Balade des âmes immortelles

Prologue

         Le rayon lumineux traversait les vitres de la véranda et lui donna alors un aspect chaleureux et convivial. Les quelques tableaux qui ornaient les murs représentaient divers paysages de la mer et de l'océan, rappelant ainsi les loisirs favoris de ses locataires. En particulier ceux de Delphine qui, assise sur une chaise pliable verte pomme, lisait lentement le journal. Elle scrutait chaque article, même les plus insignifiants ; comme les cent ans d'une vieille dame d'une ville voisine. Elle ne pouvait pas s'empêcher de donner de l'importance à des choses inutiles. Elle sourit en apercevant un article qui allait plaire à son conjoint. Elle se tourna vers lui et l'appela pour capter son attention ;

« - Maxence, regarde qui a fini premier au concours de Samedi ! lui dit-elle en lui montrant de loin la page du journal le concernant

- Jean ? Pfff, il ne perd rien pour attendre. La semaine prochaine, je reprendrais ma place dignement et tu seras fière d'être mon amante ! fit-il en ricanant

- Mais oui ! En attendant, il faut que tu te remettes de ta blessure, n'oublie pas. »

En effet, Maxence s'était presque cassé le bras lors d'une balade à vélo assez rude entre amis sportifs. Il portait un bandage depuis maintenant une semaine, ce qui l'eût empêché de participer au concours de pétanque régionale qu'il affectionne tant. Malgré sa passion assez dépassée, Max avait à peine vingt-deux ans. Il entamait des études de médecine, en espérant devenir ainsi l'un de ces médecins réputés. Il se voyait déjà en blouse blanche impeccable, devant sa table d'opération où il accueillerait ses premiers clients. Un peu sceptiques au début, ils deviendraient au fil du temps des habitués de son cabinet. Quant à Delphine, elle défendrait des innocents et apprendrait bientôt par cœur les textes de loi, mais cela ne lui faisait pas peur, au contraire, elle adorait se mettre à cent pour cent dans ce qu'elle entreprenait.

Un agréable silence s'abattit dans la petite pièce, forçant ses occupants à continuer leurs activités. Les légers bruits de pages tournés délicatement le ponctuait et tentait vainement de le trahir. Petit à petit, on s'apercevait que Max s'engouffrait dans un sommeil plus lourd. Elle, qui ne s'en rendait pour le moment pas compte, continuait sa lecture jusqu'à ce qu'un ronflement vienne perturber ce calme. Elle fronça les sourcils et se leva, laissant le journal sur la table. Arrivé à sa hauteur, elle tenta de le réveiller. Quelques minutes passèrent avant d'arriver à ce qu'elle voulait. Il fit une mine boudeuse et soupira.

« - Tu n'as pas oublié j'espère ?

- Euh... Attends que je réfléchisse... dit-il en grimaçant

- Oh non, je n'y crois pas !

- Hum, quoi ?

- Notre anniversaire mer...

- Ah, mais je ne l'ai pas oublié, lui répondit-il en lui coupant la parole.

- Très bien alors on y va ! fit-elle, à présent énervée »

Max passa une main dans ses cheveux ébouriffés puis mit une veste et ses doc martens noires. Quant à Delphine, elle enfila un gilet gris et ses bottines. Le sac devant la porte d'entrée semblait exploser, il était trop petit pour tout ce qu'il contenait. Pourtant, cela ne les gêna pas et c'est Max qui se chargea de le porter jusqu'au coffre de la voiture.

Le parking devant l'immeuble était assez imposant, une trentaine de voitures y étaient garés. Ils vivaient au rez-de-chaussée et avait ainsi le privilège de posséder une petite véranda liant leur salle à manger au jardin résidentiel.

Durant le trajet, un silence de plomb avait proliféré et plus aucuns bruits ne dérangeaient l'atmosphère. Delphine, du côté passager, regardait par la fenêtre, un poil frustrée parce qu'elle avait entendu. Elle voulait pourtant se forcer à oublier ce malentendu puisque ce n'était pas le moment... A travers la vitre, les arbres défilaient à une vitesse folle. Une vitesse folle ? Effectivement, en jetant un regard sur le tableau d'affichage, elle se rendit compte que la voiture roulait maintenant à cent dix kilomètres par heure.

« - Hey ! Qu'est-ce que tu fais ! dit-elle, paniquée

- Oh, ça va... On l'a déjà emprunté pleins de fois cette route... Plus précisément... répondit-il en train de compter les années

- Six. Six ans que nous sommes ensemble.

- Voilà.

- Écoute, je ne sais pas ce qui te prend à jouer l'idiot mais arrête. C'est censé être une journée spéciale pour nous aujourd'hui.

- Je sais, sourit-il »

Elle ne pû s'empêcher de répondre à son sourire mais elle se tourna quand même, pour éviter qu'il ne s'en aperçoive et soit content de son coup. Il finit tout de même par ralentir. A la suite de leur discussion, ils avaient décidé machinalement d'allumer la radio, laissant ainsi défiler l'album d'un groupe de rock favori commun. La basse battait la mesure dans cette petite voiture rouge.

Max gara la voiture sur le bas côté de la route et c'est Delphine qui sortie la première. Elle ne se gêna pas pour montrer son mécontentement. En le lisant sur son visage, il fit une moue amusée et la fixa intensément. Perturbée, elle commença à s'empourprer et pris le sac de sport déposé dans le coffre. Il alla vers elle en souriant et elle, en pensant qu'il se fichait d'elle, soupira. Elle n'eût pas le temps de riposter qu'il s'empara de son visage et l'embrassa. Il lui caressa les cheveux puis doucement, elle s'enleva de son étreinte.

« C'est la formule magique... lui murmura t-il à son oreille, toujours souriant »

Delphine, qui avait finalement réussi à le pardonner grâce à son baiser, se laissa gaiement prendre la main et guider par Max. Ils prirent le chemin qu'ils connaissaient tant, s'enfonçant de plus en plus dans les bois. Les arbres, qui les effrayaient au départ, étaient maintenant des êtres familiers à part entière, qui avait assisté à leur première embrassade. Le chemin de terre se termina, laissant apparaître une clairière, suivie d'un petit ruisseau. Bras dessus, bras dessous, ils allèrent vers ce petit courant.

Elle laissa échapper un cri de stupeur. Devant eux, une vingtaine de cadavres d'animaux flottaient, mêlés à des tas de feuilles mortes. Ces animaux n'étant pas des moindres ; lièvres, écureuils, putois, chauve-souris ou encore blaireaux.