Tout n’était que douleur. Une douleur lancinante, intense, omniprésente.
Une douleur qui constituait l’essence de son être, qui contaminait chacune de ses cellules, qui brouillait toutes les connexions de son cerveau désorienté.
Lori n’avait jamais eu aussi mal de sa vie. En fait, avant cela, pour elle, une telle sensation n’était pas imaginable.
Même dans les pires moments de sa vie, elle n’avait jamais autant souffert. Même dans ses cauchemars les plus noirs, elle n’avait jamais ressenti le début de ce qu’elle subissait aujourd’hui.
Heureusement, dès que la douleur franchissait un nouveau seuil et devenait intolérable, Lori finissait par replonger dans les ténèbres et l’oubli. Son corps maltraité lui accordait au moins ce répit nécessaire à sa survie.
Et à chaque fois qu’elle reprenait conscience, ramenée de force à la surface par la souffrance, il y avait cet homme à son chevet.
La première fois qu’elle avait ouvert les yeux, elle était si affaiblie qu’elle n’avait même pas compris où elle se trouvait. Le blanc éclatant des murs qui la cernaient lui brûlait la rétine et les puissantes odeurs de désinfectant lui avaient immédiatement donné la nausée.
Mais lorsque la douleur insupportable avait recommencé à irradier dans sa tête, entraînant ses gémissements, il avait posé une main apaisante sur son front en lui murmurant des mots indistincts. Et l’effet avait été immédiat. Elle avait replongé dans l’oubli artificiel des analgésiques avec le cœur curieusement allégé.
Les fois suivantes, elle avait su qu’elle se trouvait à l’hôpital. Dans son brouillard de souffrance et de confusion, elle avait vu les visages défiler : médecins, infirmières, aides-soignants. Puis à nouveau d’autres médecins, et ainsi de suite. Des visages, des mains qui la touchaient, la manipulaient, la lavaient, lui apportaient tantôt des douleurs supplémentaires, tantôt un soulagement éphémère.
Mais lui, il était différent. Il était toujours là, présent, rassurant, seul élément intangible dans le monde chaotique de Lori.
Perdue dans un kaléidoscope géant, elle n’arrivait pas à maintenir son attention suffisamment longtemps pour distinguer clairement ses traits. Pourtant, elle le reconnaissait sans peine dès qu’il était là. Presque sans avoir besoin de soulever ses paupières si lourdes.
Elle put enfin l’observer, le jour où elle se réveilla et le trouva assoupi dans un fauteuil près de son lit. Une barbe de trois jours assombrissait les lignes de sa mâchoire. Quelques mèches rebelles de cheveux châtains lui tombaient sur le front. Il était grand et massif car il tenait à peine dans le fauteuil dans lequel il avait trouvé place.
Même endormi, sa puissance et son assurance parvenaient par vagues jusqu’à Lori.
Même endormi, il se dégageait de sa personne une aura de force… et de danger.
Pourtant, Lori n’éprouva aucune crainte. Elle n’avait pas peur de lui. Et en fait, la seule question qui lui vint à l’esprit était : de quelle couleur sont ses yeux ?
Comme s’il l’avait entendue, c’est le moment que choisit l’homme pour ouvrir lentement les yeux et la fixer intensément, sans détour.
Verts. Ils étaient verts.
Une douce chaleur enveloppa le corps de Lori alors qu’elle verrouillait son regard au sien. L’espace d’un instant, elle oublia la douleur, la chambre d’hôpital et le malaise qu’elle ressentait. Il n’y avait plus que lui et son regard qui l’enveloppait, la couvait… qui la protégeait.
Et le charme ne fut pas rompu lorsque son ange gardien prit la parole.
— Lori, comment vous sentez-vous ? Je m’appelle Ryan Williams et je suis là pour vous aider, lui dit-il d’une voix chaude.
Lori ne le quittait pas des yeux. Elle ouvrit la bouche pour parler, puis fronça les sourcils.
— J’ai mal, croassa-t-elle.
Et elle sombra à nouveau dans l’inconscience.
Ryan poussa un soupir de frustration en voyant la jeune femme replonger dans le néant et passa une main rageuse dans ses cheveux.
Depuis dix jours qu’il se trouvait à son chevet, c’était la première fois qu’elle restait consciente suffisamment longtemps pour qu’il puisse lui parler et qu’elle lui réponde… Si on pouvait appeler ça une réponse.
Et merde !
Le regard qu’elle portait sur lui alors qu’il dormait et qu’il avait surpris lorsqu’il s’était réveillé l’avait atteint. Ces grands yeux noisette qui le dévisageaient et les émotions qu’il y avait lues. Peur, angoisse, douleur.
Il se leva et s’étira comme un fauve, déroulant tous ses muscles endoloris les uns après les autres, méthodiquement.
Bon sang !
Le manque de sommeil le rendait faible. Il n’allait jamais pouvoir mener sa mission à bien s’il faisait preuve de tant de sentimentalisme.
Il avait un boulot à faire et il allait le faire comme à son habitude. Sans état d’âme. Jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il était venu chercher.
Pourtant, malgré cette résolution, il ne put s’empêcher d’observer à nouveau la jeune femme allongée inconsciente dans son lit d’hôpital. Un large bandage enserrait sa tête et la faisait paraître encore plus pâle. Il voyait presque les veines courir sous sa peau diaphane et des cernes sombres creusaient son visage.
Elle paraissait minuscule et fragile, des tubes enfoncés dans ses bras et entourée d’appareils qui émettaient des bips inquiétants.
L’instinct protecteur de Ryan se réveilla et commença à tourner comme un lion en cage. Il l’étouffa immédiatement. Il avait un job à faire et il avait appris à ses dépens que l’on ne mêlait pas sentiments et travail.
Sans compter qu’il n’osait imaginer la réaction de Lori lorsqu’elle finirait par apprendre qui il était vraiment.
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L' Organisation - Piégée ( Contrat d'édition HACHETTE BMR)
Mystery / ThrillerElle est blessée, seule. Il est fort et promet de la protéger. Mais qui est-il vraiment ? **** Laissée pour morte lors du braquage de la banque dans laquelle elle travaille, Lori s'en sort miraculeusement. A l'hôpital, elle découvre à son chevet un...