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Nous avons pris l'habitude de nous revoir chaque soir devant la rotonde. Je l'accompagnais un peu. Moi qui ne suis ni liant, ni bavard, avec elle je me liais, je bavardais. Une huitaine de jours plus tard, je l'ai invité au cinéma. Après une légère hésitation, elle a accepté et nous nous sommes mis à sortir une ou deux fois dans la semaine. Puis j'ai suggéré que nous pourrions sortir plus souvent. Elle éluda et je n'insista pas pas sur le moment. Mais j'ai de la suite dans les idées et quelque temps plus tard, je l'invita à une exposition de peinture, un dimanche après-midi. Moi a une exposition de peinture !
Même pas une exposition de peinture, d'ailleurs. Des vitraux par Chagall, je crois, et qu'il fallait admirer darc-darc avant qu'on les expédie dans leur églises de Jérusalem ou de je ne sais où. Les vitraux de Chagall, moi, ça m'intéresse autan que les théories de Theilhard de Chardin, mais enfin c'était un prétexte pour la voir un dimanche.
Nous n'avions jamais fait allusion ni l'un ni l'autre au chagrin qui était l'origine de notre rencontre, mais elle semblait à peu près maîtresse de ses soirées et je pouvais la croire libre !
Or, au lieu de s'exclamer « Oh ! Oui, allons vois ces merveilleux et fascinant vitraux de Chagall !» ( comme n'importe quelle fille aurait fait à sa place ), ne voilà-t-il pas pas qui me repond tout net :
   - Je ne suis jamais libre pendant le week-end.
Tel quel. Avec un sourire contraint, mais d'un ton ferme. Moi, je n'ai pas insisté : quand on me claque une porte au nez, j'ai assez d'amour propre pour ne pas essayer de rentrer. Et c'est elle même qui m'a parlé de Georges.
Évidemment, j'aurais bien dû me douter que je n'était pas le première homme qu'elle rencontrait, que son chagrin du premier soir n'était pas dû à un simple vague a l'âme...
A un ami tel que moi, on pouvait tout dire, n'est-ce pas ( et rien dans ma conduite n'aurait pu lui faire supposer que j'éprouvais pour elle un autre sentiment que de l'amitié ). Alors non seulement elle me parla de Georges, mais elle devint intarissable à son sujet. Bien-sûr, il l'avait faire souffrir, mais tel qu'il était, elle l'aimai, et puisqu'ils ne pouvaient se voir pendant la semaine, les week-end étaient à lui.
D'abord, j'en suis resté abasourdi. Je ne m'attendais pas à ça. Et puis, je me suis repris. J'ai décidé de réagir, de lutter. Avant tout, il fallait que je réussisse à m'insinuer entre eux deux, à briser leur tête-à-tête, a participé aux sacro-saint week-end...

Je n'y tiens plus. Que peut-elle bien fabriquer là-haut avec lui ? Il y a déjà plus de vingt minutes qu'elle est montée. Tant pis, j'y vais. C'est un peu mesquin, ce que je fais la. Je devrais la laisser profiter de son reste avec Georges. Mais elle oublie tout de même qu'elle est chez moi. Elle pourrait y mettre du tact !
Je pénètre a mon tour dans la villa et monte l'escalier. Je m'arrête devant la porte de leur chambre. Pas besoin de tendre l'oreille pour entendre le bruits des baisers à l'intérieur. C'est plus fort que moi, j'entre.
Irène se lève vivement de lit en reboutonnant son corsage. Elle est devenue très rouge. Georges, qui est resté allongé, me regarde sans piper.
    - Vous auriez pu frapper, remarque Irène d'un ton pincé.
    - Pardonnez-moi, dis-je, je ne pensais pas qu'à cette heure si vous...
Je m'éclaircis la gorge et demande le cœur battant, car de sa réponse dépend la réussite de mon plan :
    - Que penseriez-vous d'une balade avec la voiture ?
J'ai réussis, non sans mal, à devenir « l'ami de la famille ». Irène m'invita a prendre le thé un dimanche et me présenta le fameux Georges.
Un des plus mauvais après-midi de mon existence. Jamais je n'ai autant eu l'impression de ne pas exister. Dès cette visite, j'ai compris qu'un tel amour ne pouvais laisse de place pour aucun autre et que, de Georges et moi, l'un était de trop. Il aurait été beau encore ! Mais il était laid - une espèce d'avorton a moitié chauve - et son caractère semblait aussi mal gracieux que son apparence. Tel était celui qui empêchait Irène de rechercher un homme capable de lui apporter un amour sérieux. Un homme qui, lui au moins, l'épouserais. Moi.
Et elle gâchait sa vie pour un être qui, dans son inconscience, ne s'apercevait même pas du sacrifice !

PsychopathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant