La famille Forrester

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 Gorrotoa – La statuette maudite – La famille Forrester


Après le vibrant témoignage de la mère de Madeline Chanel, j'ai décidé de mettre les bouchées doubles et de poster sur tous les réseaux sociaux la description de la statuette ainsi des risques qu'elles comportaient. Je demandais à tout possesseur d'entrer en contact avec moi immédiatement et de résister à toute envie étrange qui lui viendrait. Je n'ai pas reçu la réponse du présent propriétaire, mais d'une certaine Annie Forrester habitant à Seattle, état de Washington. On communiqua via un logiciel de clavardage vidéo. Annie Forrester est une femme de 35 ans. Quand je l'avais vu, elle en semblait en avoir cinquante. Ridées, les cheveux pratiquement blancs avec quelques repousses blondes. On pouvait constater que la vie avait été dure avec elle. Voici le compte-rendu de notre conversation.


Dialogue entre Dr Ali Mousavi et Annie Forrester — 25 octobre 2015


AM – Bonjour, Mme Forrester. Merci d'avoir accepté notre entretien. Comment Gorrotoa (la statuette) est-elle entrée dans votre vie?


AF – De rien, c'est mon devoir de prévenir les gens du danger que représente cette abomination. Pour répondre convenablement à votre question. Je me dois de vous raconter un peu l'histoire de notre famille, si vous le permettez.


AM — Bien sûr, je vous écoute.


AF – Voilà. Nous étions une famille monoparentale. Malheureusement pas par divorce, mais bien parce que mon père a été assassiné dans un dépanneur lors d'un vol à main armée ayant mal tourné. Il faut expliquer que nous vivions dans un quartier malfamé. Nous n'étions pas très riches. C'était tout ce qu'on pouvait s'offrir à ce moment. Grâce à son assurance-vie, on a pu déménager dans un meilleur arrondissement. Cela n'empêcha pas ma mère d'en rester marquée à vie. Elle se mit à craindre à tout instant pour notre sécurité à moi et à ma sœur.


AM — Quel était le nom des autres membres de la famille?


AF – Ma mère se nommait Mary et ma cadette Judy.


AM — Merci. Continuez.


AF – Donc comme je le disais, ma mère angoissait beaucoup sur tous les dangers pouvant nous arriver. Nous étions adolescentes à l'époque, j'avais 16 ans et Judy en avait 14. C'est l'âge où les parents doivent laisser leurs enfants faire leurs propres expériences, mais malheureusement pour nous, notre mère voulait constamment contrôler nos allées et venues. Exemple, il fallait toujours l'appeler pour chacun de nos déplacements même si elle travaillait. On avait un couvre-feu, mais bon ça ce n'était pas exceptionnel. Je n'étais pas bien différente des autres ados. Je pensais que ma mère exagérait et on se tapait souvent des disputes à ce sujet. Ça aurait pu en rester là, si... si elle n'avait pas ramené cette foutue statue.


AM – Quand l'a-t-elle trouvé?


AF — Au début, c'était vague. La première fois que je l'ai aperçu dans la chambre de ma mère, je n'en avais pas fait grand cas. Elle était plutôt laide, sculptée dans un matériau rustre. La seule chose m'étant venue à l'esprit à ce moment-là, c'était de comprendre ce qui lui avait pris de s'être procuré cette horreur. Et puis, Judy l'a vu et s'est sentie mal à l'aise. Elle a toujours été la plus sensible des deux, alors je croyais que c'était un autre caprice émotionnel. Le malaise s'est transformé en inquiétude et Judy a commencé à interroger ma mère sur celle-ci. Son attitude nous a surprises toutes les deux. Elle était totalement sur la défensive. « Je l'ai trouvé, et elle est à moi maintenant. En quoi cela vous regarde? Faites vos devoirs! » N'aimant pas sa réaction, j'ai tout de suite réagi : « Du calme, on ne fait que poser une question. C'est quoi le problème? » La réponse ne se fit pas attendre : « Le problème? Le problème? C'est que j'ai deux filles qui se promènent je ne sais où... Je tiens à vous le dire, les choses vont changer ici... » La colère me monta au nez : « Changer? Changer pour quoi? On est déjà en liberté surveillée, ce n'est pas assez? » Le visage de ma mère se métamorphosa. C'était comme si toute la rage du monde l'habitait. Elle nous crie : « Dans vos chambres immédiatement! » Moi qui suis habituellement de nature combative, je suis plutôt devenue craintive. On décida d'obéir toutes les deux. Je dois préciser que Judy et moi partagions la même chambre. Pendant que j'étais crispée, Judy, elle, semblait désemparée. On aurait dit qu'elle avait compris quelque chose. 

Gorrotoa: La statuette mauditeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant