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Je considérait quelques temps cette fille en larmes dans savoir que faire pour l'aider. J'aurais pu, évidemment, l'aborder en lui demandant ce qui n'allait pas et en quoi je pouvais lui être utile. Mais peut-être aurait-elle suspecté mes intentions, soupçonné quelques arrière-pensée. Or, d'arrière-pensées, je n'en avais aucune à ce moment-là. Simplement je savais ce qu'est la solitude et je voulais faire un geste pour lui témoigner un peu de chaleur humaine : elle avait l'air d'avoir froid : elle frissonnait.
Mais, pour un timide, il est difficile de faire preuve de chaleur humaine ? Or, je suis d'une nature très timide. On pourrait même dire renfermée ( et d'ailleurs on l'a dit ). Je ne sais pas extérioriser, je ne sais pas communiquer, je ne sais pas lier. Je restais là à la regarder dans le décider.
D'autant plus qu'il y avait tous ces passants qui n'arrêtaient pas de passer comme s'ils l'avait fait exprès et qui la regardaient. Si je l'a bordais, ils me regarderais aussi, et en règles générale, je n'aime pas qu'on me regarde : on commence par vous regarder, puis on vous examine et on finit pas vous juger. Pas de ça avec moi:
Tout à coup, j'ai eu une inspiration : je venais de me souvenir qu'il y avait un fleuriste pas loin. J'achetai un petit bouquet de fleurs, je ne sais pas lesquelles, je ne m'y connais pas en fleurs.
Quand je déposais le bouquet près d'elle, le froissement du papier de soie lui fit tourner la tête. Je marmonnai, les oreilles en feu : « Il ne faut pas pleurer comme ça. » de près, elle faisais moins jolie que de loi. Moins poétique. De loin, évidemment, on ne voyait qu'une jeune fille éplorée. De près on voyait tout les petits détails : les yeux rouges, le nez qui coule.
Elle releva vivement la tête, me regarda. Un regard morne où pointai un peu de surprise et d'irritation. Je lui souris et l'éloignait sans me retourner : si l'on veut pas rater ses sorties, il ne faut jamais se retourner.
Nous nous sommes revus le lendemain. Je revenais de mon travail, elle du sien, comme la veille, et nos chemins se croisèrent encore devant la rotonde du parc Monceau. Elle ne pleurait plus. Seulement l'air abattu. C'est elle qui, la première, m'adresse un petit sourire contraint. Je me risquai à lui demander si elle allait mieux, elle me répondit : « un peu » et me remercia pour mes anémones ( oui, au fait, c'étaient des anémones ( ce sont des fleurs ) ).
Le lendemain, on s'est encore rencontrés, puis le jours suivant, et ainsi de suite, et voilà.
Et maintenant, elle est allongée en face de moi dans la position approximative de l' « Olympia » de Manet, robe en plu, hélas !
Je la contemple sans me gêner beaucoup. Grâce à mes verres fumés, elle ne peut savoir si je la regarde ou non. Elle me plait. Vraiment, elle me plait, avec son nez de busqué, et son grain de beauté au-dessous du genou. J'ai envie de l'embrasser, mais il n'en ai pas question. A cause de l'autre là-haut.
- Excusez-moi. Je monte rejoindre Georges.
Je me retiens de lui dire que si son Georges a besoin d'elle, il est bien capable de l'appeler tout seul. Patience et prudence. Après tout, que le cher Georges profite de son reste. De son tout petit reste.
Irène entre dans la villa.

PsychopathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant