C’est le moment que choisit son téléphone pour émettre un bip, signe de batterie faible.
Un bip. Un seul. Un unique son sinistre qui déchira les oreilles de Lori aussi sûrement qu’une craie crissant sur un tableau noir.
Elle se statufia. La peur resserra brutalement son étreinte, mena sa poitrine au bord de l’explosion et tordit son estomac de sa une main invisible, tandis qu’une supplique désespérée colonisait sa tête, chassant tout autre pensée cohérente.
Mon dieu, faites qu’ils n’aient rien entendu, faites qu’ils n’aient rien entendu…
Ses prières restèrent vaines.
En une seconde, un bras l’agrippa violemment. Elle sentit la chaleur de chaque doigt s’imprimer dans sa chair comme si elle était marquée au fer rouge. Elle subit la force de l’homme qui l’extirpa sans ménagement de sa cachette, et la projeta debout sur ses jambes tremblantes.
Et elle se retrouva en train de vaciller tel un poulain qui vient de naître, face à deux hommes qu’elle n’osa pas regarder.
Le troisième se plaça derrière elle, et lui serra si fort la nuque qu’elle crut entendre ses vertèbres craquer.
Brusquement, sans prévenir, il la secoua aussi facilement qu’une poupée de chiffon, et la douleur se répandit dans tous ses membres comme si sa tête allait se détacher de son corps.
Par réflexe, elle tenta de saisir les mains qui l’enserraient dans un étau de douleur. Elle essaya désespérément de trouver une prise et griffa rageusement la peau rugueuse. L’homme ne bougea pas plus que s’il avait été piqué par un moustique inoffensif.
— Putain ! Qui est cette salope ? Je t’avais dit de vérifier que tous les employés étaient dans le hall, gronda l’homme en direction du grand blond qui se tenait face à lui.
La respiration courte et erratique, Lori jeta un coup d’œil à la dérobée à l’homme qui la tenait toujours. Il était plus petit que les deux autres, mais aussi plus massif. Ses cheveux bruns lui recouvraient en partie le visage mais ne parvenaient pas à dissimuler complètement la longue cicatrice qui barrait sa joue droite.
L’homme blond face à elle lui jeta un regard ennuyé. Ses yeux bleu acier passèrent sur Lori comme s’il regardait un nuisible méprisable.
Un rictus déforma ses traits lorsqu’il fixa enfin le visage de Lori.
— Faut croire qu’elle s’était bien planquée.
Une pointe d’accent slave. Russe peut-être.
La panique faisait maintenant partie de Lori aussi sûrement que si elle était née avec. Avait-elle jamais connu un autre état que celui dans lequel elle se trouvait à cet instant ? Avait-elle vécu d’autres moments durant lesquels son cœur ne battait pas à un nombre incalculable de pulsations par minute, durant lesquels sa respiration n’allait pas si vite que l’oxygène peinait à atteindre ses poumons, durant lesquels son esprit n’était pas à la fois totalement vide et complètement empli d’une terreur pure ?
Le troisième homme toussota discrètement, comme s’il interrompait une querelle d’amoureux.
— Euh, y’a deux problèmes…
Le blond se tourna brusquement vers lui, son agacement maintenant nettement perceptible.
— D’abord, elle a un téléphone, asséna le troisième homme, ce qui veut dire qu’elle était sans doute en communication avec la police. Et elle a vu nos visages.
Un silence de plomb retomba sur la pièce avec ces derniers mots et même si Lori ne l’aurait jamais cru possible, sa peur grandit encore, jusqu’à atteindre des proportions incommensurables.
Elle était de nouveau au centre de l’attention. Son cerveau se remit brusquement en branle et une succession de pensées toutes aussi effrayantes les unes que les autres défilèrent à une vitesse folle dans sa tête tandis que les trois hommes la scrutaient intensément.
Désespérément, elle scruta leurs visages, hésitant entre ouvrir la bouche pour les supplier ou se taire pour ne pas aggraver la situation.
Avant qu’elle n’ait pu prendre une décision, le dernier homme à avoir pris la parole lui adressa un petit sourire, comme s’il était désolé pour elle.
Un instant, l’espoir ressurgit, apportant une étincelle de lumière au fond de l’âme glacée de terreur de Lori.
Il n’avait pas la même carrure que ses complices. Il n’avait pas l’air d’être une grosse brute, lui. Il était plus maigre, moins musclé, et il regardait Lori en plissant les yeux, le regard concentré.
Elle devina qu’il devait habituellement porter des lunettes. L’intellectuel du groupe, sans aucun doute. C’était l’homme qui avait trouvé ce qu’ils étaient venus chercher.
Lori se sentit presque soulagée par sa présence. Étrangement, elle pensa que lui pourrait arranger la situation.
Car la situation allait s’arranger, non ? Et au moins, il s’était montré quasiment amical. Il avait l’air plus réfléchi, plus posé. Il empêcherait sans doute les deux autres de faire une bêtise, non ?
L’homme qui maîtrisait Lori lui arracha brusquement le téléphone qu’elle tenait toujours, mettant fin à l’espoir qui renaissait en elle.
Il jeta un coup d’œil à l’écran.
— 911, lut-il. C’est bien la police.
Lori entendit la voix étouffée de l’opératrice et son cœur manqua un battement. Elle ne pouvait plus rien pour elle maintenant.
— Allô, allô, écoutez-moi, ne faites rien de stupide, ne…
Sous les yeux effarés de Lori, le téléphone atterrit par terre avec fracas avant d’être écrasé par le pied du grand blond.
De nouveau, Lori chercha le regard de l’homme qui lui avait souri quelques instants plus tôt.
Celui qui allait arranger la situation, celui qui allait convaincre les autres de la laisser partir, celui qui lui avait témoigné un geste de sympathie, celui qui lui avait adressé un sourire, celui qui…
Il ne souriait plus. Plus du tout. Et une arme s’était matérialisée dans sa main droite.
Lori comprit en une fraction de seconde que tout était terminé. Que rien ne pourrait arrêter ce qui allait se passer. Qu’aucun chevalier n’allait surgir pour l’enlever sur son cheval blanc et la soustraire à son sort.
Ce serait fini dans un instant.
Pourtant, le temps s’étira et transforma cette dernière seconde en un moment à la fois douloureusement interminable et redoutablement éphémère.
Comme au ralenti, Lori vit l’homme lever son arme vers elle.
Et il tira.
La douleur explosa dans le crâne de Lori, puis ce fut le trou noir.
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L' Organisation - Piégée ( Contrat d'édition HACHETTE BMR)
Mystery / ThrillerElle est blessée, seule. Il est fort et promet de la protéger. Mais qui est-il vraiment ? **** Laissée pour morte lors du braquage de la banque dans laquelle elle travaille, Lori s'en sort miraculeusement. A l'hôpital, elle découvre à son chevet un...