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J'apportai rapidement la cuillère de flocons d'avoine à ma bouche, jetant un coup d'œil à l'horloge verte suspendue au-dessus de la porte de ma cuisine. Il fallait que j'avale ces céréales plus vite que ça, sinon j'allais être en retard au boulot, et je ne pouvais pas me le permettre. Adossée contre le chambranle de la porte, ma mère me couva des yeux, un léger sourire sur ses lèvres. Elle s'approcha doucement de moi, en attrapant au passage une affiche aux couleurs vives, qu'elle glissa prêt de la tasse aux pois rouges.

« Maman, soufflais-je, on en a déjà parlé.

— Tu pourrais quand même reconsidérer la question, non ?

— Ça ne m'intéresse pas, n'insiste pas ! »

Je rangeai ma tasse dans le lave-vaisselle, attrapai ma parka bleu marine qui traînait sur le dossier d'une chaise, j'enfilai mes baskets usées et alors que je m'apprêtai à ouvrir la porte d'entrée, ma mère m'appela. Elle avait encore cette stupide affiche colorée dans les mains.

« Ali', ce n'est pas toi qui dis tout le temps que tu veux arrêter de vivre dans ces conditions ? Que tu veux aider tout le monde ? Que tu veux devenir quelqu'un ? Elle fit une pause. Où sont passées toutes ces idées ?

— Elles sont toujours là, ancrées dans ma tête. Je ne veux juste pas me vendre.

— Tu ne te vends pas. Tu penses qu'en restant là, à ta place de serveuse dans un restaurant, tu vas faire bouger les choses ? C'est peut-être ta seule chance de montrer qui tu es, et tu vas la laisser passer ? C'est le dernier jour des recrutements, tu devrais tenter ta chance. »

N'ayant pas d'argument à exposer contre ses paroles, j'attrapai simplement la feuille qu'elle me tendait en marmonnant un « j'y réfléchirai ».

« Passe une bonne journée, me lança-t-elle chaleureusement. N'oublie pas de manger ta pomme sur le chemin surtout.

— On se voit ce soir, bonne journée.»

Je fermai la porte et enfournai vivement mes mains dans les poches du manteau. Le froid de décembre était rude, surtout lorsque l'on s'aventurait dans les rues par les heures où le soleil venait tout juste de pointer le bout de son nez.

Tripotant le bout de papier chiffonné dans ma poche, je pesai le pour et le contre. Je le sortit alors que j'activai mon pas. D'habitude, ils envoyaient des courriels, mais puisque notre quartier avait subit une panne de courant -encore une fois- pendant plusieurs semaines, cela avait changé leur plan.

« Du 22 novembre au 13 décembre, nous ouvrons le recrutement pour votre honorable pays, l'Angloterrestre. (pays inventé)

Mais qu'est-ce que le recrutement ? C'est un rassemblement où, les filles de n'importe de n'importe quel échelon, entre 18 et 20 ans, qui le veulent, se présentent, pour participer à une compétition.

Quelle compétition ? Une compétition où vous démontrez vos talents, votre intelligence ; à la clé, la couronne. Bien entendu, pour gagner, il y a des conditions, l'une d'entre-elle ? Gagner le coeur de notre bien aimé prince !

38 recrutées, et une seule gagnante ! Peut-être que la chanceuse pourrait être vous? »

Ma mère m'encourage, mais comment peut-elle être aussi confiante ? Je n'ai pas les qualités requises, ni le visage. Gagner le coeur d'un prince ? Encore moins, je ne sais même pas me faire des amies, même au bout de dix-huit ans. 


Crown - La recherche.Where stories live. Discover now