Chapitre 2

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« T'es sûre que ça va ? demanda Steve d'un ton inquiet.
-Bien sûr que oui ! Je ne me suis jamais aussi bien portée. » répondit Cass.

Je souris, observant Steve s'angoissant pour Cassarra. Elle était enfin revenue aujourd'hui. Ce n'était pas que c'était dur de rester seule plusieurs jours en compagnie de Steve, mais je commençai à en avoir par-dessus la tête des « Cass par-ci, Cass par-là » sans oublier les discussions sur les jeux vidéo, sa prochaine guitare électrique et les contrôles pour lesquels il stressait. Quand Cassarra était là, ce n'était pas pareil, car il n'avait d'yeux que pour elle. Il lui parlait beaucoup plus souvent et me laissait tranquille. Ils savaient tous les deux que j'étais très tête en l'air et rêveuse, et que s'ils avaient le malheur de me parler pendant que je réfléchissais, je ne les écouterais pas et n'aurais même pas remarqué qu'ils m'avaient adressée la parole.

« Hunter ? T'es là ? me questionna Cass en agitant sa main devant mes yeux.
-Oui oui, désolée ! »

Et voilà, ça recommençait, encore. Il fallait vraiment que j'apprenne à savoir maitriser mes rêveries.

« On se disait... Tu penses vraiment à partir ? »

Ils étaient inquiets, je pouvais le discerner dans leur regard. En y repensant, c'était vraiment du suicide d'essayer de me barrer. Qu'est-ce que je ferais, toute seule ?

« J'ai dit ça sous le coup de la colère, ça arrivera pas. » dis-je en secouant la tête, les dents serrées.

Ils soupirèrent de soulagement. Apparemment, ils avaient vraiment eu peur. La preuve qu'ils étaient de vrais et fidèles amis.
Plus tard, nous nous dirigeâmes vers notre cours de Philosophie. Je détestais la philosophie, je trouvais ça tellement barbant. Le professeur était assez bizarre, en plus. Il parlait comme un véritable bourgeois, levant les mains dans tous les sens quand il dictait, observant le plafond, comme s'il se croyait autre part. Il ne faisait presque pas attention à ses élèves, alors j'en profitais pour m'évader, moi aussi. Songer à autre chose. A ce que je ferais si je n'avais pas mes parents sur le dos. Je pourrais accomplir tout ce que j'aurais voulu accomplir.
Quand la sonnerie retentit, je fermai mon cahier de philosophie et le mis dans mon sac. Je sortis de la salle de classe, et je me rendis compte que le professeur était toujours en train de dicter son cours. Je souris et me faufilai entre les élèves dans le couloir. J'aperçus Cass et Steve m'attendre un peu plus loin. J'allais les rejoindre quand quelqu'un m'attrapa le poignet.

« Excuse-moi. »

Je me retournai pour voir qui m'interpellait de cette manière. Je ne la connaissais pas, seulement de vue. Elle était légèrement plus grande que moi, brune aux yeux marron noisette. Ses cheveux étaient regroupés en une haute queue de cheval.

« Excuse-moi, répéta-t-elle d'une voix assez aigüe. Je suis toute seule, et je t'ai déjà vu avec tes amis. Vous avez l'air sympa, alors je me demandais si...
-Oui
, la coupai-je avec un sourire. Viens avec nous, si tu veux. »

Je détestais voir les gens seuls, sans amis. Ils mangeaient sans personne à la cantine, restaient seuls les trois quarts du temps. Ils me faisaient beaucoup de peine. J'étais toujours là, avec mes deux amis, pendant qu'eux fixaient leurs mains pour faire passer le temps. Cela devait être torturant.
Je l'entrainai dans le couloir, en direction de Cassarra et Steve. Cette fille n'avait pas le physique d'une méchante, mais plutôt d'une timide qui n'osait pas se tourner vers les gens. Peut-être que c'était un grand pas d'avoir fait ça, pour elle.

« Cass, Steve, je vous présente... commençai-je.
-Astra, conclut notre nouvelle amie à ma place. »

Astra était un nom assez étrange. Je ne l'avais jamais entendu de toute ma vie, mais si Astra est étrange, que dire de Hunter ou Cassarra ?

« Enchantée, je suis Cassarra, mais tu peux m'appeler Cass.
-Et moi Steve.
»

Astra hocha la tête et nous nous dirigeâmes tous les quatre à la cantine. Après avoir fait une longue et interminable queue, nous nous servîmes nos plats et nous assîmes à une table. Habituellement, on prenait place à une table ronde. Mais à présent que nous étions quatre, nous devions nous installer à une de forme rectangulaire.

« Tu as des frères et sœurs, Astra ? demanda Cassarra de son sourire qui faisait toujours tomber Steve de sa chaise.
-Non, je suis fille unique. Et vous trois ? questionna-t-elle en retour.
-Mon petit frère, c'est lui ! dis-je en ébouriffant les cheveux de Steve. Un vrai gamin à surveiller vingt-quatre heures sur vingt-quatre ! »

Ils rirent tous les trois et nous continuâmes à manger en parlant. J'appris qu'Astra vivait juste à côté du lycée, ce qui était pratique. Elle avait l'intention d'aller à l'université d'Oxford. Elle devait avoir de très bonnes notes, alors ! J'hésitai à lui demander des cours à domicile, mais je renonçai à cette idée. Je me fichais complètement du lycée, des notes et des leçons. Je n'étais même pas sûre de rentrer dans une faculté. Alors pourquoi s'embêter maintenant ?

« Tiens, voici la fillette qui répond au nom de Steven ! » lança une voix grave derrière nous.

Je me retournai. Bien entendu, cela ne pouvait être qu'Alec McGriffin. Il était tout le temps en train de nous parler comme si l'on avait quatre ans, de se moquer de nous, à presque nous insulter.

« Va te faire voir, McGriffin, lança Steve en regardant son yaourt.
-Oh, mais c'est que la fillette a de la répartie ! »

Alec vint vers nous et se posta, debout, au bord de notre table, c'est-à-dire juste à côté de Steve et moi. Nous étions face-à-face.

« Steven, t'en as pas marre de traîner avec des gonzesses ? J'imagine qu'elles t'emmènent tous les jours faire les boutiques, c'est pour ça que tu te ramènes avec... Attends, qu'est-ce que tu portes, déjà, là ? Une robe ? »

Steve ne se leva pas pour répondre à ses moqueries, mais moi, si. Je me retrouvais face à Alec qui était plus grand que moi, peut-être d'une ou deux têtes de plus. Je le regardai dans les yeux, mes prunelles à quelques centimètres des siennes.

« Ta gueule. » lançai-je.

J'entendis les amis d'Alec rire, et ce dernier se retourna une seconde pour les observer, le sourire aux lèvres. Puis il revint vers moi et soutint mon regard.

« Qu'est-ce que tu veux, toi ? Tu veux te défier contre un plus grand que toi ? » me demanda-t-il, et je dus faire un effort pour ne pas tourner de l'œil à cause de son haleine immonde.

La cantine était à présent silencieuse. On pouvait entendre une mouche voler. Je devinai que tout le monde nous observait.

« Ta gueule, Alec, ou j't'ouvre le ventre pour te faire bouffer tes boyaux. J'hésiterais pas, tu sais. » rétorquai-je en avançant ma main vers mon couteau.

Personne ne voyait mes doigts se faufiler vers la lame, sauf moi et Alec McGriffin. Il recula d'un pas sans quitter mes yeux, et cette fois-ci, je ne discernai pas ses amis rigoler.

« Barre-toi et amène tes autruches avec toi, dis-je en lançant un regard à ses potes.
-Ca va que t'es une fille. »

Je ris à sa réponse.

« La même répartie chez tous les mecs. » annonçai-je en croisant les bras.

Alec McGriffin n'était vraiment pas une personne intelligente. Il partit sans un mot de plus, en compagnie de son groupe. Les bavardages recommencèrent, et je sentis tous les regards sur moi. Je pris mon plateau. Cassarra et Steve comprirent, et ils me suivirent. Astra sur leurs talons.
Quand nous sortîmes de la cantine, je soufflai un coup. J'avais maintenant la réputation de la fille qui a « vaincu Alec McGriffin. »

« T'es une vraie rebelle, m'avoua Astra en me regardant d'un air solennel.
-Je ne porte pas mon prénom pour rien. » répondis-je.

Et j'allais découvrir que oui, mon nom était véritablement fait pour moi. Car j'ignorai ce qui allait se passer. J'ignorai ce qu'Astra allait me raconter. Ce qu'elle allait me demander.
J'ignorai tout.

Hunter.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant