Chapitre 1: Voeu exaucé

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Chapitre 1 : Le vœu exaucé

La petite fille regarda par la fenêtre étroite du dortoir. Le ciel était gris orageux, un temps typique pour une journée de fin d'août. Elle posa sa main contre la vitre glacée et soupira, bientôt l'école reprendrait et elle pourra enfin échapper aux autres filles du dortoir. L'été avait été long et ennuyeux, cependant la petite fille gardait le désir secret de s'en aller loin de ce foyer d'accueil qu'elle détestait par-dessus tout, mais la perspective de s'éloigner de cet endroit ne serait - ce que pour quelques heures la ravivait au plus haut point même si c'était pour aller au collège. L'école l'ennuyait à mourir, certes, mais elle n'avait rien trouvé de mieux pour occuper son esprit. Les gens, les choses de la vie quotidienne ne semblaient avoir aucun sens, comme si, il lui manquait quelque chose. Son histoire était triste, elle le savait, la plupart des adultes la plaignaient sincèrement, mais comment comprendre ces apitoiements constants alors que jamais elle n'avait connu de vrai foyer ? Trimballée de foyer d'accueil en foyer d'accueil elle ne trouvait de réconfort que dans la solitude et dans ses lectures. Les livres qu'elle lisait ne parlait que d'aventures et de mondes fantastiques, remplis de créatures magiques qui lui semblaient étrangement familiers. Elle ne savait rien de sa naissance ni même des circonstances qui ont poussés ses parents à l'abandonner. Seul restait son nom de famille, Hamilton, elle avait fait des recherches, ce nom venait d'Ecosse, et c'était le sien. Elle ne pouvait se venter d'avoir beaucoup de choses à elle, alors secrètement elle s'imaginait avoir des ancêtres provenant des Highlands, peut-être même un clan très puissant, car ce nom était le sien. Et sans véritablement savoir pourquoi, elle en était fière. Elle entendit les portes du dortoir s'ouvrirent et leurs ricanements. Elles étaient revenues, encore.

"-Eh la folle, hurla une des filles qui venaient d'entrer."

La petite fille au bord de la fenêtre se retourna et les regarda avancer vers elle. Elle reconnut immédiatement Pamela, Maddison, deux brutes de son dortoir et une autre fille récemment arrivée dont le nom lui échappait. Elle savait qui allait se passer, et soupira, en regrettant se temps passé à regarder l'orage gronder.

-"Alors comme ça on pleurniche encore dans son coin Sélène ? L'interpella Maddison."

Sélène ne répondit pas, se retourna et regarda à nouveau le paysage, cette fois-ci des éclairs déchirèrent le ciel. Elle était fascinée comme hypnotisée. Il était rare que des enfants aiment autant les orages, la plupart se mettaient sous la couette en fermant les yeux et se bouchant les oreilles en espérant que l'orage passe, car le foyer de Cheshunt situé dans le nord de Londres n'était pas un endroit pour trouver du réconfort, seulement pour trouver un toit et de la nourriture. Aussi, si Sélène n'était pas heureuse, beaucoup d'autres enfants vivants avec elle ne l'étaient pas non plus.

"-On te parle la folle, continua-t-elle, en lui tirant les cheveux."

Ne te retourne pas Sélène, ne te retourne pas, pensa la petite fille. Elle savait, elle savait pertinemment que si elle se retournait, elle allait sans le vouloir leur faire du mal, et que des choses étranges, des choses qu'elle ne pouvait expliquer allait se passer. Cela ne lui déplaisait pas d'être étrange, elle avait toujours vécu avec cette différence, cependant elle ne voulait faire de mal à personne, cela elle en était certaine.

"-Laissez-moi tranquille s'il vous plaît, murmura-t-elle doucement.
-Qu'est-ce qu'elle a dit? Je n'ai rien entendu, ricana Pamela.
Et si tu nous regardais un peu ?!"

Elle attrapa les cheveux de Sélène et la força à se tourner. La petite fille avait les larmes aux yeux, pas parce qu'elle avait mal, la douleur ne l'atteignait plus depuis longtemps, mais parce qu'elle savait ce qui allait se produire. Elle était prise dans un tourbillon d'émotions, la colère, la tristesse, la pitié mais surtout une sensation qui ne lui était pas étrangère, plus que jamais elle se sentait forte, comme traversé par un courant d'énergie chaud et apaisant. Elle se sentait elle-même entière. Elle serra les poings de toute ses forces, faisant blanchir les articulations de ses doigts. La vitre se brisa, dans un grand fracas, et de milliers de petits bouts de verres jonchaient le sol, devant ses assaillantes abasourdies.

Les serres noires du corbeauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant