Jour J-13

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5H00

J'appuyai avec force sur le bouton «stop» du réveil. Après sept tentatives, il s'arrêta enfin.

Je me dirigeai vers la cuisine et mis en marche la machine à café. Je mangerai au boulot. Cette semaine, je faisais des gaufres dans un snack. Mais jusque quand ? D'ici quelques jours, je repartirai à la fouille aux petits boulots mal-payés. Je ne comprends même pas pourquoi je me donne tant de mal. On dirait cette fille -comment elle s'appelle déjà-, dans La Princesse et la grenouille. Celle qui rêve d'un super restaurant, travaille encore et encore. Ajouter à cela une mère dépressive et un copain inexistant, et me voilà !

Ma mère n'a pas toujours été dépressive. Je veux dire, elle n'est pas née avec une dépression.

Mes parents ont toujours été un modèle pour moi. Ils ne se disputaient presque jamais, s'aimaient et me chérissaient. D'ailleurs, j'ai toujours pensé que ma vie serait identique à la leur. Que le premier amour serait le bon. Qu'on serait un couple sans histoires. J'ai placé tous mes espoirs en Max, un étudiant rencontré à un arrêt de bus. J'avais dix-huit ans et lui vingt. Il faisait des études de médecine. Au début, tout se passait pour le mieux - bien entendu. Et puis, ses cours sont devenus de plus en plus compliqués, et il n'avait plus beaucoup de temps pour nous. Et moi, je devenais de plus en plus chiante car, comparé à celui de mes parents, mon couple était loin d'être parfait.

Les nouvelles tombèrent à peu près en même temps. Max avait décidé de faire une pause pour se consacrer à ses études -presque terminées-, et mes parents voulaient faire une thérapie de couple. Je n'avais pas très bien compris pourquoi. Tout se passait bien entre eux, j'en étais persuadée. Évidemment, ça ne l'était pas. Par la suite, ma mère m'avait expliqué que depuis que j'étais partie vivre avec Max, leur couple s'effondrait, jour après jour. Je me suis toujours sentie responsable de ce qui est arrivé.

Ils avaient un rendez-vous chaque lundi pour leur thérapie. Je venais les voir tous les dimanches, pour les mettre en condition. À l'époque, je travaillais dans un bar pas très loin de chez moi, et le gérant m'aimait bien, alors il me laissait arriver un peu plus tard le dimanche.

Un jour, mon père m'a demandé de les accompagner chez Louis -le psy. J'ai pris ma journée. La dernière dans ce bar. C'était il y a 3 ans.

Louis avait faire venir sa femme, Véronique. Quelque chose n'allait pas. Mon père m'a rendu sa chevalière, et puis s'est excusé auprès de nous. Il a dit à ma mère qu'il l'aimait, mais qu'il avait rencontré quelqu'un. Louis a tenu le même discours à se femme. Ils nous annoncés qu'ils étaient assez vieux comme ça, et qu'ils voulaient profiter de la vie.

Je m'en suis longtemps voulu. Encore aujourd'hui, lorsque je regardais sa chevalière à mon majeur, je me sentais coupable. Cette thérapie, c'est à cause de moi qu'elle a commencé. Si il n'avait pas rencontré Louis, mon père n'aurait peut-être pas découvert son homosexualité ?

J'ai arrêté d'aller travailler. Je restais chez moi. Et j'ai laissé la seule personne qui avait besoin de mon aide, seule. Ma mère. Elle a fait une dépression. Véronique est restée à ses côtés. Elles ne se lâchent plus.

Je vais leur rendre visite tous les dimanches matin. Je n'ai jamais manqué le rendez-vous depuis 3 ans. Ma mère a déménagé dans un petit immeuble, près d'une rue commerçante. J'ai fait beaucoup de petits boulots insignifiants en 3 ans. Il y a deux semaines, un snack à ouvert dans la rue. Le nouveau voisin de ma mère est aussi le proprio, et il a accepté de me prendre en cuisine.

Je n'ai plus jamais eu de nouvelles de Max. Et c'est tant mieux comme ça.


First LadyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant