Prologue - Parfaitement antipathique

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 Loup

Je me complais dans ma confortable routine de connard antipathique. Pas moyen de me faire plier, rien ne peut m'arracher quelques larmes. Le gamin de mon voisin peut mourir demain, je m'en fous. Mes parents peuvent être kidnappés, je continuerai ma vie comme si de rien n'était. Plus rien ne me touche. Je crois que je suis ce que les gens aiment appeler un cas désespéré. Ouais, un désespéré. C'est ce que je suis. Je n'ai jamais accepté ma situation, l'accident m'a rendu... mauvais. Juste mauvais et cynique. Chaque jour, c'est la même rengaine. Je me réveille à quatorze heures, je joue sur ma 3DS ou bien avec mes Lego et Playmobils, ma mère me monte mon dîner dans la chambre et je passe une partie de la nuit sur les réseaux sociaux, histoire de me foutre de la gueule des adolescents en détresse.

Étalé dans mon lit, je sors la tête de mon oreiller. Mon œil croise de suite ma prothèse. Je gémis en me tournant de l'autre côté. Je n'accepte plus mon physique. J'ai tout laissé tomber après mon accident. Le sport, l'image que je renvoyais aux autres. Je n'attache aucune importance à mon physique. Je me laisse pousser la barbe, tout comme les cheveux et mes vêtements ne font pas rêver. Ce n'est pas demain la veille qu'Elite Model me contactera pour un rôle de mannequin.

Ma mère a déjà essayé de me redonner le sourire. Je ne sais pas comment lui faire comprendre que je ne changerai rien en ma façon d'agir pour lui faire plaisir. Ses psychologues, ses aides à domicile, ses thérapies de groupe, ils peuvent tous aller se faire enculer. Je n'ai pas besoin de me confier aux autres, parce que je n'aime pas les autres.

– La prochaine fois, tu frapperas à la porte.

Je me tourne vers ma mère qui vient d'entrer. Sa peau foncée s'accorde à ses cheveux sombres. Je pense que c'est une belle femme, elle peut encore séduire pas mal d'hommes. Mais bon, il ne vaut mieux ne pas l'entendre parler parce qu'elle brise tout son charme. Ma mère a un langage de charretier – je dois tenir d'elle –, à la maison mon père ne proteste jamais ses ordres. Un vrai soumis de nature.

– Loup, tu sors de cette piaule tout de suite ! Et pour la centième fois : aère ta chambre, ça sent le fennec.

Ce n'est pas très sympa pour les fennecs.

Elle manque d'écraser ma nouvelle construction Lego.

– Putain, tu peux regarder où tu marches !

– Si tu rangeais tes jouets... (Elle se tourne vers Pastis.) Ton horreur me regarde bizarrement, tu l'as nourris au moins ?

Pastis c'est mon bébé. C'est un adorable serpent de dix mois. Mon serpent c'est l'une des seules choses que j'aime. Il me fait rire avec ses yeux globuleux et sa petite langue en fourche. Je ne comprends pas pourquoi les gens ont peur des serpents. Pastis ne ferait pas de mal à une mouche. Il se contente de s'enrouler autour de mon cou, ou bien mon bras et regarder ce que je fais sur mon ordinateur.

– Pastis n'est pas une horreur. Par contre, toi j'ai un doute.

Elle me jette un regard noir avant de jeter l'éponge.

– Je devais te dire quelque chose.

Elle s'assied sur mon lit. Je baisse les yeux vers mes jambes enveloppées dans la couverture. J'ai un mauvais pressentiment. Ma mère a sûrement trouvé une thérapie débile. Je commence tout de suite à imaginer un argument pour ne pas m'y rendre.

– J'ai contacté un de mes amis américains. Il est le propriétaire d'une réserve de Mustangs, il paraît que les cheveux ont des vertus médicales.

Je fronce les sourcils et plisse le bout de mon nez. Je ne la sens pas du tout, cette histoire.

– On a bien discutés. Eric a un fils qui a un peu près ton âge. J'ai décidé que tu irais là-bas quelques mois pour changer d'air.

UNFINISHED [BoyXBoy]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant