Chapitre 2

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Joyce

Ce matin, c'est le grand jour, le premier jour dans ce nouveau lycée où je ne connais qu'une seule et unique personne : Willow, une fille que j'ai rencontré lors de ma première et dernière colonie de vacances et avec qui je suis très rapidement devenue amie.

Sur le chemin du lycée, je poste la chanson que j'ai enregistrée toute à l'heure. C'est une sorte de rituel pour moi, une routine un peu, ça me détend et j'adore ça. Bien sûr, je ne montre ni ma tête, ni aucune partie de mon corps d'ailleurs : je sais que si je le faisais, je serais hué pour ma couleur de peau, c'est comme ça.

Je suis noire.

Et dans ce pays, il est difficile de se faire accepter quand on est étranger et encore plus lorsque notre couleur de peau n'est pas la même que la plupart de la population.
Depuis toute petite, je subis le racisme en silence comme on me l'a si bien appris et si souvent répété. J'entends encore mon père, un soir où je suis rentré de l'école en pleure parce qu'une de mes camarades avait dit que j'étais moche et que je devrai aller me laver pour enlever le marron que j'avais sur la peau. C'était vraiment puéril mais j'étais petite et ça m'avait beaucoup blessé. Je me souviens de ses mots qui raisonnent encore en moi quelque fois :

" Tania, regarde moi. Tu te fiche de ce qu'ils pensent d'accord ? Tu te fiches de ce qu'ils pensent tous. Et même si ça te blesse, tu ne dois rien laisser paraître. Il ne faut pas qu'ils voient que ça te touche. Il ne faut pas qu'ils sachent que leurs mots ont de l'importance pour toi. Tu es forte et personne, écoute moi bien, personne, ne doit te changer, ma fille."

Alors lorsque je passe ce grand portail vert à la peinture écaillée, que je sens les regard de jugement habituel glisser sur moi, fidèle à mes petites habitudes, je les ignore royalement.
J'arrive devant la vie scolaire, demande ma classe à une homme d'âge murs qui ressemble un peu à mon grand père, mais en blanc, et me dirige vers cette dernière.
Évidemment, plusieurs personnes bloquent le passage, ça aurait été bien trop facile de pouvoir entrer directement, je pars aux toilettes en attendant le début des cours.
À peine suis-je rentrée dans une de ces cabines grises que j'entends un bruit sourd contre ma porte.
Apeuré, j'essaye de sortir, forçant un peu sur la porte, sans succès.
Je suis enfermée dans les toilettes et c'est loin d'être la première fois...
La cloche sonne, eh merde! Si je sors pas tout de suite, je vais être en retard alors que c'est loin d'être mon genre. Super le premier jour ! Ça commence bien !

J'appelle quelqu'un dans l'espoir qu'on vienne me libérer mais il n'y a personne... Je me laisse glisser le long de la paroi, et attends, assise par terre, impuissante...

Cinq minutes plus tard, j'entends la porte principale s'ouvrir dans un discret grincement :
"Il y a quelqu'un ? Je demande, la voix remplie d'espoir.
– Oui attends je t'ouvre tout de suite. réponds une voix féminine que je ne connais pas. "
Je l'entends décaler quelque chose et ma cabine s'ouvre enfin sur une pionne au visage rond et aux cheveux d'un noir de jais.
Je la remercie mais elle me coupe :
"Oui oui de rien! Je ne veux même pas savoir ce que tu fait là ! Allez dehors et dépêches toi, les cours ont commencé il y a déjà dix minutes ! me presse t'elle. "
Je sors, cours dans les couloirs jusqu'à ma salle.
Je toque et entre.
Tout les regards sont braqués sur moi, la prof me demande mon nom et m'indique une place sur l'îlot du fond.
Je détaille mes camarades et aperçois avec soulagement que je suis avec Willow.
Cette dernière me présente ses amis en chuchotant à peine : un certain Alex aux cheveux bouclés et style pseudo gothique, Bryan, brun aux yeux gris, secret mais tout sourire et nouveau me dit elle, Zack, roux au yeux bleus...
Je me présente à eux et avant que je n'ai le temps de leur poser une seule question, la prof nous reprend et nous nous taisons pour le premier cours de l'année...

A Cinq Comme UnWhere stories live. Discover now