Chapitre I

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Je fermai mon casier au moment où l'éternelle sonnerie du lycée retentit. J'ouvris mon sac et y pris mes écouteurs. Je les branchai à mon téléphone portable, choisis une musique rock et sortis de l'établissement, tantôt chantant, tantôt dansant.
Je franchis le portail, la chanson m'emplissant les oreilles, et me dirigeai à pied vers la route. Je la traversai et me retrouvai sur le trottoir. Plusieurs élèves marchaient derrière et devant moi, bavardant entre eux. Moi, je me contentais d'écouter ma musique. C'était ce que je préférais faire.

« Hunter ! » entendis-je à travers mes écouteurs.

Je me retournai et aperçus Steve, en vélo, qui pédalait vers moi. Il traversa la route, presque sans regarder s'il n'y avait pas de voitures, et arriva à côté de moi. Il ralentit l'allure de sorte à rester à ma hauteur. En réalité, il s'appelait Steven, mais il détestait son prénom. Au début, on l'embêtait souvent à le nommer Steven, jusqu'à ce qu'il se mette en colère et nous force littéralement à le surnommer Steve. Et quand Steve devenait coléreux, mieux ne valait pas se trouver dans les parages.
J'enlevai un écouteur.

« Qu'est-ce que t'écoutes ? » me demanda-t-il.

Il s'intéressait beaucoup à la musique, lui-même étant guitariste. Je l'avais déjà écouté jouer, et je ne pouvais qu'avouer qu'il était très bon dans ce domaine.

« The Chemical Romance, de Teenagers. Tu connais ? répondis-je.
-Non, tu me fais écouter ? »

Je débranchai le casque et montai le son. La chanson envahit notre environnement, et même les personnes autour de nous nous regardèrent, du genre à dire : « Vous vous croyez seuls ? ». J'avais envie de leur crier : « Non, nous ne sommes pas seuls, mais nous n'en avons rien à faire de vous. »
Je commençai à chanter sur les paroles, presque en dansant, souriante. Même si, je l'avoue, c'était assez difficile de chanter sur ce genre de musique.

« Un peu trop violent à mon goût, mais j'aime !
-Fais gaffe, si tu commences à écouter ce genre de choses, tu pourrais devenir psychologiquement perturbé
, ris-je.
-Je vois d'où vient ton problème mental alors ! » s'exclama-t-il.

Je m'approchai de lui pour le taper, mais il fit un écart en vélo et je n'en eus pas la possibilité. Il revint lentement vers moi, sur ses gardes.

« Reviens ! Je ne te frapperai pas. Si je le faisais, tu pourrais tomber et te faire écraser par une voiture. Ce serait assez bête. Quoique... C'est une bonne occasion pour me faire des vacances, mais je préfère ne pas avoir un mort sur la conscience. »

Steve fonça vers moi et je fis quelques pas en arrière pour ne pas tomber, poussée par un vélo. Mais avant d'arriver à mes pieds, il tourna pour ne pas me les écraser. Nous voilà revenus côte à côte.

« Des nouvelles de Cass ? me demanda-t-il.
-Elle est malade, mais je l'ai eu au téléphone, elle m'a dit qu'elle reviendrait sûrement demain en cours. »

Cassarra, que l'on surnommait Cass, était celle avec qui nous restions toujours. On formait un groupe, tous les trois, et je soupçonnais Steve d'être amoureux d'elle. Quand il lui parlait, il avait toujours des étoiles dans les yeux. Il s'asseyait presque tout le temps à côté d'elle à la cantine. Je ne pouvais pas lui reprocher, Cass était vraiment très belle. Elle était blonde aux yeux verts, quelques tâches de rousseurs sur son nez fin. Je lui enviais cette beauté naturelle, car j'étais tout le contraire d'elle. Mes cheveux bruns et lisses me tombaient sur les épaules, mais ils étaient fourchus. J'avais des yeux bleus, mais qui viraient au gris en fonction du temps.
Je regardai Steve. L'inquiétude et le manque le rongeait de l'intérieur. C'était une bonne occasion pour lui parler.

« Steve ? J'aimerai te poser une question.
-Je t'arrête direct Hunter ! Je... Je ne veux pas te faire de mal, tu sais, mais je ne suis pas amoureux de toi.
» me coupa-t-il avant que je puisse poser quoique ce soit.

Est-ce qu'il avait bu ? Il croyait vraiment que j'allais lui demander de sortir avec lui ?

« Steve, te fais pas de films, je t'aime pas ! m'esclaffai-je.
-Ah bon ? dit-il, étonné.
-Bien sûr que non ! Je t'aime comme mon meilleur ami, c'est tout.
-Ah, ok ! J'ai eu peur.
»

Je commençai à rire, mais me stoppai d'un seul coup, comprenant le sens de ses paroles.

« Attends, tu n'aimerais pas sortir avec moi ?
-C'est pas ce que je veux dire par là ! Juste, je te vois pas autrement qu'amie, euh..
-Ouais ouais ! Tu t'enfonces, là !
» ris-je.

Je ne disais ça que pour le taquiner, bien entendu. En tout cas, on commençait à arriver chez moi, et parler de ça m'avait interrompu sur le questionnaire que j'allais lui poser. Il fallait vite que je lui demande ce qu'il ressentait pour Cass, je n'en aurais sans doute plus l'occasion. Ce n'était pas tous les jours de l'année que Cassarra était malade.

« Dis-moi, t'es amoureux de Cass ? demandai-je directement.
-Quoi ? De quoi tu parles ? T'as fumé ou quoi, Hunter ? »

Je m'attendais à ce genre de réaction de sa part. Il était affolé, et avait l'air d'avoir préparé son texte des heures au cas où quelqu'un lui poserait cette question.

« Arrête, Steve, ça se voit comme le nez au milieu de la figure. » dis-je.

Il rougit, et je ne pus m'empêcher de sourire.

« Bon, ok, c'est vrai. Mais le dis à personne ! avoua-t-il.
-Compte sur moi, cap'tain ! » m'exclamai-je en mettant ma main au front, comme un vrai soldat.

Il rit à son tour. C'était bon d'avoir des amis comme ça, avec qui on pouvait tout partager, tout se dire. Combien rêverait d'être dans notre situation ?
Nous arrivâmes devant chez moi, et il me souhaita bonne chance pour les révisions de l'examen de mathématiques du lendemain, avant de partir de son côté à toute vitesse. Qu'est-ce que j'en avais à faire, de ce devoir surveillé ? Rien du tout. J'étais complètement nulle dans cette matière, et ce n'était sûrement pas maintenant que ça allait changer.
Je rentrai chez moi et fermai la porte doucement. J'espérai ne pas faire de bruit, je savais ce qui allait m'attendre si ma mère m'entendait. Elle allait me demander les notes que j'avais eues, comment s'était passé ma journée de lycée et me faire réciter sa citation favorite. Oui, ma mère était une étrange personne.
J'ôtai mes chaussures dans le plus grand silence et les pris à la main. Je commençai à grimper les escaliers sur la pointe des pieds pour me rendre dans ma chambre quand...

« Hunter ! Viens ici jeune fille ! »

Jeune fille ? J'avais presque dix-huit ans, mais pour ma mère, ça n'avait aucune importance, apparemment. Je soupirai et balançai mes chaussures dans l'entrée, puis je me dirigeai vers le salon. Ma mère était derrière le bar de la cuisine. En fait, notre cuisine donnait sur le salon et la salle à manger. Une pièce en une. C'était assez pratique pour débarrasser la table et avoir la télévision quand on cuisinait. Mon père, lui, était tranquillement affalé sur le canapé, prenant toute la place. Impossible de s'assoir si on le voulait.

« Hunter, comment s'est passée ta journée ? me questionna ma mère.
-Très bien », répondis-je simplement.

Je n'allais pas détailler chaque minute de ce que j'avais fait, et cela l'exaspérait toujours.

« Tes notes ?
-6/10 et 13/20
, répondis-je automatiquement.
-En quelles matières ?
-Philo et anglais.
»

Elle hocha la tête, signe de son contentement. Depuis quelques temps, elle me demandait toujours les mêmes choses en rentrant des cours. Elle savait que je n'avais pas toujours de bonnes notes, et elle savait aussi que je mentais souvent. Du coup, elle avait établi une règle stricte : quiconque dans la maison mentirait, et on le punirait (c'était la fameuse citation). Mon père trouvait ça totalement stupide et ne le prenait pas au sérieux. Un peu comme moi. Mais si je n'obéissais pas, je pouvais dire adieu à mon téléphone, aux sorties avec mes amis, à mon ordinateur et même à ma musique.

« Hunter ?
-Quiconque dans la maison ment, et on le punit.
» répétai-je pour la millième fois de ma vie.

J'en avais franchement marre de toutes ces questions et ces conditions. Je n'espérais qu'une seule chose : atteindre ma majorité pour être enfin libre et pouvoir faire ce que je voulais, quand je le voulais. Tout le monde le savait, je n'étais pas faite pour obéir à quelqu'un vingt-quatre heures sur vingt-quatre.
Je tournai le dos à mes deux parents et montai les escaliers, mon sac sur l'épaule, et mes chaussures récupérées dans la main gauche. Mon père m'interpella.

« Comment va Steve ? me demanda-t-il sans avoir bougé du canapé.
-Il se porte comme un charme !
-Dis-lui bonjour de ma part.
»

Mon père adorait plus que tout Steve. Il n'hésitait jamais à dire « Invite-le quand tu veux ! ». Je connaissais Steve et Cass depuis le collège, et on ne s'était jamais séparés depuis. Ils étaient mes meilleurs amis, je ne pouvais pas le nier.
Je rentrai dans ma chambre. Je ne savais pas ce qu'elle avait de particulier, mais tous les amis que j'invitais la trouvaient super. Elle était bleue, la porte était beige (j'aimais beaucoup le beige). Quand on était à l'entrée, il y avait mon lit à droite, juste en face la fenêtre avec à côté mon bureau. Contre le mur à gauche se trouvait une étagère pleine de livres et de CDs, sans oublier la stéréo. Je jetai mon sac de cours sur le lit et m'assis à mon bureau, puis allumai mon ordinateur. Je vis tout de suite Steve et Cass de connectés. Steve avait créé un groupe où l'on pouvait parler tous les trois en même temps, c'était assez pratique.

HUNTER BLUEMAN : Steve, mon père te passe le bonjour.
STEVEN O'LEARY : Souhaite-lui aussi !


Steve était toujours très poli, et ça lui convenait parfaitement.

HUNTER BLUEMAN : J'ai envie de me barrer de chez moi, j'en peux plus de devoir faire gaffe à chaque geste que je fais.
CASSARRA WHITE : Noooooooooon ! Je reviens demain en cours !
HUNTER BLUEMAN : Je vais pas partir demain, Cass ! Mais je le pense sérieusement.


Ils ne répondirent pas à ça, car ils savaient que quand je disais quelque chose, je le faisais réellement. J'ignorai si cela allait se passer. Si un jour, je déciderai de partir, comme ça, sans prévenir quelqu'un. Sans prévenir ma famille. Sans même prévenir mes amis.
J'ignorai tout.

Hunter.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant