Chapitre 3 : Alain

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Je rentre tôt du travail depuis une semaine. J'ai promis à Florence d'être là pour ses examens et je tiens toujours mes promesses. La semaine dernière nous sommes allés faire sa mammographie qui a bien révélé une tumeur. Nous attendons depuis maintenant huit jours les résultats de la biopsie mammaire pour savoir si c'est bénin ou pas.
- Pourquoi est-ce si long ? J'ai l'impression que les jours et les heures s'allongent, dis-je en embrassant ma femme.
Je regarde ses yeux et je n'y lis que peur et angoisse pour la suite.
- Je ne sais pas, à toi ça te semble long, mais moi j'ai l'impression que tout défile à vitesse grand V !
- Il faudra ensuite en parler au enfants.
Je la serre dans mes bras et respire son odeur. Ses cheveux sentent le shampoing et son cou son parfum habituel. Depuis des années elle ne porte que Tocade de Rochas et c'est un parfum que j'ai assimilé à elle.
- Oui mais pas avant d'en savoir davantage. Je ne veux pas les angoisser si ce n'est rien.
Je sais que nous nous mentons tout les deux, au fond nous savons que ce fichu cancer est bien là mais tant que rien n'est confirmé, c'est comme si nous étions encore à l'abri de tout ça.
Le téléphone sonne, nous nous regardons et reconnaissons le numéro sur l'écran. J'ai subitement envie de lui dire " Ne décroche pas! " mais elle y répond trop vite.
- Allô ?!
Sa voix tremble tellement son anxiété augmente. Je l'observe aller s'asseoir sur le bord de notre canapé et la rejoins en passant ma main sur son épaule en signe de soutien.
- Bien, je vais arriver avec mon mari, répond-elle dans un souffle.
Elle raccroche sans même arriver à dire " au revoir " et fond en larme. Mon coeur se serre de douleur de la voir ainsi mais je dois savoir.
- Que t'ont - ils dit ?
- Que je dois passer rapidement, qu'ils vont m'expliquer et que je ne dois pas y aller seule. Ho mon dieu Alain, pourquoi moi ?!
Je la laisse pleurer dans mes bras et ressers mon étreinte autour d'elle.
- Chut, calme toi, ça va aller tu verras !
J'essaie d'être rassurant même si j'ai envie de crier toute cette rage en moi.
- Je prends une douche rapide et on y va.
Je lui embrasse le sommet du crâne et me dépêche. Plus vite nous saurons, plus vite ils lui donneront un traitement, et plus vite elle sera sortie d'affaires.
À l'arrivée devant l'hôpital notre tension monte encore d'un cran. Elle se penche soudain en avant à l'angle du parking et sort ses tripes sur un coin de pelouse légèrement jaunit par les dernières chaleurs. Je lui tiens la main et la lui presse.
- Ça va aller ! Lui dis-je en lui tendant un carré de tissus toujours présent dans une de mes poche.
Nous reprenons notre chemin sans un mot. Devant le bureau où risque de basculer notre vie, je l'arrête, l'embrasse et lui souffle :
- Je suis là ! Je me bats avec toi !
Elle exquise un léger sourire et souffle un oui. Le médecin nous fait entrer et commence alors son explication.
- Voilà Madame Dufils, vos examens révèlent bien que vous êtes atteinte d'un nodule malin. Les stratégies de traitements sont évaluées en fonction d'une classification appelée "T.N.M" : T pour tumeur, N pour atteinte ganglionnaire ou non, et M pour présence de métastases. Dans votre cas, nous allons devoir pratiquer une mastectomie partielle de vote sein.
- Non ! s'effondre t-elle. Pas ma poitrine !
Ses larmes roulent sur ses joues et je me sens impuissant face à tout ça.
- C'est notre meilleure chance madame et sachez qu'il existe par la suite des possibilités de chirurgies réparatrices avec prothèses mammaires. Mais avant cela vous devez accepter le traitement. Après cette opération, vous aurez dans un premier temps une séance de radiothérapie qui s'effectuera au bloc opératoire et ensuite de la chimiothérapie par voix orale en complément. En agissant maintenant nous mettons toutes nos chances de notre côté.
Alors que le médecin nous parle des effets secondaires que Florence pourrait avoir, je n'écoute plus. J'en reste là, pantois sur ma chaise, comme si le monde venait d'arrêter de tourner, comme s'il était impossible que demain le soleil ne se lève. Je suis sortie de mes sombres pensées par Florence.
- Et mes cheveux ? Vous avez parlé de chimio, je vais perdre mes cheveux ?
Son ton suppliant me secoue l'estomac et pour un peu c'est moi qui en aurait la nausée.
- Je ne vous cache pas que c'est possible en effet, lui répond le médecin.
- Mon sein, mes cheveux ! Toute ma féminité ! Qu'ai je pu faire au bon Dieu pour mériter ça ?!
Elle fond en larme sur mes cuisses et j'ai envie d'en faire autant. Je reste fort pour elle mais c'est une torture que je ne souhaite à personne. Je lui passe la main dans ses cheveux puis je conviens avec le médecin de la date d'opération. Florence s'est renfermé sur elle même est semble déconnecté de cette réalité.
Nous rentrons enfin chez nous et je décide de préparer le dîner. Lors du repas je l'observe du coin de l'oeil.
- Tu seras toujours la femme que j'aime, celle dont je suis tombé amoureux il y a vingt cinq ans et que j'ai épousé il y en a vingt. Je serais là avec toi, avec ou sans poitrine, avec ou sans cheveux !
J'ai conscience d'avoir lancé un pavé dans la mare mais je voulais briser ce silence et je voulais qu'elle sache mon ressenti, même si je ne fait pas preuve de diplomatie sur ce coup là.
- Merci mon amour, je vais devoir prévenir Adrien et Faustine.
- NOUS allons prévenir les enfants, je la reprends gentiment.
Elle termine difficilement son assiette et attrape son téléphone portable pour demander aux enfants de venir dîner le lendemain.
- J'ai envoyé un sms, je n'arriverais pas à leur téléphoner sans pleurer et je ne veux pas qu'ils apprennent ça par téléphone. Demain je vous ferais un bon repas. Les mauvaises nouvelles passent toujours mieux avec un bon petit plat et ma charlotte au chocolat que vous aimez tant.

***

Adrien et Faustine sont attablés et attendent avec impatience le plat que leur mère aura mit l'après midi à leur préparer. Nous passons une agréable soirée en famille et ça devient de plus en plus difficile de trouver le bon moment.
- Non ! Je suis la plus jeune, la dernière part est pour moi! s'énerve Faustine sur son aîné.
- Ne vous chamailler pas, vous pouvez la partager en deux ! rit Florence.
La présence des enfants lui fait du bien, elle avait perdu son beau sourire depuis plusieurs jours déjà et je me surprends à la contempler.
- Papa ! Dis lui de partager ! Me lance Adrien.
- C'est pas vrai ! J'ai l'impression de vous revoir gamins ! Vous ne changerez jamais. Faustine partage avec ton frère, j'interviens hilare.
- C'est vrai qu'on ne dirait pas que vous avez déjà 21 et 23 ans. Vous êtes encore mes bébés...
Florence me lance un regard qui me confirme que c'est le moment.
- Avec votre mère on doit vous parler.
Ma voix descend dans les graves et mon visage se ferme.
- Ça à l'air sérieux papa, coupe Adrien.
- Oui mon chéri, intervient Florence. C'est difficile à annoncer alors laissez moi finir s'il vous plaît.
Les enfants acquiescent et Florence reprend :
- Voilà j'ai fait des examens parce que je sentais que j'avais une boule dans mon sein. Après analyses du prélèvement il s'avère que j'ai un cancer du sein. Je vais me faire opérer rapidement et ensuite je vais commencer un traitement. Avec votre père nous sommes confiants. Ne vous tracassez pas pour moi, le mot " cancer " fait plus peur et je...
Ma fille se lève furieuse et en renverse sa chaise. Elle part en courant dans son ancienne chambre et nous sursautons lorsqu'elle en claque la porte.
- Reste avec Adrien, j'y vais.
Je presse l'épaule de mon fils au passage et me dirige vers la chambre de ma fille. Je toque à sa porte et l'ouvre en douceur. Ma fille est là, en larme accroupie le dos au mur, la tête plongée dans ses mains. Je m'asseois simplement à coté d'elle à même le parquet et l'attire dans mes bras.
- Pourquoi papa ? Pourquoi ? Je sais très bien qu'il ne faut pas minimiser cette maladie !
- Je ne peux pas te répondre ma chérie mais je peux simplement te dire qu'il va falloir qu'on soit fort. Toutes les forces de maman doivent être concentrées sur cette bataille et nous, nous l'aiderons du mieux que nous pourrons.
- Oui. Ça m'a énervé qu'elle minimise la chose, je sais très bien ce que ça signifie. J'étais petite mais j'ai quelques vagues souvenirs quand grand mère était malade ! Je ne veux pas qu'elle meurt ! J'ai peur papa !
Ses larmes coulent de plus belle et j'essaie de soulager sa peine est ses peurs comme je le peux.
- Ta mère est une battante ! je lui dis droit dans les yeux. Elle s'en sortira tu verras, elle enverra son cancer se faire foutre !
J'essaie de m'en convaincre également et entre deux sanglots ma fille pouffe de rire.
- Qu'est ce qu'il te fait rire ?
- Toi ! C'est la première fois que je t'entends dire des vulgarités. Si maman l'apprends, t'es fichu !
Je rigole à mon tour, elle a complètement raison, à bientôt quarante sept ans je reste sous l'emprise totale de mon épouse concernant mon vocabulaire.
- Alors ne lui dis rien s'il te plaît je ne voudrais pas dormir dans le canapé !
J'arrive à lui arracher un sourire et je lui pose un baiser sur le front.
- Je ne dirais rien mais en échange je veux que tu me fasse une promesse.
- Oui, quoi ?! je demande intrigué.
- Celle de m'ouvrir tes bras comme tout de suite quand j'aurais besoin de pleurer comme ce soir.
- Oui mon petit coeur, les bras de ton père t'ont toujours été grands ouverts ! Et tu sais...
- Oui je sais ! Tu tiens toujours tes promesses, me coupe t-elle.
Nous retournons dans la salle et Faustine se jette en larme dans les bras de sa mère.
- Désolée maman ! Mais j'ai tellement peur !
- Je sais ma fille !
Adrien se joint à leurs bras pour laisser échapper ses larmes.
Cette scène familiale est autant magnifique qu'effrayante.
"S'il te plaît, si tu existe vraiment, ne m'enlève pas ça ! Je donnerais ma vie s'il le faut! " , voilà que je commence à prier.

***

Coucou voici le 3ème chapitre. Dites moi vite vos ressentis ;-).
Bisous

Ne t'arrête pas de vivre *sous Contrat D'édition*Où les histoires vivent. Découvrez maintenant