Ange ou Démon

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Au quatrième jour, alors que je traînais des pieds sur le chemin, l'aube réchauffait de ses rayons notre demeure délabrée. Je ne pouvais pas m'empêcher de repenser à la nuit précédente, à cet homme, affamé, assis dans le froid, me suppliant de l'aider.

Pavle asseyait de regarder vers l'avenir. Il insistait sur la cohésion de notre groupe. De son côté, Bruno n'en pensait pas grand-chose. J'aurais cru l'inverse mais Bruno s'avère être une personne assez, glaciale.

Pavle était parti bricoler du combustible avec le bois que l'on avait pu récupérer. Il fallait bien s'agiter pour nous occuper l'esprit, juste, pour oublier ce pauvre homme, juste quelques minutes, quelques secondes. Nous étions affamés. Nous n'avions pas avalé quoique se soit depuis quatre jours. Nous comptions garder notre réserve de nourriture pour plus tard, mais, ce coup-ci, nous n'avions pas le choix, tant pis. Il fallait bien que nous mangions, même si cela veut dire; sacrifier la totalité de notre réserve.

Bruno se mis à la tâche et se mit à préparer quelque chose pour tous les trois. Sans même perdre une seconde pour s'assoir, il engloutit sa portion jusqu'à la dernière miette. La pitance était maigre. Un simple repas ne suffirait pas à combler quatre jours de jeûne mais nous permettrait de tenir, au moins pendant deux jours de plus.

À peine avions nous finirent de lécher le fond de nos assiettes que quelqu'un frappa à la porte. Lorsque j'ouvris cette dernière, une silhouette filiforme et féminine se dressa devant moi. Une épaisse capuche cachait ses cheveux et laissant entrevoir dans ses deux yeux bleus, l'angoisse, et la peur. Elle vivait non loin d'ici, seule, avec sa fille après que son mari fut enrôlé de force par les rebelles. D'après elle, des rumeurs parlaient de pillages et de violes dans les environs. Elle me suppliait de lui venir. Je n'oubliai jamais ses tristes paroles:

"Je vis près d'ici, avec ma fille. Des rumeurs parlent de pilleurs de maison qui violent aussi les femmes. Je peux fermer les portes à clé mais ils pourraient entrer par les fenêtres. Pouvez-vous m'aider à les barricader? Mon mari a été emmené de force par les rebelles la première année de la guerre. Il n'est toujours pas revenu... Nous sommes toutes seules, aidez-nous, s'il vous plaît."

J'étais horrifié par ce que je venais d'entendre. Étions-nous tombés si bas? Est-ce cela la guerre? Est-ce cela d'être soldat? Je me rappelle d'une citation d'Albert Einstein.

"Celui qui est capable de marcher derrière une musique militaire n'a pas besoin de cerveau. Une moelle épinière lui suffit."

Immédiatement, ma réponse fût affirmative. Évidemment que nous allions l'aider. Pavle se porta volontaire. Ainsi, je pourrais, de mon côté, continuer se cherche de quoi survivre. Surtout que la nuit commençait tout juste à tomber.

L'avenir me le dira, peut-être que j'aurais tort, mais cette nuit, je décidais de ramasser notre dernier morceau de nourriture et de l'amener à l'homme que j'avais croisé la nuit précédente. Ce n'était malheureusement pas grand-chose, tout juste de quoi tenir un ou deux jours de plus pour lui. Mais pour nous, c'était la totalité de notre nourriture restante. J'avais pris cette décision sans en parler aux autres. J'assumerais la responsabilité de mon acte. Tant pis si je devais affronter la fureur de mes deux compagnons.

L'homme me remercia et me proposa de me montrer quelque chose qui pourrait m'intéresser. Je n'attendais rien en retour de sa part. La simple satisfaction d'avoir pu partager quelque chose me suffisait. Mais, malgré tout, je l'accompagnais, poussé par la curiosité.

Alors que je regardais l'homme descendre dans la cave, je ne pus m'empêcher d'être un brin suspicieux, même si ma foi en l'humanité était plus forte que la peur, après tout, je pouvais toujours prendre mes jambes à mon coup.

This War of MineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant