Chapitre 1

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Les premières lueurs matinales du mois d'octobre passaient à travers les volets et se heurtaient sur ma joue. Il faisait froid et mes pieds étaient gelés, comme toutes les parties de mon corps d'ailleurs. Je me suis mise en position fœtale à la recherche d'un peu de chaleur corporelle pour me rendormir... Mais c'était sans compter sur les réveils - un peu trop - énergiques de mes sœurs...

  En effet, Corrie, quatorze ans, et Elizabeth, onze ans, s'égosillaient sur des chansons de Boys Band ridicules alors que mon seul désir était de pouvoir roupiller encore quelques minutes. Forcée de me lever, je devais me préparer à aller en cours - je venais tout juste de commencer mon année de première et j'avais l'impression d'y être déjà depuis des mois. Une fois prête j'ai rejoint le salon et j'eus l'impression d'y rejouer la même scène que tous les autres matins : Ma mère, en tailleur téléphonant avec un café à la main, Corrie et Lizzie se disputant la boîte de céréales, et le chat me lançant un miaulement en marchant sur la table...

  -Oui, la réunion est à huit heures, et oui M. Duncan sera présent, informait ma mère au téléphone avant de se tourner vers moi, attendez un seconde Laura... Bonjour chérie, ça va? me lança t-elle avant de reprendre sa conversation.

  J'acquiesçais d'un hochement de tête, puis je fus interpellée par le bruit de la sonnette de notre maison. J'ai accouru à la porte et ai ouvert rapidement pour apercevoir sur le perron la chevelure rousse de Casey, ma meilleure amie. Elle avait l'habitude de passer tous les matins pour aller au lycée avec moi, et aujourd'hui ne voulant pas m'éterniser auprès de mon insupportable famille, il m'a fallu moins de cinq secondes pour attraper mon sac, enfiler mon manteau et sortir dehors. 

  -Ouh... Tu ne serais pas légèrement énervée? Osa me demander mon amie.

  -Légèrement? Ai-je répondu un peu trop sèchement.

  -Del, s'il te plaît ne commence pas avec ta mauvaise tête. On est jeudi, on va lycée, c'est super, waouh ! Me chantonne-t-elle ironiquement.

  Nous arrivions seulement à la moitié du chemin lorsqu'une pluie battante s'est abattue violemment et soudainement sur la ville. Casey et moi courions comme des folles sous la pluie quand une voiture s'arrêta brusquement à notre niveau. La vitre s'est abaissée et une voix grave et familière s'est écriée:

  -Montez les filles !

  Au volant de la voiture - visiblement neuve - se trouvait Evan, mon autre meilleur ami. Il y avait un passager à l'avant, un ami d'Evan que je connaissais mal, Jesse. Mais mon premier réflexe fût de jeter un coup d'œil à Casey, qui comme je le pensais était rouge comme une pivoine. En effet Casey craquait complètement pour Jesse depuis le CE2, mais, lui, n'avait presque jamais fait attention à elle - situation qu'elle avait un peu de mal à assumer. Les yeux bleus azur de mon meilleur ami nous jetèrent un regard furtif dans le rétroviseur pour nous lancer :

  -Vous avez de la chance que je sois là ! Vous auriez du faire encore un kilomètre sous la pluie sinon ! D'ailleurs je trouve ça très bizarre cette pluie sortant nulle part comme ça, ce n'est pas ce qui était annoncé à la météo...

  -Tout le monde peut se tromper, même la météo, Evan... répondit Casey en se recoiffant rapidement.

  Il y eut un court silence avant que Jesse ne prenne la parole.

  -Vous allez au bal d'Automne les filles ?

  Le bal d'Automne est un des quatre bals annuels qu'organise notre lycée. Il se déroulait ce week-end, et je n'avais aucune envie d'y aller. De plus ce bal était "Un bal déguisé", ce qui me poussait à vouloir encore plus l'éviter. Mais Casey répondit en bégayant que nous allions y aller toutes les deux, car, oui, elle avait déjà choisis et acheté nos déguisement - qui sont, d'ailleurs, aussi magnifiques que chers. Je serais un paon et elle un cygne.

  Un fois arrivés au lycée, nous nous sommes dirigés vers nos cours respectifs. Ce matin là j'ai eu Mathématiques et Histoire. Puis l'après-midi Evan et moi avions Travaux Pratiques de Chimie. Un enchaînement fastidieux de protocoles expérimentaux, d'expériences, de réactions, de transformations... J'avais l'impression que ma tête allait exploser, Evan faisait tout, moi je serrais les poings, j'avais arrêté d'écouter mon professeur un peu trop lent et mollasson à mon goût depuis une heure déjà. J'avais envie de hurler, et alors que je sentais que mon cri allait sortir, les douches répartie sur le plafond de la classe censées servir en cas d'incendie ce sont mises à éclater les unes après les autres sans raison apparente, inondant la salle... Pour mon plus grand bonheur ! Nous avons été évacués de la salle, et étant trempés nous avons été autorisés à rentrer chez nous plus tôt.

  Evan m'a raccompagné en voiture, et avant que je ne descende il m'interpella :

  -Delany? Ça va toi ?

  J'ai juste hoché la tête, pour qu'il ait la réponse qu'il attendait, mais il n'est pas aussi bête pour croire un mensonge pareil..

  -Sérieusement, Del, je sais que ce n'est pas facile en ce moment, mais tu sais et je te le répète encore, au moindre souci, appelle-moi, ou Casey et on rappliquera dans la seconde...

  Et comme une idiote égoïste j'ai encore simplement hoché la tête sans le remercier, et je suis rentrée chez moi. Ça ne va pas, je le sais, l'anniversaire de la mort de papa approche, ce qui fait que ma mère se noie dans le travail, j'ai de mauvaises notes en cours, ma sœur aînée Karlah débarque demain et disons qu'elle n'a jamais eu l'impression d'éprouver la moindre affection pour nous, son attitude glaciale m'énerve au plus haut point. Et donc ma vie tourne mal en ce moment.

  Quand je suis rentrée la maison semblait vide, mais non. Ma petite sœur Elizabeth était seule, au premier étage, debout, droite, devant la vieille porte en bois que maman ferme toujours à double tour et que sommes défendues d'ouvrir ou même défendues d'espérer penser ouvrir.

  -Lizzie ? L'appelais-je, tu es là depuis longtemps?

  Je n'eus aucune réponse...

   -Eh, Lizzie, tu m'entends ? Qu'est ce que tu fais ?

  Puis un petit "Clic" s'est fait entendre, et la porte a grincé en s'entrouvrant.

  -Lizzie, qu'est ce que tu as fait ? On ne doit pas l'ouvrir, maman l'a répété mille fois, où as-tu trouvé la clé ?

  Elle ne se retourna pas et me répondit.

  -Je n'ai pas eu besoin de clé, il m'a suffit de le vouloir, j'y ai pensé très fort et elle s'est ouverte comme je l'ai demandé. J'y ai juste pensé...

  

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