J'attends

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      6 juillet, 1914

     Ce matin, comme tous les lundis je suis allé à l'école. Cependant, ce n'est pas l'envie d'apprendre qui m'a donné envie d'y aller cette fois si, mais que j'allais enfin donner ma lettre destinée à Yvette !

     Toute la matinée j'ai attendu le récrée pour m'approcher discrètement de mon professeur. Je ne suis pas très fière de ne l'avoir pas du tout écouté pendant le cours. Mais de toute manière, je rattraperai vite et puis ce n'est pas tous les jours que je communique avec une personne en dehors de ma famille ! Mathilde, elle, a beaucoup d'amis. C'est tout à fait compréhensible car elle est souriante, gentille, aimable, charmante et surtout, elle n'est pas muette. Même si elle n'a appris à parler que ressemant, elle peut vous raconter des tas de choses pendant au moins une heure ! Enfaite, je me demande si ce n'est pas parce que c'est une fille, car celles-ci ont toujours été des pipelettes ! Croyez-moi sur parole, j'ai eu le temps d'en observer dans la rue! Elles sont toujours par petits groupes et font toujours plus de bruits qu'un troupeau de moutons !

     Revenons à moi. J'attendais donc la recrée avec impatience. Quand la cloche retentit dans le bâtiment, je ne me suis pas précipité à l'extérieur pour aller jouer, mais j'ai rangé soigneusement mes affaires dans mon cartable et j'ai attendu que tout le monde sorte de la classe, pour enfin m'approcher à M. de Ferrons.

      C'était un professeur très intéressant. Vous allez me dire « Alors pourquoi ne l'a tu pas écouté pendant son cours ? ». Je le reconnais, ce n'étais pas bien de ma part, mais pour comprendre tout ce que M. de Ferrons vous raconte, il faut suivre depuis le début. D'abord parce qu'il raconte son cours très précipitamment, mais aussi parce qu'il change souvent de sujets, sans aucune raisons. Puis il revient à celui d'avant, puis il change... Et comme ça tout le cours ! De plus, dans mon cas, je ne peux pas lever la main pour lui poser une question ! Heureusement, M. de Ferrons est au courant de ma maladie. Sinon, il croirait que je suis qu'un imbécile et que je fais le clown dans sa classe.

     Maman, le jour de mon inscription dans cette école, a avertis les professeurs et le directeur à propos de mon silence continu. On lui a répondu que ça n'était pas un problème et que on ne m'interrogera pas à l'oral, mais seulement à l'écrit. Je suis évidemment très reconnaissant à cet établissement de m'avoir accueilli ainsi. Je suis leur premier cas comme ça, « handicapé », comme m'appelle Claude.

     Quand je m'approchai de M. de Ferrons, celui-ci fut très surpris en me voyant :

     « Bonjour M. Lepoitier ! Comment allez-vous ? J'ai vu que ce matin, vous étiez distrait lors de mon cours. Quelque chose ne va pas ? »

     Je lui répondis en lui montrant ma lettre, ainsi que l'inscription qu'elle portait : « Pour Mlle de Ferrons ».

     « Ah..., me répondit-t-il, et bien mon garçon, je vous suggère d'aller l'apporter par vous-même. J'habite 10 rue des Jonquilles. Vous verrez, ma maison est la seule qui est entourée de colonnes blanche, comme à Rome. Yvette doit être à l'école. Elle ne sera de retour qu'à trois heures. Posez votre lettre dans notre boîte à lettres après vos cours. A quelle heure terminez-vous? »

     J'indiquai deux sur mes doigts et après quelques « Et bien parfait ! » et des « Merci à vous, à demain»,  je retournai en cours, car la cloche avait déjà sonné et tous les élèves occupaient déjà leurs place dans la classe, quand je me détournai de M. de Ferrons.

     Les cours qui suivirent étaient sur Napoléon Ier et sur les fleurs. Je m'y intéressais vraiment, car l'Histoire était ma matière préférée. Elle me permettait d'en savoir plus pour mes recherches et notre professeur nous l'enseignait en la racontant comme une histoire du soir, quand on est bien allongé dans son lit. Ce n'était pas la même chose pour le cours des fleurs. Même si je suis très respectueux envers la nature, elle ne me passionne pas plus qu'une limace !

     Enfin les cours terminés, je couru en direction de la rue des Jonquilles. Cette rue, je l'a connaissait bien, car je devais de toute façon passer par là pour rentrer chez moi. Elle était longue et large. Les maisons qui l'entouraient étaient gigantesques et magnifiques. En même temps, cette rue était la plus riche de notre banlieue !

     Ah ! Voilà une belle maison, entourée de colonnes blanches autour desquelles s'enroulent des Belles de Nuit ! Ah ! Si seulement Maman habitait dans une maison pareille ! Elle n'aurait plus besoin de travailler jours et nuits dans une usine ! Quand je disais que dans cette rue il n'y avait que des maisons de riches !

     Je remarquai un petit écriteau sur le portail de cette maison : « Maison de la famille de Ferons ». C'était la maison d'Yvette. Voilà à qui appartenait cette jolie demeure ! ! Cela ne m'étonnait pas que M. de Ferrons possède une telle maison ! En premier, ses ancêtres devaient être très riches, car selon mes cours d'histoire, les personnes qui s'appelaient « M. de... » Étaient des comtes autrefois. Et puis mon professeur s'habillait de manière très chic !

     Je glissai délicatement la lettre dans la boîte qui servait à les contenir. Quand soudain, une main m'attrapa l'épaule...

Les Histoires d'un enfant ou Les Paroles d'un muetOù les histoires vivent. Découvrez maintenant