Chapitre 3

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Le Vendredi, Cassarra, Astra, Steve et moi finissions plus tôt, nous en avions donc profité pour sortir un peu du lycée. Je leur avais avoué que je ne voulais pas rentrer toute de suite chez moi, n'espérant pas croiser ma mère qui me ferait le même cirque, encore une fois. Je préférais rester avec mes amis une heure ou deux heures de plus.
Nous parlions tout en marchant. Pour une fois –un véritable miracle-, Steve avait délaissé Cass et je pouvais enfin lui parler. Nous étions toutes les deux côtes à côte, pendant que Steve et Astra bavardaient derrière nous. Mon ami était plongé dans l'histoire d'Astra, très concentré, j'allais donc en profiter pour discuter sérieusement avec Cass, mais elle engagea le sujet avant moi.

« Je sais ce que tu vas me demander, dit-elle en me jetant un coup d'œil.
-Ah oui ? demandai-je comme si de rien n'était.
-Je suis au courant que Steve m'apprécie un peu plus qu'un ami. » me chuchote-t-elle à l'oreille.

Je souris, dévoilant des rides aux coins de mes yeux.

« Et toi ? la questionnai-je en marmonnant pour que personne ne nous entende.
-Bah... Euh... Si je te dis que, moi aussi ? »

Je sautillai sur place, heureuse que Steve aime une personne et que cela soit réciproque. J'étais très contente pour eux deux, même si je ne savais pas vraiment ce que ça faisait, de tomber amoureux.

« Tu attends quoi pour aller lui dire ? Il attend que ça, Cass ! murmurai-je.
-Je sais mais... J'ai tout prévu, t'inquiètes pas. Tu seras sûrement là pour le voir, mais je ne veux le dire à personne ! »

Je souriais encore et encore, révélant mes dents blanches et alignées. Pourquoi ne pouvais-je pas savoir, moi, sa meilleure amie, ce qu'elle allait faire ?

« Allez, Cass, tu peux me... » commençai-je, mais je m'arrêtai en observant qu'elle s'était stoppée dans sa marche.

Je haussai les sourcils. Elle fixait quelque chose devant elle, qui avait l'air de se trouver un peu loin. Astra et Steve ne remarquèrent pas que nous nous étions arrêtées, et ils faillirent nous rentrer dedans. Astra m'observa plusieurs secondes, détaillant mes émotions. Je fronçai les sourcils et tournai mes prunelles vers ce qui avait tant surpris Cass. Et la scène me choqua.
Plus loin, contre un mur au coin de la rue, se trouvait un homme grand, de dos que je n'avais pas l'air de connaître. Un jeune homme moins âgé, que j'avais déjà vu au lycée –il était en seconde, je crois- était face à lui, appuyé de force contre le bâtiment, ses yeux pleurant et son regard effrayé nous alertant. Puis l'homme tourna la tête de profil, et je le reconnus aussitôt, comme Cass, Steve et Astra.
C'était Alec.
Alec McGriffin agressait un garçon plus petit que lui, que ce soit en âge ou en taille. Je ne pouvais discerner ce qu'il faisait à part le bousculer, mais il ne lui donnait pas des bonbons, c'était sûr.
Je m'avançai d'un pas certain vers eux, mais Cass me prit le bras.

« Non, Hunter. Si tu y vas cette fois, Alec ne va pas hésiter à te démolir sur place, me dit-elle, me mettant en garde.
-Je m'en fous, Cass. Ce gamin a besoin d'aide, ça ne se voit pas ? »

Elle me lâcha et j'en profitai pour me diriger vers eux. Comment pouvait-elle penser une seule seconde à laisser ce garçon sous les mains d'Alec ?
Je me retournai, et je vis qu'Astra me suivait. Steve fit pareil et convaincu Cass de les accompagner, ce qu'elle accepta contre son gré.
Alec McGriffin était beaucoup plus grand et costaud que moi. Si je lui faisais face, je n'avais absolument aucune chance. Je n'avais jamais pris de cours de judo ou de karaté, je ne savais faire peur qu'avec mes paroles. En espérant que cette fois-ci, cela marche autant qu'à la cantine.

« Eh, Alec ! criai-je, seulement à quelques mètres de lui. T'en as pas marre de faire du mal à ce garçon ?
-Tiens tiens, voici Hunter Blueman ! (Il se tourna vers le Seconde.) Tu peux être heureux qu'elle te sauve la mise. »

Le lycéen s'enfuit en courant, et je soufflai un bon coup en remarquant qu'il n'était pas blessé. Pas blessé, mais sans doute traumatisé.
Alec marcha jusqu'à moi, diminuant la distance entre nous deux à chaque pas. Nous nous retrouvâmes à seulement quelques centimètres l'un de l'autre, et je le fixai dans les yeux, ne faisant pas un pas en moins, montrant mon intrépidité. Je n'avais pas peur de lui.
Je sentis son souffle contre mon front.

« Si tu veux, me chuchota-t-il à l'oreille, je peux aussi m'occuper de toi. »

Il baissa les yeux, observant mon corps, et je compris tout de suite ce qu'il voulait dire. Je lui assénai un coup de poing dans la joue, geste auquel il ne s'attendait pas. Il fit quelques pas en arrière, se tenant la joue gauche, stupéfait de voir ce que j'étais capable de faire. A vrai dire, j'avais sans doute autant mal à la main que lui au visage.
Alec s'approcha de moi, fou de rage. Il essaya de me donner un coup dans le ventre, mais je l'arrêtai de mes deux mains. En revanche, je ne fis pas attention à son poing qui m'atteignit à l'œil. La douleur me submergea et je tombai sur le sol. Je me tins l'œil et remarquai que mon arcade sourcilière était en sang.
Puis tout se passa très rapidement.
Je vis Alec arriver vers moi, telle une furie, mais il ne put m'atteindre car Astra se mit entre nous deux. Elle se baissa juste à temps pour éviter son coup de poing destructeur, puis elle lui asséna un coup de pied dans le ventre qui fit perdre l'équilibre à Alec, mais il ne tomba pas. Astra avait-elle déjà pratiqué un sport de combat ? La jeune femme ne nous en avait jamais parlé, en tout cas.
Alec arrivait déjà pour rendre sa revanche à Astra. Il essaya de la faire tomber en levant sa jambe vers sa poitrine, mais elle para son coup et lui donna un autre coup de pied dans le visage. Et avant qu'il puisse se remettre entièrement face à elle, elle s'était accroupie, avait pris quelque chose dans sa chaussure et le pointait sur le front d'Alec.
Alec McGriffin avait une minuscule arme à feu chargée sur son front.
Et c'était Astra qui avait la main sur la gâchette.
La gentille et timide Astra.

« Barre-toi. » ordonna-t-elle.

Et ce fut la première fois que je vis Alec McGriffin terrifié. Il était choqué, la bouche ouverte, ses yeux louchant sur l'arme. Ses prunelles reflétaient l'angoisse, et je crus discerner une part de folie.
Alec McGriffin avait peur.
Il resta quelques secondes à fixer le revolver, et je vis Astra appuyer un peu plus l'arme contre sa peau. Il n'attendit pas plus et prit les jambes à son cou.
Astra baissa le flingue et le déchargea comme si de rien n'était, puis elle le glissa dans sa botte, à sa place. La jeune femme regarda autour d'elle pour s'assurer que personne n'avait rien vu. Personne dans les parages.
Personne sauf nous.
Elle se tourna vers nous. Je me tenais toujours le visage, au sol, et fixais Astra, troublée, la bouche entre-ouverte. Steve se trouvait derrière moi avec Cass. Je ne pouvais pas me retourner pour les regarder. J'étais bien trop occupée à observer les faits et gestes d'Astra.

« Je vous expliquerai. » annonça-t-elle.

Sa voix n'était plus aigüe comme elle l'était d'habitude, mais plus grave, plus certaine.
Astra ne regardait pas Steve et Cass. Elle me fixait moi. Elle n'allait pas l'expliquer à eux, mais à moi. Je le savais.
Astra me lança un dernier regard et partit en courant. Je n'arrivais plus à réfléchir. Je ne savais même pas quelle direction elle prenait.
Je le regardai juste s'éloigner.

Plusieurs secondes passèrent, des secondes longues et douloureuses, puis Cassarra et Steve vinrent vers moi. Ils m'aidèrent à me relever, mais ils étaient tout aussi bouleversés que moi.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? » demanda Steve.

Personne ne le savait. Nous avions juste l'image de l'arme braquée sur Alec.

« Tu n'as pas trop mal, Hunter ? me questionna Cass, en me prenant la main pour regarder mon arcade sourcilière.
-Non, ça va aller, répondis-je.
-Il faut quand même désinfecter, allons chez moi. »

J'hochai la tête. Cassarra savait que rentrer chez moi n'était pas la meilleure solution, avec ma mère. Elle faisait toujours en sorte de trouver un moyen pour ne pas m'obliger à la croiser. Nous rendre chez elle était la meilleure solution.

Cassarra n'habitait pas très loin de là où s'était passée la scène, ce qui était une bonne chose. Quand nous arrivâmes chez elle, personne de sa famille ne s'y trouvait, tous travaillaient. Je fus heureuse de me retrouver dans sa maison : je l'aimais beaucoup pour son décor et sa familiarité. Cass nous escorta dans sa chambre, Steve et moi, puis alla chercher du désinfectant et une compresse. Je m'assis sur son lit, Steve sur son fauteuil, face à son bureau. Cassarra entra de nouveau dans sa chambre et s'assit près de moi. Elle imbiba la compresse de désinfectant et la tapota sur mon arcade sourcilière. Cela piqua légèrement, mais c'était supportable.

« Est-ce qu'on doit prévenir les flics ? demanda Steve, soucieux.
-Ça sert à rien, répondit Cass en commençant à faire un pansement. Elle-même est peut-être flic. »

J'hochai de nouveau la tête. Nous ne connaissions pas Astra, peut-être était-elle dangereuse.

« Elle a dit qu'elle nous préviendrait, on a qu'à attendre. Et après, on voit ce qu'on fait. » dis-je.

Ils acquiescèrent. Comment ne pas être inquiets face à une situation pareille ?

Une petite heure plus tard, Steve me raccompagna chez moi. Je lui avais certifié qu'il n'y avait rien de grave, mais il préférait tout de même rester avec moi pendant le trajet, au cas où je serais prise de vertiges et m'évanouirait sur le trottoir. Ce qui ne serait pas arrivé.
Je rentrai chez moi et dis au revoir à Steve. Je lui souhaitai un bon week-end et il partit chez lui, m'embrassant sur la joue. Je lui souris. Tout m'indiquait chez lui qu'il serait mon meilleur ami jusqu'à la fin de ma vie.
Je fermai la porte d'entrée derrière moi. J'entendis la télévision dans le salon, ce qui m'indiquait que mes parents étaient là. J'ôtai mes chaussures et les posai devant la marche qui menait dans le salon. Cela ne servait à rien d'essayer de grimper dans ma chambre comme si de rien n'était, autant leur montrer qu'il s'était passé quelque chose maintenant.
Au moment où je pénétrai dans le salon, ma mère se précipita vers moi et me prit le visage entre ses mains.

« Qu'est-ce qu'il s'est passé ?! demanda-t-elle, paniquée.
-Rien. Je me suis battue pour défendre un gamin. »

Elle me regarda d'un air sévère et ses mains retombèrent le long de son corps. Allait-elle me dire quelque chose ? Je n'avais pas envie de lui parler, aujourd'hui. J'en avais marre de ses remarques.

« Je monte dans ma chambre, je suis fatiguée. »

Elle n'objecta pas pour une fois et me laissa monter les escaliers. Arrivée dans ma chambre, je posai mon téléphone sur mon bureau et balançai mon sac contre le mur, par terre. Les volets étaient ouverts et je remarquai que le temps était à l'orage. Je fixai les nuages, songeuse. Je ne comprenais pas. Qu'avait fait Astra ? Pourquoi avait-elle sortie une arme contre Alec ? Qui était-elle réellement ?
J'étais heureuse que personne ne soit blessé. Alec aurait pu retourner son arme contre elle, et quelqu'un aurait pu se prendre une balle. Et comment se faisait-il qu'Astra avait été si douée en matière de combat ? Tant de questions sans réponse me trottaient dans la tête.
Alors que j'observai le ciel gris, les bras croisés, mon téléphone sonna. Je me dirigeai vers lui et regardai l'écran.
La personne qui m'appelait n'était autre qu'Astra.

Hunter.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant