Chapitre un

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Elle mordillait son stylo machinalement, buvant avec langueur les paroles de M.Bôle, son professeur de math. Ce n'était pas plus la fonction affine de l'inconnu x qui préoccupait Tara Muller à cet instant, mais plutôt le ciel orageux qui menaçait de lui tomber sur la tête dès la sortie des cours. Naturellement, elle n'avait pas son parapluie, comme d'habitude. Elle pousse un long soupire tout en s'affalant sur sa table. Tara pouvait ce permettre quelques minutes de répit, d'abord parce que ses résultats scolaire étaient irréprochable, et puis ensuite son manque de présence total pouvait lui permettre de passer inaperçu au reste du monde. Elle était l'ombre parmi la lumière, une banalité parmi tant d'autre.

16h20, la fin des cours sonne. La première A se bouscule à la sortie de la salle, le grincement des chaises et le froissement des feuilles résonnent dans un vacarme habituel. Tara prend son temps, comme toujours c'est la dernière à franchir le seuil, derrière la porte personne ne l'attends, alors elle traîner des pieds. Il arrive parfois que le professeur ne la remarque pas et ferme la salle avec elle à l'intérieur. Dans ses moment là, elle attend silencieusement, la tête enfoui dans ses bras. De temps à autre elle monte à l'estrade, puis prend la parole. Elle récite mécaniquement ses cours, s'autorisant à mimer gestes et tics de ses professeurs devant une assemblée imaginaire. Il n y a qu'elle qu'on voit, il n y a qu'elle qu'on entend, et ce jusqu'à l'arrivée de Madame Dubois.

Madame Dubois c'est la femme de ménage, de cantine et concierge à ses heures perdues. Elle est petite et enrobé, ses joues sont roses sous l'effort de ses gestes et c'est petit yeux enfoncés brillent d'un éclat de sagesse. Elle se plaint tout le temps, elle adore ça. « Alors ma grande, ces chiens t'ont encore enfermée ici ? » Cela n'a jamais l'air de la surprendre, rien ne la surprend. Son visage ridé par le temps semble avoir traversé d'innombrable périples et mésaventures. Pendant qu'elle passe le balai, elle raconte toujours une histoire, jamais la même. Tara l'écoute silencieusement ponctuant de temps à autres son récit de sourire ou de gloussement discret. Et lorsque Madame Dubois achève son récit, la nuit est déjà à son apogée. Puis un jour sans trop savoir pourquoi, elle est partie. La maladie l'a emportée dit-on. Depuis, jamais Tara ne s'est sentie aussi seule.

Dehors, les premières gouttes de pluie viennent se heurter contre son front, la lycéenne se dépêche d'enfourcher son scooter, un vieux tas de ferraille en fin de vie que son travail lui avait refourguer. Le moteur toussote, une odeur nauséabonde s'en dégage, elle se demandait toujours à ce moment là, s'il n'allait pas finir par exploser. Elle espérait bien sûr le contraire, jamais elle n'aurait assez d'argent pour rembourser ce foutu débris. Les réparations en vaudrait la peine ? Connaissant son radin de patron, il ne lui en donnera pas une nouvelle tant que celle-ci ne rendra pas l'âme.

Tandis que son esprit vagabonde, son corps quant à lui se trouve déjà devant la pizzeria. Un bruit sourd s'échappe de l'engin lorsque celle-ci tente de freiner pour se garer. Elle détache la jugulaire et hôte son casque soigneusement.

« Eh bien Tartatin t'en as mis du temps, dépêche-toi de reprendre le service du soir que j'me pique un somme. »

A peine arrivée que son nouveau collègue, Noah, l'assaille de ses sarcasmes . Adossé contre le mur un paquet de chips à la main, il paraissait pas pour le moins impliqué. Comment un type comme lui avait pu se faire embaucher ? Ses grand yeux bleus et ses cheveux blond cendré en bataille, écrasé par une casquette rouge, lui donnait un air espiègle voir enfantin. Tandis que son allure négligé lui donnait un côté sauvage et marginal. Tara n'était pas du genre à porter un jugement à la hâte, mais ce type n'était pas un cadeau du ciel, loin de là.

Elle marchait en direction de la porte, sous le regard inquisiteur de son collège.

Elle lui gratifie un rictus amer.

Deuxième visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant