Chapitre 4

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En arrivant à l'appartement des Lemonade Lords le lendemain matin, j'avais une tonne de journaux à la main. Récupérés juste devant chez eux, ils montraient le scandale sur Jeremy que j'avais moi-même provoqué, à mon grand désarroi. Mon père, furieux après mes deux gaffes de la veille, m'avait encore assigné un boulot, et je sentais que cela n'allait pas s'arrêter de sitôt. Cuisinière. Vraiment, il n'avait rien trouvé de mieux que de me mettre dans une pièce avec de quoi égorger quelqu'un et brûler l'appartement ? D'autant que la seule chose que je savais cuisiner, c'était du pain perdu. Pas génial comme repas pour cinq garçons affamés en milieu de journée. Prévenant, mon géniteur m'avait laissé un livret de recettes, sauf que je n'y comprenait rien. J'avais décidé d'arriver tôt, soit vers sept heures, donc personne n'était réveillé, mais je ne comprenait rien au fonctionnement de la balance, ni à celui du four, et encore moins à celui de la cuisinière. Je commençais à me lamenter lorsque j'entendis des bruits de pas, ceux de Gabriel qui entrait dans la cuisine. Il se servit un verre de lait et s'assit à la table.


- Alors, c'est quoi aujourd'hui ? me demanda-t-il.


Je soupirait longuement, désignant la cuisine d'un mouvement ample du bras.


- Cuisinière.


Il se mit à rire aux éclats. Je ne pouvais pas lui en vouloir, après toutes les catastrophes que j'avais causées, c'était normal de trouver ça drôle que je me retrouve dans une cuisine. Cessant son hilarité, il reporta de nouveau son regard sur moi.


- Crystapocalypse, dans une cuisine, hein ? Je crois que je vais pas rester dans cet appartement aujourd'hui moi, j'voudrais pas prendre le risque de brûler vif si tu fout le feu.


- Pfuh, c'est méchant.


Il semblait de bonne humeur, donc ça ne me vexa pas tant que ça, mais tout de même. Crystapocalypse, quel surnom stupide ! Sans répondre, il saisit l'un des nombreux magazines que j'avais posés sur la table, montrant le superbe caleçon de Jeremy sous tout les angles possibles et imaginables. En couverture, qui plus est. Je vins m'asseoir en face de lui.


- Je sais que Jeremy va me crier dessus mais j'suis vraiment désolée et j'ai pas fait exprès.


- T'inquiète, Jeremy te criera pas dessus. Disons qu'il a été un peu... Surpris sur le moment, mais il t'en veut pas. On sait tous que t'es pas méchante.


Cette pensée me rassura un peu. Je m'inquiétais assez de savoir ce qu'ils pensaient tous de moi, la catastrophe ambulante... Crystapocalypse. Et je ne voulais surtout pas que Jeremy m'en veuille, après tout il voulait seulement m'aider à me relever lorsque j'ai baissé son pantalon, et c'était gentil de sa part. Ayant fini son bol de lait, il se leva et alla le mettre dans le lave-vaisselle.


- Fait pas à manger pour moi aujourd'hui, dit-il. J'suis pas là, je serait sur le tournage d'une émission.


- D'accord, bonne chance.


Il m'adressa un léger signe de la main et sortit. Le deuxième à se lever fut Sebastian, suivi de près par Dimitri. Tous deux s'assirent également à la table de la cuisine et me saluèrent.


- Qu'est ce que tu comptes cuisiner ? me demanda Dimitri, curieux.


- Je sais pas du tout, répondis-je en feuilletant le livret donné par mon père. Je n'ai jamais cuisiné de ma vie.


- Si tu le souhaites, je peux t'aider à cuisiner, proposa gentillement Sebastian. J'adore ça et quand on ne mange pas dehors, c'est en général moi qui prépare le repas.


Cette proposition me fit comme l'effet d'un miracle qui viendrait me sauver d'un désastre en cuisine. Je faillis lui sauter dessus tant j'étais soulagée.


- Oh oui ! Merci merci merci, c'est vraiment sympathique.


Deux heures plus tard, nous nous étions attelés à la tâche, sous l'oeil méfiant de Jeremy et sous celui observateur de Dimitri. Tsukasa, quant à lui, était parti à une répétition de danse, nous indiquant qu'il ne reviendrait pas non plus pour manger. Je les soupçonnait très fort, Gabriel et lui, d'éviter intentionnellement le repas que j'allais préparer. Sebastian m'avait conseillé de commencer par quelque chose de simple pour éviter de provoquer une Crystatastrophe, comme les Lemonade Lords aimaient bien appeller mes gaffes. Tout allait bien, jusqu'au moment où l'eau se mit à bouillir. La casserole à la main, je me retournais pour demander de l'aide, mais, sans que je m'en aperçoive, Sebastian était derrière moi. Et ce qui devait arriver arriva, il se retrouva à l'hopîtal, ébouillanté. Assise dans la salle d'attente entre Jeremy et Dimitri, dissimulés sous des bonnets et des lunettes de soleil, je ne cessais de me morfondre. Encore une fois, je m'en voulais vraiment, d'autant que Sebastian voulait juste m'aider, et était vraiment gentil et compréhensif avec moi. Dans l'ambulance, il avait dit qu'il ne m'en voulait pas, mais je ne pouvais cesser de culpabiliser. Les médecins ayant indiqué qu'ils souhaitaient le garder en observation, nous rentrâmes juste tous les trois, dans le silence.


Nous trouvâmes Gabriel et Tsukasa à l'appartement, déjà rentrés de leurs activités. Tsukasa vint me réconforter, m'accordant un air compatissant.


- Le côté positif, c'est qu'au moins t'as pas mis le feu à la cuisine...


Je savait que c'était censé me rassurer, mais cela n'eut pas l'effet escompté. En plus, au final, personne n'avait mangé et j'avais envoyé quelqu'un à l'hopital. Ne voyant rien d'autre à faire, je m'assis sur le canapé. Je déprimais tranquillement quand Gabriel vint m'adresser la parole.


- Tu sais vraiment rien cuisiner ?


- Non, dis-je en secouant la tête. Enfin si. Du pain perdu, mais c'est inutile.


Il m'attrapa par le bras, me faisant me lever, puis il me poussa vers la cuisine.


- Alors vas-y, au lieu de déprimer. Tu seras certainement virée ce soir, mais fait au moins quelque chose de correct dans un seul de tes petits boulots, par pitié.


Et il ferma la porte, me laissant seule dans la cuisine. Au final, il avait raison. C'était rare que je sache faire quelque chose, alors autant en profiter. Je saisis tous les ingrédients et les organisait du mieux que je pouvais. Si bien que quelques minutes après, je pus servir du pain perdu à tout le monde, et j'en gardais même quelques uns pour Sebastian quand il reviendrait. Lorsqu'il eu avalé la première bouchée, Jeremy eut l'air absolument surpris.


- Hey mais... C'est bon ? lança-t-il.


Je le pris comme un compliment, que confirmèrent tous les autres. J'étais sur un petit nuage de bonheur d'avoir enfin une réussite après tous ces échecs. Certes, j'allais certainement changer de boulot le lendemain, mais autant vivre l'instant présent où j'étais cuisinière.


Lost BreadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant