V . Jiyun, le Damné.

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" - Romane ! Je peux le faire cette fois ! C'est toujours toi qui lui apporte à manger ! Laisse-moi te rendre service. " 

La femme soupira. 

" - Katie, je t'ai déjà dit que je tenais à le faire. "

La Dresseuse des Eaux grogna et se détourna. 

" - Très bien, comme tu veux... Mais si tu as besoins d'aide, appelle-moi ! "

Elle hocha la tête et prit le chemin des cachots. Pour la troisième et dernière fois de la journée, elle descendit les escaliers en colimaçon et s'avança jusque devant la cellule du Damné. Comme elle s'y attendait, il était encore assis dans le fond de la petite pièce, recroquevillé. Le plateau de ce midi n'avait même pas été touché. Généralement, il prenait le premier repas qu'elle lui apportait, mais jamais le deuxième ou le troisième. Dans un soupir, elle posa le nouveau plateau et tira sur l'ancien. Les minutes passèrent, où elle resta là, à l'observer. Elle resta là, à voir sa silhouette bouger régulièrement, à chaque respiration. Elle resta là, à contempler les sillons parcourant le corps de leur ennemi. Ces cicatrices qui lui inspiraient un sentiment de haine, de colère. De vengeance. 

" - Dégage. "

La voix la fit sursauter. Le Damné n'avait pas bougé d'un millimètre, il se contentait de la fixer. Elle voyait ses yeux rouges légèrement luisants. Elle les voyaient. 

" - Tu devrais manger. "

Elle se contenta de lui dire, dans un souffle, presque un murmure. 

" - Fais-moi sortir d'ici. "

Elle le regarda. Essayant de faire abstractions des cicatrices, qui lui sautaient presque au visage tant elles étaient brillantes, Romane plongea son regard dans le coeur du damné. De la peur. Une peur intense et destructrice. Pas une trace de colère. Juste de la peur et de l'agressivité. L'agressivité d'un animal en cage.

" - Nous ne te ferons rien, je te le promets. "

Jura la Dresseuse. Le Damné se rapprocha d'elle, jusqu'à ce que son visage frôle les barreaux de la cellule et qu'elle puisse sentir son souffle sur son visage. Elle tendit sa main à travers la grille. Il ne la toucha pas. Il n'essaya pas de l'attaquer. Elle posa donc lentement sa paume contre le visage de leur ennemi. Elle le sentit se tendre, fermer les yeux, serrer avec force les barreaux. Quelques secondes s'écoulèrent, où sa main resta simplement posée sur la joue du Damné. Lentement, il relâcha les barreaux, se détendit, et ouvrit les yeux. Romane n'avait pas bougé. Elle se contentait de le regarder dans les yeux. 

" - Tes yeux... "

Murmura doucement le demi-démon. Il semblait surpris. 

" - Mes yeux ne voient pas. Seul le Don de Vision que la Grande Prêtresse m'a accordé me permet de te discerner. "

Doucement, ses paupières se refermèrent. 

" - Ton aura est rouge. Un rouge intense, mais pas sanglant. Et ton coeur crie. Il crie très fort. Tu es apeuré. "

Le Damné ne bougea pas. Elle ne dit rien d'autres. Elle ne lui parla pas des cicatrices. Ces horribles cicatrices qui le parcouraient de partout, sauf sur le visage. 

" - Je n'ai pas peur de vous. "

Il déclara. Elle savait qu'il disait la vérité. 

" - De quoi, alors ? "

Romane n'avait toujours pas ouvert les yeux. Elle se tendit quand la main du Damné se posa sur son bras. Pourquoi Katie avait-elle voulue le garder en vie ? Elle ne le savait pas. Mais du plus profond d'elle-même, elle l'en remerciais. Ses muscles se détendirent bien vite, quand elle comprit que la main fébrile ne cherchait qu'un simple contact physique. Quelque chose à quoi se raccrocher. Les secondes passèrent, il ne répondit pas à la question. 

Dragoniers ; les 5 élémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant