Chapitre 4

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Je fixai l'écran de mon téléphone, écoutant la sonnerie, détaillant le prénom de celle qui était ma nouvelle amie.
Mais qui était-elle réellement ? Rien d'autre qu'une inconnue. Je ne savais que son nom, dans toute cette histoire.
Cela faisait à présent plusieurs secondes que le téléphone sonnait. Devais-je décrocher ? Si je décidai de le faire, Astra allait sans doute tout me dire. Tout me raconter. J'hésitai.
Mais il me fallait des réponses.

« Allo ? dis-je en décrochant.
-J'ai bien cru que tu n'allais pas répondre. »

Sa voix n'était plus du tout comme avant. Moins douce, moins timide. Plus sûre et sérieuse. Comme si trop de choses importaient. Mais, quelles choses, exactement ?

« J'ai hésité, avouai-je.
-Tu as opté pour le bon choix.
-Bon, dis-moi qui t'es.
»

Je l'entendis tousser, puis je perçus d'autres bruits en arrière-plan. Quelque chose tomba, et un cri retentit. Un cri qui ne provenait pas d'Astra. Elle n'était donc pas seule.

« Eh, taisez-vous là, j'suis au téléphone, merde ! » tonna Astra.

Sa façon de parler aussi avait changé. Jamais, ô grand jamais, elle ne s'était exprimée de cette manière devant nous. Tout à coup, mon cœur se mit à battre la chamade. L'angoisse faisait son apparition, suivie par la peur. Je comprenais petit à petit. Astra avait-elle fait exprès de devenir amie avec nous pour une quelconque raison ? Cela avait été comme un déguisement. Une filature.

« Bordel, t'as déjà jamais cassé quelque chose ici, Sarah ? » demanda Astra à la personne qui se trouvait sûrement dans la pièce.

Je perçus la voix d'une jeune femme, mais je ne réussis pas à décrypter ses paroles, elle était trop loin.

« Fais ça et Samuel te fera la peau sans hésiter, avertit Astra.
-Astra ? J'suis toujours là, si tu m'as oubliée. » dis-je, agacée.

Je l'entendis changer de place. Peut-être s'était-elle isolée pour ne pas être dérangée.

« Ok, Hunter. Accroche-toi bien. Il faut à tout prix que tu me croies, qu'importe ce que je dis, d'accord ?
-D'accord
, acquiesce-je.
-Ne me prend pas pour une dingue, parce que ce que je vais te raconter est la pure vérité.
-D'accord.
»

Je commençai à m'attendre au pire. Qu'allait-elle me raconter ? Même si j'étais anxieuse d'écouter son histoire, il me fallait des réponses. Je devais savoir.

« Est-ce que tu crois aux organisations secrètes ?
-Je ne crois qu'à ce que je vois.
» répondis-je.

Astra soupira. Cela n'allait sans doute pas être facile pour elle de m'expliquer.

« Je fais partie du CIC, le Centre d'Initiation au Combat. C'est une organisation secrète où des personnes de quatorze à dix-huit ans reçoivent une formation au combat, c'est pour cela que j'ai réussi à me battre contre Alec. Et aussi pour ça que j'avais une arme... Je suis entrainée pour défendre la société, comme tous ceux qui font partie du CIC. »

Je m'étais assise sur mon lit pendant qu'elle parlait, et je l'avais écoutée en regardant les quatre coins de ma chambre, comme si c'était la première fois de toute ma vie que je l'observais vraiment. Cette pièce dans laquelle j'avais passé toute mon enfance et mon adolescence. Cette pièce qui préservait toutes mes idées, mes sentiments, mes pensées, mes émotions.
Cette pièce allait-elle à présent cacher un lourd secret ?

« Tu ne me crois pas ? me demanda-t-elle au bout de quelques minutes.
-Chut, je réfléchis. » dis-je.

Il fallait que je digère ce qu'elle venait de me dire. Je m'étais attendue à tout, qu'elle soit un agent du FBI infiltré au lycée, un espion de l'armée ou même une taupe envoyée par les extraterrestres, mais pas à ça. Comment penser à un truc de ce genre ? C'était complètement irrationnel. On ne lisait ça que dans les livres, ou le voyait dans les films de science-fiction. Pas dans la vraie vie. Pour moi, c'était impossible.

« Pourquoi tu me dis tout ça ? Si c'est une organisation secrète, je ne suis pas censée être au courant, m'exprimai-je enfin.
-On t'a observée, et tu es la personne idéale pour nous rejoindre. On ne s'amuse pas, là-bas. On est chargé de missions qui peuvent être dangereuses. Des missions... Qui nécessitent le port d'une arme, par exemple. Mais avant tout, on s'entraine jusqu'à devenir professionnel. On défend les gens des autres organisations qui veulent leur faire du mal.
-Tu te fous de moi, on dirait la synopsie d'un film.
»

Elle soupira une fois de plus, exaspérée. Je n'étais pas quelqu'un de facile à convaincre. Il me fallait une très bonne preuve pour croire à une quelconque histoire.

« Tu veux que je t'emmène au CIC pour que tu vois que j'ai raison ? questionna-t-elle.
-Tu crois vraiment que je vais me promener avec toi depuis que tu as sorti ton arme ? »

Astra rit une seconde, mais reprit vite son sérieux. Elle était sérieuse dans tout ce qu'elle me disait. Quel aurait été le but d'inventer tout ça ?

« Hunter, si tu ne veux pas me croire, ne me crois donc pas. J'ai vu la manière dont tu parles de ta vie, elle n'a aucun sens pour toi. Tu ne feras jamais d'études, tu n'es pas faite pour ça. Tu en as assez d'obéir à ta mère, tu veux être indépendante, faire ce que tu veux. Comment finiras-tu ? Tu te trouveras un job qui te fera seulement quelques sous, mais pas assez pour accomplir tes besoins. Tu rencontreras quelqu'un, tu te marieras, auras de beaux bébés. Puis tu vieilliras sur un banc, tenant la main à l'amour de ta vie, regardant vos petits-enfants s'amuser entre eux. Et tu mourras avec comme dernière pensée celle de ne jamais avoir fait ce que tu aurais aimé faire. Et toute ta vie, tu regretteras. »

Postée devant la fenêtre, je regardai les nuages s'amonceler sur la ville. Ma ville.

« Ma mère m'appelle. » mentis-je.

Et je raccrochai. Je posai mon téléphone sur mon bureau puis croisai les bras, observant l'extérieur par derrière la vitre. Je l'ouvris. Je me penchai, regardant la rue dans laquelle j'habitais. Je vis mon voisin, en classe de terminale, partir à pied vers le centre-ville. Un petit de six ou sept ans pédalait sur son nouveau vélo rouge qu'il avait eu pour son anniversaire, sa mère ne le quittant pas des yeux. Un homme âgé, d'environ soixante-quinze ans, était tranquillement assis sur son banc habituel, pendant que ses petits enfants se chamaillaient le même jouet.
Je pouvais vivre cette vie. Grandir ici, vieillir ici, comme l'avait dit Astra. Une vie banale et sans problèmes. Une vie normale. Une vie que des milliards de gens vivaient.
Une vie sans aventures.

« Hunter ! Viens ici ! » cria la voix de ma mère.

Je fronçai les sourcils, et une douleur à l'arcade m'alerta. J'avais complètement oublié ma blessure. En soupirant, je descendis les escaliers lentement. Mes parents m'attendaient dans le salon, les bras croisés. La télévision était éteinte. Tout m'annonçait que j'allais passer un sale quart d'heure.

« Un problème ?
-Mme McGriffin a appelé. Il parait que tu as tabassé Alec jusqu'à ce qu'il ait le nez cassé. Hunter, c'est un gentil garçon qui ne fait pas de mal à une mouche, pourquoi fallait-il que tu fasses ça ?
» m'annonça mon père.

Quoi ? C'était quoi, cette histoire ? J'allais riposter, mais ma mère me coupa la parole.

« Tu es privée de sortie jusqu'à la fin de l'année, tu vas me donner ton téléphone et ton ordinateur.
-Laissez-moi au moins m'expliquer !
criai-je, stupéfaite.
-Aucune explication, tu en as déjà assez fait. Tu mérites cette punition depuis bien longtemps. Tu vas me travailler tes examens de fin d'année tous les jours, sans exception, et je vérifierais.»

Je restai muette, complètement surprise, puis serai les dents, la colère s'emparant de moi. C'est alors que la décision qui allait me changer la vie me prit au dépourvu. Je n'allais jamais réviser. Je n'allais plus voir mes parents. C'était une décision difficile, mais je le voulais. C'était ce que j'attendais depuis toujours, sans le savoir. J'avais la possibilité de ne pas me retrouver avec une vie banale devant moi.
Je tournai le dos à ma famille, grimpant les escaliers à toute vitesse. Je claquai la porte de ma chambre, sortis un sac-à-dos de mon armoire et fourrai des vêtements à l'intérieur. Je pris ce qui me tenait le plus à cœur, sachant que si je les laissai, je ne les reverrais plus jamais. Prenant mon téléphone, je composai le numéro d'Astra.

« Retrouve-moi devant le lycée, maintenant. » dis-je dès qu'elle ait décroché.

Je n'attendis pas une minute de plus et rangeai mon téléphone dans une poche de mon pantalon. Enfilant un sweat gris, je montai la fermeture éclair et mis la capuche sur ma tête. Je fermai mon sac plein et ouvris la fenêtre de ma chambre tout en le mettant sur mes épaules. Jetant un dernier regard à ce qui avait été toute ma vie, j'enjambai le cadran, et montai sur l'énorme platane qui se trouvait dans notre jardin, en face de ma chambre. M'accrochant aux branches, je descendis l'arbre assez rapidement, ayant hâte de m'en aller. Je sautai sur le sol et tombai sur le dos, dans l'herbe humide. Le pansement que Cass m'avait fait partit, et je le laissai s'envoler dans l'air. Puis je me mis à courir dans la rue, en direction du lycée, passant devant la mère qui surveillait son enfant et le vieillard qui finissait tranquillement sa vie sur son banc.

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⏰ Dernière mise à jour : Aug 09, 2015 ⏰

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Hunter.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant