Mille et une couleurs [BxB] [En pause]

Chapitre 1 : Tais-toi et fais ce qu'on te dit !

   Exaspéré. Anis était exaspéré. En deux jours, il avait visité tous les bars et restaurants qui peuplaient les rues de Marseille avoisinant l'appartement qu'il partageait avec son meilleur ami Colin. Il s'était fait rejeter de partout. « Non, vraiment désolé mais on n'a pas le temps ». « Et puis quoi encore, on n'a pas que ça à faire ». « On en a pas grand-chose à faire de votre petit article d'amateur allez voir ailleurs ». Il n'avait réussi à trouver personne pour répondre à ses questions. Sa petite enquête se révélait ben plus difficile que prévu. Il ne pensait pas qu'il allait se frotter à un tel refus. Il referma rageusement la porte derrière lui, rentrant de son infructueuse journée. Il se laissa tomber lourdement dans un petit canapé marron, dérangeant au passage, le blond déjà installé qui semblait absorbé dans un livre. Son ami leva le regard vers lui et laissa échapper un sourire malicieux en voyant son air renfrogné.

    -Alors toujours rien ?, demanda-t-il pour la forme connaissant déjà la réponse à sa question.

   Anis ne prit même pas le temps de dire quelque chose, se contentant d'un grognement. Colin s'apprêtait à répliquer, mais fut coupé par la sonnerie de son ami, le sauvant ainsi de ses bavardages incessants, qui n'allaient pas tarder à arriver. Il poussa un soupir de soulagement, vite ravalé quand il vit le nom de sa mère s'afficher sur l'écran de son téléphone. Il ignorait laquelle des deux conversations il valait mieux éviter. Il appuya sur le bouton vert et porta l'appareil à son oreille.

    -Allo mon chéri. Comment vas-tu ?

   -Salut maman. Je vais bien merci, et toi ?

   -Mon dieu non. J'ai vu Béatrice hier matin, elle est encore en pleine dépression. Elle vient de se faire larguer, ce qui en soi n'est pas très étonnant, elle passe ses journées à se plaindre. Et tu savais que Morgane la fille de la voisine va se marier. Elle n'a que 19 ans. 19 ans ! Non mais tu te rends compte, c'est vraiment du grand n'importe quoi !

   Anis laissa échapper un petit rire. Sa mère ne changerait décidément jamais. C'était la plus belle commère qu'il n'ait jamais vue. Mais il l'avait toujours connu comme cela. A chercher la moindre information, le moindre petit ragot à se mettre sous la dent. Il en avait l'habitude et même si parfois son cancanement incessant pouvait l'agacer, cela apaisa sa mauvaise humeur. Comme un baume que l'on appliquerait sur une plaie. Il laissa distraitement le fil continu de ses paroles s'écouler ainsi, durant une bonne dizaine de minutes. Après quoi, il put enfin conclure comme s'il avait saisi la totalité de ses propos.

    -Eh biens dis-moi, il s'en passe des choses du coté de Paris.

    -Comme toujours. Et toi à Marseille ? Comment va Colin ?, s'inquiéta-t-elle.

   Le brun se retourna vers son ami, qui sentant le poids de son regard sur lui, releva la tête de son livre d'un air curieux.

    -Oh, il se porte plutôt bien et il te passe le bonjour, annonça Anis sans même demander l'avis de son colocataire qui lui envoya son livre en pleine figure en signe de protestation. Il l'évita et continua la discussion, comme si de rien était, expliquant à sa mère sa frustration causée par le manque d'avancement de son article.

    -Pourquoi tu ne demandes pas à ta tante Djamila ?, proposa Fadwa.

   Djamila, la sœur de son père, avait ouvert un bar-restaurant en bord de mer quelques années plus tôt. Elle semblait s'en être bien sortie et ses grands-parents ne cessaient de chanter ses louanges. Il ne l'avait pourtant jamais appréciée. Ce que peu de monde dans sa famille ne semblait comprendre, bien qu'il ait ses raisons. Lui demander de l'aide ne l'enchantait guère. Il promit cependant à sa mère d'y réfléchir, mais sa décision était déjà prise. Il n'irait pas la voir. Il raccrocha et reporta son attention sur son meilleur ami qui le fixait de ses grands yeux verts, un sourire moqueur placardé sur son visage.