Mon annonce sur les réseaux sociaux avait porté ses fruits de nouveau. Je reçus un appel de Melanie Jackson, ancienne assistante administrative du PDG de l'usine Crawford, Henri Crawford. De ce que j'ai appris, en 1998 l'usine Crawford était une des rares à opérer encore aux États-Unis alors que la plupart des autres compagnies avaient déplacé leurs opérations dans des pays à plus faible coût. L'usine Crawford se spécialisait dans la construction de pièces de voitures, en particulier des freins. Voici donc le compte-rendu de mon appel avec Mme Jackson.
Enregistrement de l'appel entre Dr Ali Mousavi et Melanie Jackson – 27 octobre 2015
AM – Bonjour Mme Jackson. Je tiens d'abord à vous remercier de prendre le temps de nous livrer votre témoignage.
MJ – C'est le moins que je puisse faire...
AM – C'est tout en votre honneur. Si vous pouvez commencer par nous dire comment était la vie avant la venue de cette statuette.
MJ – Elle n'était pas parfaite, mais on arrivait à survivre. On était en plein essor de la mondialisation, et il était dur de rivaliser avec les bas prix des concurrents. Mais Henri Crawford était fier de garder son usine en Amérique. Il faut expliquer que celle-ci était un héritage familial venant du grand-père de Monsieur Crawford. Jusqu'au jour où le père d'Henri fit incorporer la compagnie. La famille Crawford restait actionnaire majoritaire, ce qui ne signifiait pas qu'ils devaient ignorer les autres. Les Crawford étaient à la merci des hauts et des bas de leurs actions et ils ne pouvaient renier ce fait.
AM – Donc Henri Crawford évitait de déplacer son usine?
MJ – Oui, mais ce n'était pas sans problème. Pour satisfaire les actionnaires, il devait parfois couper dans l'os, soit les salaires ou les fonds de pension, ce qui ne plaisait pas au syndicat. Il le détestait profondément d'ailleurs. Il était persuadé que les syndiqués finiraient par nuire irrémédiablement à la compagnie. Les négociations étaient toujours serrées. Ils arrivaient à une entente, mais ce n'était jamais sans un lock-out.
AM – Quand Gorrotoa (la statuette) est-elle tombée dans l'équation?
MJ – La première fois, j'ai failli ne pas la remarquer. Et puis, en déposant son café sur le bureau de M. Crawford comme chaque matin, j'ai vu au-dessus d'une pile de documents, une sculpture rustique dans une pierre ponceuse. Ça m'a surprise quelque peu, car M. Crawford n'a jamais été du genre à collectionner quelques œuvres d'art que ce soit. C'était un homme très terre à terre, il aimait les choses simples et concrètes. Je n'ai pas osé lui poser de questions à ce sujet. Après tout, qu'est-ce que ça pouvait me faire qu'il prenne soudain le goût pour un peu de déco?
AM – Quand avez-vous remarqué que quelque chose clochait?
MJ – Peu de temps après, l'apparition de cette... statuette. M. Crawford était de mauvaise humeur. Les actions avaient baissé d'un demi-point. Personnellement, je ne voyais pas pourquoi il s'en faisait pour si peu, ça arrivait fréquemment et puis ça remontait souvent du même demi-point par la suite. Mais il semblait focaliser là-dessus. On aurait dit que c'était un demi-point de trop. Il m'avait d'ailleurs déclaré : « On doit y remédier. »
AM – Qu'a-t-il fait pour y remédier?
MJ – Notre usine n'était pas seulement automatisée, il était paré par les meilleurs systèmes de sécurité du pays. C'était coûteux, mais une vie n'a pas de prix. Or, le lendemain, un accident est survenu. Une pièce de métal s'est mise à partir en flèche d'une des machines et à décapiter un employé et blessé gravement deux autres sur son chemin. Après enquête, quelqu'un avait désactivé un des systèmes de sécurité empêchant au mécanisme d'aller trop vite.
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Gorrotoa: La statuette maudite
FantasyGorrotoa est une série de nouvelles tournant autour de la malédiction d'une statuette préhistorique. Elle peuvent se lire séparément, mais il y a quand même une histoire qui se suit, donc je vous conseille de tous les lire. Commentaires appréciés.