11. Les marques

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Logan

En descendant les escaliers, je sens le poids d'un monde entier s'abattre sur mes épaules. Chaque pas, chaque mouvement, est une lutte contre l'inertie qui me cloue sur place. Je m'arrête au milieu des marches, ma main agrippant la rambarde comme si elle était le seul point fixe dans ce chaos intérieur. Mon regard se perd dans le vide, mais tout ce que je vois, ce sont ses yeux. Ces yeux où la lumière a disparu, remplacée par une douleur si profonde qu'elle semble irréversible.

Les murs autour de moi rétrécissent, et l'air devient lourd. Je ferme les yeux, espérant que l'obscurité puisse apaiser le tourbillon de mon esprit. Mais rien. Rien, si ce n'est le souvenir de ses cicatrices, ces marques cruelles laissées par des hommes qui n'auraient jamais dû croiser son chemin. Je me rappelle chaque détail : les bleus, les coupures, la fragilité de son corps meurtri. Ces visions ne me quittent pas. Elles me hantent, me détruisent, m'enferment dans une cage de culpabilité et de rage.

Je reprends ma descente, chaque pas plus lourd que le précédent. En atteignant le salon, je vois John et Stéphane. Ils discutent à voix basse, mais leurs visages trahissent une inquiétude qu'ils ne cherchent même plus à cacher.

Je m'installe à la table, mais les mots m'échappent. Tout m'échappe. John finit par rompre le silence, son ton hésitant.

– Elle dort ?

Je hoche la tête, incapable de répondre.

– Comment va-t-elle ? demande son père, les yeux remplis d'angoisse.

Je prends une profonde inspiration, cherchant des mots qui pourraient adoucir la vérité. Mais il n'y en a pas.

– Elle a besoin de temps...

Nous restons là, chacun perdu dans ses pensées, tandis que je m'efforce de trouver un moyen de la ramener à la vie. Je suis prêt à tout faire, mais cette attente me pèse. Je me sens impuissant et dévasté.

– Elle... elle a... elle a des cicatrices... partout...

Les mots s'échappent de ma bouche comme un souffle de désespoir, chaque syllabe se transformant en une lame qui me transperce. Je les prononce à peine, mais ils résonnent dans l'air comme une lamentation pour ce qu'elle a enduré. Je me revois encore, contemplant son corps marqué par l'horreur.

La colère monte en moi, mais elle est rapidement étouffée par la tristesse. Je voudrais hurler, frapper quelque chose, mais je reste là, figé, incapable de bouger, rongé par l'angoisse.

La culpabilité me consume.

Stéphane passe une main réconfortante sur mon épaule, une tentative de soutenir dans ce tumulte intérieur. Sa voix, bien qu'apaisante, me paraît lointaine, comme un écho dans une vallée sombre.

– Ça va aller, elle est avec nous maintenant.

Je lève les yeux vers lui, le regard chargé de colère. L'angoisse qui me dévore semble prendre vie, comme un serpent qui s'enroule autour de mon cœur. Je n'arrive pas à croire que ces mots peuvent apporter du réconfort.

– Parce que tu crois qu'elle va oublier ? dis-je, ma voix tremblante sous le poids de l'émotion. Tu penses qu'elle va oublier ce qu'elle a enduré juste parce qu'elle est avec nous ?

Je sens la colère monter en moi, alimentée par la douleur que j'ai vue dans ses yeux.

– Merde, mais tu as vu son corps, Stéph ?! Elle pèse à peine quarante cinq kilos à tout péter ! Elle est criblée de bleus et de cicatrices ! Tu crois qu'elle peut oublier, qu'elle peut simplement tourner la page ?

Ma Douce Ombre | T.1-T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant