Prologue

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Des sifflements s'élèvent. La musique s'emballe. Les degrés s'envolent.

Son regard se promène sur les courbes des danseuses, il en connait chaque recoins, chaque secret. Les basses résonnent contre ses tympans, des mouvements maîtrisés, le public est charmé. Comme toujours, comme chaque soir. L'effervescence anime le public, on attend que le dernier bout de tissus tombe. Lui aussi,  n'échappe pas à l'exception. C'est un homme après tout, c'est une excuse pardonnable. La dernière note de musique résonne, les applaudissements fusent, le rideau tombe. Le César Palace, un lieu de débauche, de plaisir, d'extravagance. Le temps s'arrête à l'espace d'un soir, on vous emporte dans une douce jouissance sans limite. Berné par ce spectacle illusoire, il n'est ailleurs que vous pourrez profiter de chamantes créature. La magie opère, ouvrez vos yeux.

Pour son vingt et unième anniversaire c'est tout naturellement que Dan Cherel s'est rendu dans son lieu de prédileciton. A sa place habituel, premier rang côté droit, un angle parfait pour ne rater aucune miette du spectacle. Minuit passé. Les danseuses s'enchaînent, le brouhaha des invités s'entremmêle aux tintements des verres. C'est le Rouge qui se fait dominant, du fauteuil en passant par la faible lumière tamisée, elle reflète l'état d'esprit du public : ardent.

« Tu as l'air complètement ailleurs Dan. »

Un soupire franchit ses lèvres, il ne prend pas la peine de se tourner vers son locuteur, balançant nonchalement son bras sur le dossier de sa chaise.

« J'suis crevé.

_ C'est toi qui a insisté pour venir ici je te le rappelle, alors arrêtes tes caprices, t'as plus quinze piges.»

Dan ignore sa remarque, s'enfonçant dans son fauteuil, il desserre nerveusement sa cravate. C'est vrai que lui Matt, il n'est pas du genre à se plaindre. Non, c'est le type qui sous ses airs supérieurs veille à son entourage affectueusement. Il en dégageait de ce gars, quelque chose à la fois d'espiègle et paternel. Leur amitié ne date pas d'hier, déjà au collège ils s'embarquaient ensemble dans des situations périlleuses, pour ne pas dire dans les pires merdes. Encore et toujours Mathias, son ainé de deux ans, a toujours le mot pout l'énerver, peut être parce que  tout ce que ce mec déblatérait tombait sous le sens.

Le numéro suivant est annoncé, les bavardages diminuent dans le même temps. Le rideau se lève, une épaisse fumée s'élèvent. Il distingue le son d'une paire de talon claquant contre le sol, une silhouette se dessine. Les notes de musique s'élèvent, un visage apparait. Caché derrière un loup brodé en fine dentelle, deux prunelles cyans transpercent le public. Deux billes scintillantes qui luient d'une étincelle mystérieuse.

Il ne l'a jamais vu auparavant.

Ses mouvements son lents, sensuels, captivants. Sa robe tout de noir dessinait sa silhouette particulièrement longivine, laissant une vue imprenable sur des jambes d'une longueur vertigineuse. Sa prestance lui arrache son intêret, elle dégageait une telle présence que ses yeux ne pouvaient se décrocher de son corps. Doucement, elle relève le menton, sa main remonte le long de sa cuisse, laissant au passage entrevoir une partie de sa jarretière. Il déblutit. La musique s'accélère, elle suit le rythme. Sa chevelure se balance au son de ses pas, un jais magnifique qui contrastse avec la blancheur opaline de sa peau laiteuse. Elle se mordille les lèvres, un regard sulfureux traverse le public. Son corps, non, son âme semblait en osmose avec la musique.  La scène et les lumières étaient son élément, ils étaient l'essence même de son existence. Comme sortit tout droit d'un rêve.

« Tu l'a déjà vu ici ? lance Matt

_ Non »

Il se voyait la palper, plonger dans sa nuque pour humer son parfum aux notes sucrées, effleurer cette bouche rosé, s'emparer de cette femme. Un désir ardent le submerge, un désir perverti par un tissu de fantasme irréel. Ce sentiment était tout simplement inexplicable. Puis, pour la première fois depuis son apparition, il expire. Elle semble le narguer de là haut à ne lui dédaigner regard, à l'affoler, à l'emoustiller. Il détestait tout bonnement cette sensation de panique. Elle use de ses charme dont elle en connaissait les effets, le public est en émois face à sa prouesse, à son étrange beauté. Merde. Merde. Il allait finir par devenir fou.

« Je t'attendais à te voir ici, joyeux anniversaire Dan. »

La serveuse s'approche, pose buyemment deux bières sur la table. L'arrachant de sa torpeur il se tourne vers la nouvelle venue,

« Tu m'offre à boire, Ophélie ?

_ Sara, Sa-ra. J'tai déjà dis de ne pas m'appeler comme ça. »

 Tout en soufflant bruyemment, elle mastiquait son chewing gum. Ses boucles blondes retombaient sur sa poitrine dont le décolleté laissait un large aperçu de ce qui pouvait se cacher derrière le tissu. Elle avait un regard pétillant, et quelque peu autain. 

Dan fait un mouvement de tête en direction de la danseuse, la serveuse devine sans mal sa question muette.

_ C'est  Calioppe, elle vient tout juste de rentrer ici. C'est César qui en a décidé ainsi, il a dit qu'elle était spéciale. elle croise les bras sur sa poitrine, depuis quand me demandes-tu ce genre de choses ? D'habitude tu ne te serais pas gêné pour sauter sur une des employées, faire ton petit numéro de charme bidon et finir ta nuit à gémir comme une pétasse.

_ Calliope ...

_ Tu ne m'écoutes plus, soupire-t-elle. »

Un tonnerre d'applaudissement et de cris saluent la prestation, le charme s'évanouit au moment où le pourpre rideau s'écrase au sol. La frustation se noie dans l'alcool, le jour ne  se tarde à lever.

C'est l'heure pour Elle de se réfugier dans les abîmes du Cabaret.

Deuxième visageOù les histoires vivent. Découvrez maintenant