L'assassinat de l'archiduc d'Autriche

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28 juin, 1914

Je ne remercierai jamais assez mes parents de m'avoir appelé Michaël et non Claude, car selon la tradition, comme je suis né le jour de la Saint-Claude, on aurait dû m'appeler ainsi. Ce n'est pas que je déteste ce prénom mais voyez-vous, à l'école, un de mes camarades se moque de mon silence. Et bien évidemment, il s'appelle Claude.

Ses railleries me blessent, même si je devrais avoir l'habitude avec le temps. De nombreux petits garçons se sont déjà moqué de moi, mais cette fois-ci, c'est différent. Claude est un petit garçon gâté par ses parents. La bande de Claude, fascinée, a trop peur de le contredire, car Claude est manipulateur et, il faut le dire, très robuste pour un enfant de son âge. Ses amis de manquent pas de me faire remarquer que je suis différent. Ils sont très fiers quand, après m'avoir donné des coups, Claude les félicite. Ils ne sont pas plus intelligents que lui !

C'est pour cela que je me refuge tout seul, dans ma tête, dans mon imagination. Maman me regarde toujours d'un air désolé. Je comprends sa perplexité, car avoir un fils muet doit être accablant. Selon elle, je ne parle pas car je suis feignant. Elle me dit toujours que d'habitude, quand on est muet, c'est tout d'abord parce qu'on est sourd. Or, je ne suis pas sourd.

Un jour, elle m'a confié qu'avant, quand j'étais plus petit, je savais parler. J'ai perdu la parole le jour de la disparition de mon père, il y a maintenant deux ans. Il était marin et on l'avait embauché comme membre de l'équipage du Titanic, en Angleterre dans la ville de Southampton. Dans ses lettres, il avait l'air tout excité d'embarquer pour l'Amérique, dans le plus grand bateau de l'univers ! Il me faisais rêver et le soir, dans mon lit, je me souviens de m'avoir imaginé plusieurs fois en jeune homme, tout juste sorti de l'école de marine, ma mère pleure de joie et m'embrasse, tandis que mon père se tient le buste droit, comme toujours et me regarde fièrement. Mais ces rêves devinrent vite des cauchemars, quand ma mère appris la mort de mon père dans le naufrage du Titanic, lors de la nuit du 14 au 15 avril 1912 dans l'océan Atlantique.

Depuis cette nuit, je suis muet. Pourtant, j'ai déjà essayé de faire des efforts, mais le résultat reste sans succès. Les grandes personnes restent surprises, quand je ne les remercie pas ; les enfants ne m'adressent plus la parole, quand je ne réponds pas à leurs saluts et les chiens continuent à me mordre malgré mes veines tentatives de défense.

Aujourd'hui dans Le Petit Journal, un article disait qu'à Sarajevo, un certain archiduc d'Autriche, nommé François-Ferdinand de Habsbourg a été assassiné par un nationaliste serbe : Gavrilo Princip. Je me suis demandé ce que voulait dire « nationaliste » et les raisons que pouvait avoir Gavrilo Princip de tuer François-Ferdinand de Habsbourg. Je suis donc allé faire des recherches. Il se trouve que selon le Grand Robert de la langue française, nationaliste veut dire « partisan d'un mouvement politique qui revendique pour une nationalité le droit de former une nation ». Puis, j'ai décidé de relire plus attentivement le Petit Journal.

« L'archiduc aurait à son couronnement donné aux populations slaves de son Empire les mêmes droits que ceux des populations allemandes, ainsi qu'une grande autonomie allant peut être jusqu'au trialisme. Ce système politique qui est issu de la philosophie de Schelling contrariait non seulement les ministères hongrois de Budapest, mais surtout certains milieux politiques et militaires de Belgrade. Ceux-là voulaient réunir sous la protection de la Serbie, les Slaves du Sud au détriment de l'Empire austro-hongrois comme l'avait fait le royaume de Sardaigne pour les populations italiennes. Enragé et peut-être sous la direction de « La Main noire » (organisation secrète ayant des ramifications dans l'armée serbe), le terroriste Gavrilo Princip assassine l'archiduc François-Ferdinand de Habsbourg, ce 28 juin 1914. »

Je tenais les réponses à mes questions. J'avais trouvé les explications moi-même ! Je n'eus pas besoin de demander à quelqu'un. Que c'était amusant de faire des recherches ! Je m'imaginais maintenant toutes les recherches, que je pouvais faire ! Je décidai alors d'en faire mon hobby.


Les Histoires d'un enfant ou Les Paroles d'un muetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant