Chapitre 2

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La mauvaise humeur accompagna mon premier jour de travail, provoquée par la "surprise" de mon père. Dès que ce dernier eut fermé la porte d'entrée, je me tournais vers le boy's band, les bras croisés sur la poitrine, attendant qu'ils me disent quoi faire. Tout le monde se tut, excepté Jeremy qui n'hésita pas à m'indiquer le placard où se trouvaient les produits d'entretien. Cela m'énerva plus qu'autre chose, me rappelant ma condition.

- Que ce soit bien clair. Je suis pas ici pour faire vos corvées, ni la lessive, ni la vaisselle, ni ramasser quoi que ce soit que vous mettez au milieu.

Ils ne répondirent pas, donc je me hâtais vers le placard en question. Ils m'observaient tous en silence et avec curiosité. Je saisis une bouteille de javel au hasard. Je ne m'étais jamais servie d'aucun de ces produits, après tout, chez moi, nous possédions également une femme de ménage, par conséquent je ne savait pas quoi faire. J'ouvris la bouteille de javel, comme si je savais quoi faire avec, et me dirigeais d'un pas assuré vers la cuisine. Trébuchant sur un des balais que j'avais fait tomber en ouvrant le placard, je lâchais la bouteille qui déversa entièrement son contenu sur Jeremy et ses vêtements de luxe. Bien fait pour lui. Ce dernier se leva de sa chaise en me hurlant dessus.

- Non mais tu vas pas bien ?

Je le contemplais, un sourire satisfait aux lèvres. N'importe quel malheur qui pourrait arriver à quelqu'un d'autre que moi ce jour là m'aurait rendue heureuse. Une humeur massacrante, c'était exactement ce que je ressentais. D'autant que l'attitude de ce fichu leader m'exaspérait au plus haut point. Jeremy, le visage convulsé par la rage, me regardait d'un air furieux. Sans rien dire, il enleva son tee-shirt, hors de prix et tout décoloré, et me le jeta dessus. Le tissu, encore imbibé de javel, toucha mes vêtements qui perdirent instantanément leur couleur. Ce fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Tout le monde nous regardait, personne n'osant dire un mot, en observant la scène. Sans rien dire, je m'avançais rapidement vers ce foutu leader et je lui mis la gifle de sa vie. Il m'observa, bouche bée, comme tous les autres membres de Lemonade Lords. Une fois la surprise de la gifle passée, il expira longuement pour évacuer sa rage, et, toujours torse nu et le reste des vêtements décolorés, il passa la porte de l'appartement et sortit. Quelques secondes après son départ théatrâl, je soupirais et me retournais vers les célèbrités. Dimitri, debout à côté de moi, me jaugeait du regard, tandis que Sebastian et Gabriel, tous deux assis sur le canapé, m'observaient d'un air admiratif. Tsukasa, se relevant de l'accoudoir sur lequel il était appuyé, s'approcha de moi, d'un air désolé.

- Sorry, commença-t-il, Jeremy est quelques fois... Agaçant.

Je lâchait un petit rire nerveux.

- C'est le moins qu'on puisse dire.

Je me mordis la lèvre et jetait un regard sur mes vêtements. Mon short et mon tee-shirt favoris, que j'avais soigneusement choisis pour mon premier jour de travail, tous deux foutus. Dimitri, remarquant mon désespoir, s'avança vers moi. Il se pencha et observa longuement l'étendue des dégâts, avant de reporter son regard dans le mien.

- Tu peux pas rester comme ça. Viens, je vais te prêter quelque chose.

Sans attendre ma réponse, il attrapa ma main et m'entraîna au fin fond d'un des nombreux couloirs de l'appartement. Sa chambre était spacieuse, et le plafond, repeint en bleu nuit, était orné de toutes petites étoiles lumineuses. Le mobilier, malgré tout, restait tout simple. Un lit fait avec soin, un bureau, et des étagères remplies de livres de toutes sortes. Dimitri, après avoir fouillé quelques instants dans un placard dont la taille était égale à celle de la chambre d'un adolescent normal, me tendit un jean et une chemise.

- Tiens, dit-il.

J'attrapais les vêtements, parfaitement pliés et sûrement trop grands pour moi, mais je n'allais tout de même pas faire la fine bouche là-dessus, il était déjà assez sympathique de me prêter quelque chose.

- Merci.

Il me regarda quelques secondes puis m'indiqua du doigt une porte.

- Va te doucher avant que ta peau ne s'irrite à cause de la javel. La salle de bains est par là.

Je hochait la tête et suivit la direction indiquée. Je me glissait rapidement sous la douche et laissait l'eau couler sur ma peau avec délice. Je commençait à me demander si je devrais revenir le lendemain ou bien si j'avais été virée suite à l'incident de la javel, lorsque j'entendis la porte s'ouvrir doucement. Je me mordis la lèvre violemment. Diantre, j'avais oublié de fermer le verrou ! Habituée à avoir une salle de bains personnelle à la maison, je n'avais pas du tout pensé à fermer à clé, à mon grand désespoir. Avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, Jeremy entra dans la pièce. Ne trouvant aucune autre solution, j'attrapais le rideau de douche pour me cacher du mieux que je pouvais et lui lançait la savonette à la figure. Il se la reçut sur le front, et quitta enfin l'air traumatisé qu'il conservait depuis son entrée dans la pièce.

- S-sors d'ici ! criais-je.

Sans même protester, il tourna les talons et sortit de la pièce, le rouge aux joues. Moi-même rouge comme une tomate, je fonçait fermer la porte à clé avant de tomber sur une autre mauvaise surprise. En une minute chrono, je me séchait, et m'habillait. La chemise, bien trop grande pour moi, dépassait d'au moins 10 centimètres sur mes bras et m'arrivait mi-cuisses. Concernant le pantalon, je remerciais mentalement Dimitri d'avoir pensé à y joindre une ceinture, que je dus serrer au maximum. Après ça, je ne ressemblais absolument à rien, mais au moins j'étais habillée, Dieu merci. En retournant dans la salle à manger, j'observais tous les membres présents. Sebastian, assis dans un fauteuil tout en lisant un bouquin qui m'avait l'air ennuyeux, m'adressa un sourire, tandis que Gabriel et Tsukasa qui jouaient passionnément aux jeux vidéos, ne m'accordèrent aucune attention. Dimitri, se levant en m'apercevant, s'approcha de moi pour m'ébouriffer les cheveux, puis, sans mot dire, retourna dans sa chambre. J'espérais ne pas l'avoir dérangé lorsque je vis Jeremy, accroupi dans un coin de la pièce, le visage enfoui dans ses mains, qui marmonnait des mots incompréhensibles. Sans faire attention à lui, je jetais un coup d'oeil à l'heure. 11h55. Mon père, ayant décidé que pour mon premier jour je ne travaillerais qu'une matinée, devait venir me chercher à 12 heures. Et évidemment, il eut cinq minutes d'avance, si bien que lorsqu'il ouvrit la porte, ses yeux s'agrandirent de surprise. De la javel était éparpillée au milieu de la pièce et plusieurs balais sur lesquels j'avais trébuché étaient étalés dans un coin. Jeremy, recroquevillé dans un coin de la pièce et totalement bouleversé marmonnait toujours des choses inaudibles, et les trois autres membres présents dans la pièce semblaient n'y accorder aucune attention. Quant à moi, debout au milieu de la pièce, portant des vêtements masculins bien trop grands pour moi et les cheveux mouillés et en bataille. Ne sachant pas trop par quoi commencer, j'accordais un sourire gêné à mon géniteur et déclarait :

- Ce fut un premier jour mémorable.

Lost BreadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant