Après que mon petit frère soit parti au collège, je me lève, j'ouvre la fenêtre de ma chambre, un brin d'air frais m'effleure le visage, je contemple ma cité. Celle qui m'a bercé, qui m'a vue grandir, qui m'a vu rire jusqu'aux larmes mais aussi pleurer. Je regarde le ciel les larmes aux yeux, je repense avec nostalgie au passé et aux bons moments. La cité est comme une grande prison, elle brise nos rêves, nos espoirs , nos ambitions, ...
La cité nous colle à la peau, nous nous sentons mis de côté, exclus. Nous avons toujours été des français de seconde zone car notre histoire fait de nous des français étrangers en France . On n'est infecté par la haine et la rage de vivre car la galère est notre lot quotidien. Malgré la misère que nous subissons, nous avons beaucoup de bon moment. Nous sommes libres et pourtant nous avons l'impression d'être enchaînés à des préjugés et à des amalgames.
A dix heures du matin, Vincent m'appelle, je décroche, il est en larme . Il me demande de venir le voir. Arrivé chez lui , je le trouve entrain de pleurer , décoiffé, en pyjama , alors que c'est quelqu'un qui est très soigné d'ordinaire et qui ne supporte pas la moindre imperfection sur lui . Naturellement, je lui demande ce qui se passe ?
Il m'explique que sa copine l'a plaqué, après plus de cinq ans d'histoire d'amour. Je le console comme je peux mais rien n'y fait. Il pleure toujours, je lui dit «ne pleure plus, c'est elle qui te perd et non toi qui la perd, elle ne trouvera jamais quelqu'un comme toi , qui est si gentil , si vrai , honnête ... ».
Vincent me dit « je l'aime trop, jamais je ne pourrais l'oublier ». Je lui passe un mouchoir. Et, voyant que le mouchoir ne suffisait pas, je lui est carrément passé le paquet qui n'a résisté que cinq petites minutes. Après plus de deux heures de remise en forme mentale, il me remercie de ma gentillesse et de mon amitié. Je lui réponds que c'est normal car nous sommes amis et je rajoute « je sais que tu souffres et cela est normal car après une séparation on n'a l'impression que tout s'écroule, que l'on est seul. Mais cela ne sert à rien de pleurer sur sois même car tu gâche ton avenir , tu perds ton temps, il faut que tu changes. Elle ne t'aime plus, je sais que c'est dure mais tu dois ouvrir les yeux, va de l'avant et avec le temps ça ira mieux. Le temps panse les blessures ».
Un mois plus tard Vincent sombre dans l'alcool et le chite. Alors qu'il était en pleine déprime, son ex a refait sa vie avec un autre homme et vis à présent le grand amour dans une autre ville.
Je voyais Vincent sombrer et malgré les remises en forme mentales intensives, je le voyais, impuissant, se détruire.
Jeudi soir, j'étais accompagné de Fano afin de le voir. Vincent venait tout juste de se réveiller. L'apercevant plutôt en forme, ayant une meilleure mine, je lui demande de nous accompagner. Je prends mon portable et appelle un ami afin de savoir s'il y a une soirée de prévue quelque part. A l'origine, je suis une personne qui sort rarement et par voie de conséquence, je fais peu le « fêtard ». Mais, j'ai décidé de me surpasser afin de permettre à Vincent de changer d'air et de s'amuser un peu. Il en avait bien besoin. C'est ainsi, que nous sommes tous partis en soirée. A la porte, un grand et énorme videur, je m'approche, je « tchèque » avec lui, et, il ouvre la porte. Lorsque Vincent tente à son tour de rentrer, le videur lui dit : « désolé !, mais tu ne peux pas rentrer ». Je lui réplique : «c'est cool, il est avec nous ! ». A l'intérieur, c'était complètement différent des soirées de Vincent. Les gens étaient moins coincés et ils dansaient comme des dieux et certains chantaient incroyablement bien. Vincent était vraiment impressionné. Moi, je m'éloigne de lui pendant quelques instants pour me diriger vers un groupe de filles de pure beauté. Je parle avec elles pendant deux, trois minutes. Et, les filles viennent chercher Vincent et dansent avec lui. Quant à moi et Fano , nous sommes partis voir nos amis et je suis resté en leur compagnie. Vincent croit rêver, les filles chacune à leur tour lui apprennent un style de danse, de l'oriental à la danse afro-américaine. Vincent s'éclatait, et, pour une fois, c'était sans alcool et sans bagarre. Tout le monde était gentil avec lui, alors que personne ne le connaissait hormis moi bien sûr. Puis, je monte sur scène, tout le monde m'acclame et je me suis mis a chanter. Pour Vincent c'était le coup de grâce tellement il trouvait que je chantais bien. Vincent en avait des frissons, tout le monde m'écoutait, et cessait de danser. Il découvre un nouveau Jamal ; il était très impressionné. De retour à la maison de Vincent, celui-ci n'arrêtait plus de penser à cette belle soirée. Il n'arrivait plus à trouver le sommeil . On a terminé la soirée en s'endormant chez lui. Durant la nuit, il me réveille et me dit : « mais pourquoi ne devient tu pas chanteur, tu chantes très bien ». Je lui réponds à moitié endormi : « tu sais des gens qui savent chanter, j'en connais plein. Il n'y a pas que moi qui sache chanter, ce n'est pas suffisant pour devenir chanteur ». Vincent me rétorque : « mais tu as toutes tes chances ! ». Puis je m'assoupis à nouveau. L'idée était lancée.
A la fête du quartier, je suis venu avec Vincent. Il était très agréablement surpris de voir, des noires, des blancs, des beurs, tous s'amuser ensemble, il y avait de la joie et de la bonne humeur. Il y a même une « Mama » qui l'a pris dans ses bras et lui a dit « tu sais tu peux être blanc et moi noire mais cela n'empêche pas que tu es mon fils de cœur, car le cœur lui a la même couleur et il bat de la même façon ». Dans les bras chaleureux de la « Mama », Vincent se mis à pleurer car elle était si douce, si aimante et si protectrice. Cela faisait si longtemps que personne ne l'avait prit dans ses bras qu'il n'a pas pu se retenir. La « Mama » très étonnée de cette réaction, l'embrasse sur la joue et lui dit « eh bien, qu'est ce qui se passe, allez pleure, ça fait du bien de pleurer », puis dit à sa fille Fatoumata d'aller lui chercher des gâteaux et du thé à la maison. Sa fille ramène des gâteaux malien et du thé, la « Mama » lui dit « allez mon enfant mange et tu verras ça va aller mieux ». Vincent découvre cette gentillesse, cette bonté du prochain, alors il réalise que la cité était un endroit chaleureux, familial et amical. Que la cité n'était pas un endroit où règne la folie des islamistes ou des trafiquants de drogue, que les gens étaient pareils qu'ailleurs et que la seule différence résidait dans le fait qu'ici on n'était plus pauvre qu'ailleurs et délaissé par l'Etat. Nous vivions pratiquement en autarcie, nous nous sentions isolés et être pauvre était devenu un crime. En effet, nous étions sous la pression constante d'une expulsion vers nos pays d'origine. Pays que nous ne connaissions peu voire pas du tout. Le gouvernement nous faisait comprendre qu'il fallait souffrir en silence ou repartir sur la terre de nos ancêtres. Profitant de sa bonne humeur je lui dis « ne néglige jamais ton corps et ton esprit, ils sont ta seule source d'énergie et la vie demande parfois d'être solide. Ne te prends pas la tête pour des histoires de cœur, la vie est déjà assez compliquée comme ça . Comme on dit il n'y a pas de problème, il n'y a que des solutions... alors trouve les solutions et va de l'avant. » Il me sourit et me dit « oui je vais le faire ».
Lundi, une agence d'intérim m'appelle et me demande si j'étais disponible pour du travail ! Ma réponse ne s'est pas fait attendre « bien sûr ». Je suis allé passer l'entretien et après cinq minutes, la personne me remet les horaires de travail et me souhaite la bienvenue. Je n'y croyais pas, j'avais enfin trouvé du travail. Je suis allé voir mon père qui m'attendait dans la voiture pour lui annoncer la nouvelle. J'étais tellement fier de moi, le travail n'est pas juste un moyen de gagner sa vie mais une fierté de se dire « je n'ai pas besoin d'être assisté, je peux me débrouiller seul ». Pouvoir enfin avoir un but dans la vie et construire un avenir meilleur. Se dire que je sers au développement de mon pays et non l'inverse. Six mois plus tard, je travaille toujours dans la même entreprise, j'ai obtenu mon permis de conduire, au bout de la troisième fois mais je l'ai tout de même obtenu. Je me suis acheté une petite Panda que j'ai baptisé Batpanda et pour la première fois, je pense avoir légitimement obtenu ma place dans la société, au sein de mon pays qui est la France. Je ne suis plus un assisté, je n'ai plus cette impression de devoir quelque chose à quelqu'un. Je pense que le travail rend sa dignité à un homme et le rend sérieux.
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Les dures épreuves de la vie
AdventureVenez-vous plonger dans un patchwork de la vie quotidienne où se mêlent avec harmonie bonheur, malchance, rêves, désillusions …. Découvrez les différents visages de notre société. Ce livre ne vous laissera pas indifférent, partagé entre réalisme et...