Chapitre Deux : Stupeur et tremblements

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— Allez, avance ! On ne va tout de même pas rester plantées là ! Je suis sûre que d'ici la fin de la journée, ils te baiseront les pieds Sara Cummings. N'aie pas peur, fonce ! Tu te souviens de ce que disait ta mère ? Quand la vie t'offre un nouveau départ, tâche d'être à l'heure ! Alors pour l'amour du ciel, ne nous met par en retard ! Grouille ! hurle Mia.

Nous sommes sur le parking du lycée. Mia se trouve quelques mètres devant moi qui suis toujours tétanisée à côté du Range Rover de ma mère. Maman travaille à domicile. Elle est téléconseillère pour un logiciel commercial et bénéficie d'une ligne téléphonique rien que pour elle. Elle me laisse donc la voiture pour la journée le temps de faire le trajet de la maison au lycée. Le lycée de Monterey n'a rien de surprenant. Pelouse impeccablement tondue, façade brunâtre et foule d'élèves qui arpentent les lieux. Pas de quoi fouetter un chat.

Je prends une profonde inspiration et rejoins enfin mon amie qui s'impatiente.

— Ce n'est pas trop tôt ! Allez, dépêche, on nous regarde !

Quelques élèves assis sur la pelouse ont en effet braqué leur attention sur nous.

— Mes amis sont impatients de faire ta connaissance. Tu vas voir, tu vas te plaire ici, dit-elle.

Mia ne marche pas, elle court, sautille même jusqu'aux portes d'entrée. Une fois celles-ci ouvertes, un brouhaha accablant nous saisit. Les couloirs sont gorgés d'élèves qui crient, se chahutent, rient. En soi, cela ne me change pas vraiment de New York. La différence, c'est qu'ici je ne connais personne.

— Viens par ici.

Mia me saisit le bras et nous conduit jusqu'à un petit groupe d'élèves rassemblés devant les casiers. Elle gratifie tout le monde de son plus beau sourire et dévoile une rangée de dents blanches parfaitement alignées. Puis elle libère mon bras, se précipite dans ceux d'un blondinet de petite taille aux épaules carrées qu'elle salue chaleureusement d'un langoureux baiser.

— Les gars, voici Sara, ma nouvelle voisine, me présente-t-elle.

— Salut, répond le blondinet.

— Sara, lui, c'est Jack mon petit-ami, pas touche, il est à moi (tout le monde rit). Là c'est Mike, Naomi et Simon.

À la manière dont Mike, un petit brun trapu et Naomi, blonde à forte poitrine sont enlacés, je dirais que ces deux-là sortent ensemble. Les deux me sourient. Mike me tend une poignée de main ferme alors que Naomi m'embrasse. Le dernier, nommé Simon reste stoïque, nonchalant, les mains dans les poches. J'ai presque la sensation qu'il me foudroie du regard et je commence à me demander ce qui cloche chez moi. Il est pas mal à regarder : grand, brun, les yeux bleus, une coupe en brosse. Je ne peux m'empêcher de relever que son tee-shirt est en partie rentré dans son jean. Il est adossé nonchalamment contre les casiers. Je lui tends la main, mais il ne réagit pas. Une fille brune, élégante, avec une minijupe scandaleusement courte déboule de nulle part et le voilà qui tourne les talons sans demander son reste. Étrange.

— OK, il n'a pas l'air de m'apprécier, je souligne mal à l'aise.

— Ne fais pas attention à lui. Simon est lunatique, voire parfois on peut penser qu'il est bipolaire, plaisante Naomi.

Mike et Jack lui font les gros yeux.

— Quoi ? C'est vrai, on ne peut pas dire qu'il soit souvent de bonne humeur... se défend-elle.

— Tu m'as promis de m'aider à réviser avant les cours, intervient Mike à l'attention de sa petite amie. Sara, ce fut un plaisir. On se voit probablement toute à l'heure, à la pause déjeuner.

Il empoigne la main de Naomi et ils mettent les voiles.

— Je vous laisse, j'ai des trucs à faire, s'esquive également Jack.

Je fronce les sourcils et Mia éclate de rire.

— C'était un peu étrange ?

— Tu l'as dit ! Ils ne sont pas doués pour faire la conversation. Ça viendra, tu les intimides.

Maintenant, j'angoisse.

— Je suis si effrayante que ça ?

— Pas du tout, tu es sublime. Ne t'angoisse pas pour ça. Ça les met mal à l'aise, voilà tout !

— En tout cas, il y en a un qui n'a pas eu l'air d'être intimidé. Je n'ai jamais vu quelqu'un fuir aussi vite.

— De qui tu parles ?

— Du gars, là, Simon. J'ai eu l'impression d'avoir la peste.

— Ignore-le. Simon n'est pas le genre de gars sur qui tu devrais jeter ton dévolu. Crois-moi, ne perd pas ton temps avec lui. Il est comme ça avec tout le monde.

— Ce qui veut dire ?

— Ce qui veut dire qu'il n'est pas à ce dont tu as besoin, ma belle.

Je hausse un sourcil.

— Et j'ai besoin de ... ?

— D'un gars gentil, attentionné, qui ne jurera que par toi et qui saura te décrocher la lune s'il le faut.

— Et Simon n'est pas ce genre de garçon?

— Non.

— Donc j'en déduis que tu ne l'apprécies pas.

— Détrompe-toi, je l'aime beaucoup. Tout le monde l'apprécie, c'est juste que... s'interrompt-elle.

— Juste que ...?

— Ne cherche pas à comprendre. Simon, ce n'est pas un garçon comme les autres. Il a des problèmes, et tu n'as pas envie d'y prendre part. Un conseil : garde tes distances !

— Quels genres de problème exactement ?

La sonnerie retentit.

— J'ai anglais, toi math si ma mémoire est bonne ! Dépêche-toi ! Les profs ont horreur qu'on arrive en retard. On se retrouve à l'heure du déjeuner !

Mia file comme l'éclair me laissant seule avec mes interrogations. Je me demande bien d'ailleurs pourquoi je me pose autant de questions au sujet d'un type dont je viens juste de faire la connaissance et qui plus est me snobe ouvertement. Je suis une fille raisonnable, je devrais m'en tenir aux avertissements de Mia.

J'élude la question et m'empresse de sortir mon emploi du temps de mon sac à dos. Je ne me souviens plus du numéro de ma salle de cours et le couloir est pratiquement désert. Lorsque je retrouve l'information, je fonce en direction de mon cours de math. Je ne vois pas l'heure passer en partie parce que je suis vraisemblablement l'attraction du jour. Je n'ai d'autre choix que de supporter le fait que les projecteurs sont braqués sur moi jusqu'à ce que tout le monde se lasse de la petite New-Yorkaise égarée en terre californienne. Ce n'est qu'une question de jour. D'ici quelques semaines, je suis certaine que je ne me sentirais plus comme une étrangère. Je vais finir par m'habituer. De toute manière, je n'ai pas vraiment le choix.


Et voilà c'est tout pour le moment :p

Ne m'oublie pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant