Chapitre Premier : Tourner la page.

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Sara

Le voilà, le nouveau départ dont ma mère me parlait. Elle m'avait promis le dépaysement le plus total. Je dois admettre que sur ce point, elle n'a pas menti. J'ai traversé tout le pays, laissé derrière moi une partie de mes amis, de ma famille et surtout de ma vie pour la rejoindre à Monterey, une petite ville côtière en Californie. Rien à voir avec New York. Je ne peux pas nier avoir eu un pincement au cœur en quittant la côte Est. Mais mon choix était fait depuis plusieurs mois déjà. Ma mère ne m'a pas forcée bien au contraire. Si je l'ai fait, c'est parce qu'elle mérite enfin d'être heureuse. Nous avons l'occasion de repartir de zéro. C'est ce qu'elle a toujours attendu et je refuse qu'elle y renonce à cause de moi. J'ai le sentiment que quoi qu'il arrive, nous serons heureuses ici.

La vie de maman n'a pas toujours été rose. Enceinte jusqu'aux dents à la fac, puis séparée de mon père alors que je n'avais pas encore soufflé ma première bougie, elle a toujours eu l'habitude de tout mener de front sans forcément se soucier de son bonheur personnel. Pourtant mon père a toujours été très présent dans nos vies. Nous n'avons jamais manqué de rien. Mes parents se sont quittés en bons termes. Deux meilleurs amis qui ont eu un enfant ensemble, c'est à ça qu'ils me font penser. Ils sont restés bons copains après leur séparation et je n'ai jamais eu le sentiment d'être écarquillée. C'était plutôt cool d'ailleurs de vivre à New York. Je pouvais ainsi jongler comme bon me semblait d'un appartement à un autre. Ce ne sera plus possible désormais. Et même si ma décision chagrine mon père, je sais qu'il comprend mon choix et le respecte. Ma mère a besoin de moi. Lui, il a Lacey, ma belle-mère ainsi que ma demi-sœur Anna âgée de 15 ans et mon demi-frère Josh, 11 ans. On ne peut pas dire non plus que ces derniers aient sauté de joie à l'annonce de mon départ, mais je sais qu'eux, ils n'ont pas besoin de moi pour être heureux. En revanche, ma mère commence tout juste à l'être. Le mariage avec Phil, mon beau père, la mutation de ce dernier à Santa Cruz, notre déménagement à Monterey, tout était un peu précipité. Néanmoins maman ne cesse de répéter que lorsque la vie nous offre un nouveau départ il faut tâcher d'être à l'heure.

Alors me voici pile à l'heure, quoiqu'en retard d'une semaine quant à la rentrée scolaire. Nous avons déménagé en juillet à Monterey, mais j'ai séjourné tout le mois d'août chez mon père à New York. Et puis, j'avais promis à Anna d'être là pour son anniversaire qui comme chaque année tombe inévitablement la semaine de la rentrée scolaire. Anna et moi avons toujours été très proches l'une de l'autre à la manière de deux sœurs jumelles. Elle a l'impression que je l'abandonne. Moi, je sais que ce n'est pas le cas. Je reviendrai. Ce n'est qu'une question de temps. Ma famille va me manquer. Même Josh, cet insupportable geek préado arrogant va me manquer. Il n'a rien montré de sa peine lorsque mon père et Lacey m'ont déposée à JFK, mais moi, je l'ai vu dissimulé derrière ses sourires biaisés. Je ne me fais pas de soucis pour eux, la vie continue.

Je viens juste d'arrivée à l'aéroport de San Francisco. Je récupère ma valise et rejoins le hall d'accueil. Maman, lunettes de soleil sur le nez arbore un sourire timide et lève la main pour me saluer. Je presse le pas pour la rejoindre. Son sourire me met un peu de baume au cœur. Ma valise en main, je me jette dans ses bras. Elle me serre avec force puis m'embrasse et en profite pour subtiliser mon bagage. Nous avons toujours été très proches toutes les deux, très fusionnelles. Dix-sept années de vie commune passées à lui confier tout de mes peines, de mes peurs, forcément ça soude.

Nous marchons d'un pas rapide et traversons le parking de l'aéroport.

— Maman, je peux la porter ! je proteste.

— Tu as fait bon voyage ma chérie ?

— Excellent.

— Tant mieux. J'espère que tu as faim parce que j'ai fait ton plat préféré : spaghetti bolognaise et boulettes de viande ! Comme d'habitude, j'en ai fait pour un régiment. Phil en a profité durant ton absence pour faire deux trois aménagements dans ta chambre. Trois fois rien. J'espère qu'ils te plairont.

Ne m'oublie pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant