyen de gagner de l'argent, de me prouver à moi-même que je suis plus forte que ce que la vie m'a réservé. Mais une pensée me traverse l'esprit, comme un nuage qui assombrit tout. Mon père.
Gülay- Un tournoi ?
Je secoue la tête.
-Non, je ne peux pas. Pas maintenant.Je cherche une excuse, n'importe quoi qui puisse faire taire cette pression dans ma poitrine.
-Je... je dois m'occuper de ma mère. Elle est malade, tu sais...
Je baisse les yeux, même si je sais que ce n'est pas totalement vrai. Ma mère est malade, certes, mais ce n'est pas elle qui me retient ici. C'est lui, mon père. Chaque fois que je le regarde, je me vois perdante.
Le coach me fixe un moment, il sait que quelque chose ne va pas. Il connaît cette expression, cette façon de détourner les yeux. Mais il ne pousse pas. Il prend un moment, comme s'il pesait ses mots.
Coach- Gülay, tu sais que tu es capable. Je l'ai vu dans tes yeux, tu as la rage qu'il faut. Mais si tu ne fais rien, tu resteras dans cet endroit où tu te caches, et tu ne seras jamais libre. Il faut que tu prennes des risques parfois.
Je me mord la lèvre, les mots résonnent. La liberté, c'est tout ce que je veux, mais le prix de cette liberté me fait peur. Si mon père découvre que je fais ça... Je n'ai pas le courage de l'affronter, pas maintenant.
Gülay- Je peux pas. Je vais juste... je vais encore m'entraîner ici, tranquille. Pas de tournoi.
Je fais un léger sourire, mais c'est plus pour moi-même que pour lui.
- Je ne suis pas prête.
Le coach hoche lentement la tête, comme s'il avait vu ça venir, comme s'il savait que je n'étais pas encore prête à franchir ce cap. Il ne dit rien de plus, il revient simplement à l'entraînement des autres enfants. Mais avant de tourner les talons, il me lance une dernière phrase.
Coach- Tu sais où je suis si tu changes d'avis. Les opportunités ne vont pas attendre. N'oublie pas ça.
Je le regarde partir, puis je me remets à frapper le sac de frappe, plus fort cette fois. Peut-être que je n'étais pas prête aujourd'hui, mais un jour, je le serai. Un jour, je n'aurai plus peur.
Après l'entraînement, je rentre directement. Il est déjà un peu tard, trop pour quelqu'un qui vit sous le contrôle d'un homme comme mon père. Si il avait remarqué mon absence, je sais bien que ça aurait mal tourné. J'ai appris à ne jamais lui donner de prétextes. Il a un radar pour repérer quand je ne suis pas là, même s'il est souvent trop saoul ou trop occupé pour me suivre.
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Les poings comme seule refuge
AdventureUne jeune femme, marquée par un passé difficile, lutte pour survivre dans un monde où la boxe devient son unique échappatoire. Entre combats physiques et démons intérieurs, elle se retrouve face à un adversaire inattendu, et rien ne se passe comme p...