« Personne n'a envie de mourir.
Tout le monde veut vivre.
Seulement, à certaines périodes
de votre vie, ça devient juste impossible. »
Je suis resté l'après midi entière dans la chambre, allongé sur le lit, à récupérer mes heures de sommeil. Etrangement, aucune insomnie n'est venu me réveiller, et le bruit de la mer, loin d'être incommodant, ressemblait à une berceuse. J'ai rouvert les yeux vers vingt heures trente, d'abord désorienté, puis à nouveau regonflé d'énergie en me rappelant où je me trouvais. Je me suis levé, et après avoir enfilé un t-shirt propre et un jean noir, je suis descendu dans le hall. Il n'y avait absolument personne, et j'ai passé la porte battante. Dehors, il faisait déjà nuit noire, et seuls les lampadaires installés par la ville garantissaient de ne pas se prendre les pieds dans le trottoir. J'ai marché ainsi jusqu'à la grève, frissonnant à cause des rafales de vent, mais ne voulant pas renoncer à ma première promenade nocturne. On ne distinguait presque pas la mer, dans le noir, elle n'était qu'une tâche mouvante et sombre, monstre gémissant comme un cauchemar, et j'ai soudain eu envie d'être rempli de son chant jusqu'à l'écoeurement, de devenir à mon tour une tâche d'encre, un bout de rien dévoré par le vent et meurtri par les roches, mais tellement libre, tellement sauvage.
La mer est comme ça. Elle s'abstient de tout langage, ne fait que gémir un chant inconnu et toujours différent. Elle lèche le bord du monde, y dépose seulement son écume blanche, et jamais, jamais ne se laissera dompter. Elle est un rêve à elle toute seule, si grande, si étendue, promesse de voyage, de solitude, d'aventure.
Je me suis assis sur la plage, au milieu du sable humide, et j'ai écouté le monde tourner autour de moi. Les étoiles dans le ciel apparaissaient de temps à autre derrière les nuages et les formes ciselées des falaises se découpaient alors nettement. J'en observais le dessin décharné, qui semblait avoir été taillé par un fou, et j'essayais d'imaginer une planète recouverte d'eau et de roches, dénué d'humanité et étant simplement habité par le bruit du silence et des vagues. L'exercice s'avérait très reposant.
Je suis rentré au petit matin à l'hôtel, poursuivi par le soleil levant, qui teintait de rose les rues endormies du village. Un rose beaucoup plus doux et frais que celui des néons du magasin de sous vêtements face au fast-food. J'étais heureux.
*
Pendant quatre jours je n'ai pas cherché à voir autre chose que la mer. J'avais pris l'habitude de me lever à huit heures pour le petit déjeuner, avant de descendre sur la plage, un carnet à la main. A cette heure matinale, je ne croisais personne d'autre que les quelques pêcheurs du village, qui ne m'adressaient pas la parole, ce qui me convenait parfaitement. J'avais découvert, en marchant un peu, une sorte de crique sous la falaise, et j'aimais m'y installer pour observer les vagues se déchaîner contre les roches. Je pouvais y rester des heures, dans ce lieu où seuls le vent et l'embrun marin déferlaient. Mon refuge était devenu ce petit bout de sable entre trois énormes rochers, mon confident était le vent qui ne s'arrête pourtant jamais de hurler. J'avais ainsi mon morceau d'univers, loin de tout, loin de ce monde qui s'égare, de ces existences qui s'essoufflent et de tout ces regards qui s'éteignent dans la panique générale. Une fois assis sur le sable, je ne pensais à rien. Je laissais le cri du vent et celui des vagues engourdir mon esprit. Je m'allongeais et fixait le ciel gris acier, et au fond de moi je me demandais pourquoi j'avais attendu si longtemps pour tout plaquer. Le courage qui manquait ? Je n'y croyais pas. Mon acte me semblait au contraire très lâche. Il avait l'allure d'une fuite. Peut être l'envie alors ? Si je n'avais jamais été prêt à partir, les yeux de Cléa m'y avait décidé, m'insufflant une force suffisante pour attraper mes affaires et abandonner mon appartement. Etrange de se dire que la seule chose que j'avais faite pour " ma liberté " n'avait tenu ainsi qu'au regard d'une inconnue.
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Vertiges - Larry Stylinson
FanfictionHarry s'enlise dans une vie qu'il n'a pas choisi. Il voit ses rêves couler entre ses doigts, incapable de les rattraper. Un soir, le regard d'une inconnue le fera réagir, et il s'enfuira au bord de la mer, là où personne ne pourra le retrouver. Lent...