Il le fallait. Il était condamné mais respirait encore, petite vie qui persistait à exister en aspirant la mienne.
Au cœur d'une nuit, j'ai creusé loin et profond, puis j'ai enfoncé de la terre dans sa gorge, par poignées, de la terre fraîche et molle qui sentait la pluie. J'ai entendu les râles et les gargouillis étouffés à cause de l'air qui tentait encore de trouver un chemin, tandis que le goût de la terre humide envahissait ma bouche. Il s'est débattu, alors je l'ai frappé, avec une pelle, encore et encore, j'ai fracassé chacun de ses os à grands coups, l'un après l'autre, j'ai entendu leurs craquements et senti les éclaboussures tièdes de son sang sur mon visage, et chaque coup que j'assènais me meurtrissait un peu plus, et chaque plaie que j'ouvrais dans sa chair me déchirait davantage. Je ne savais plus si cette torture que je m'infligeais expurgeait ma souffrance ou si elle en était la cause. J'ai frappé, frappé avec violence à n'en plus sentir mes bras, et quand il a enfin cesser de bouger, je suis restée là, exsangue et exténuée, déterminée à assister à son agonie.
Je voulais être sûre qu'il ne bougerait plus, qu'il ne tenterait plus jamais de revenir. J'avais pour m'en assurer ma pelle et des poignées de terre fraîche et molle qui sentait désormais le sang tiède.
J'ai attendu patiemment, pendant que mes larmes délayaient le sang séché, que son cadavre devienne livide, puis rigide. J'ai assisté à la lente dégradation, vu les tissus se tendre puis ramollir en se liquéfiant, les organes mourants se changer peu à peu en fluides visqueux, se répandre dans la terre et la nourrir en la souillant. Je l'ai vu se dégonfler comme un ballon, et j'ai vu à quoi il ressemblait maintenant que la vie l'avait quitté : un tas de matière organique blafard et mou que la putréfaction rendait à nouveau utile. Sur le terreau rendu fertile par nos amours décomposées, fleuriraient peut-être bientôt de plus jolis bonheurs.