Dragoniers ; les 5 éléments

XII . Sur les remparts

Romane s'approcha du demi-démon, qui semblait somnoler sur les remparts. Le vent soufflait fort à cet endroit et il était dur de garder son équilibre, même pour elle. Sans un mot, elle tenta de le surprendre en posant sa main sur son épaule, mais une bourrasque plus puissante lui fit perdre l'équilibre et elle se retrouva à demi-étendue sur le Damné. Celui-ci sursauta. 

" - Romane !? "

Avec de petites rougeurs, elle se releva. 

" - Qu'est-ce que tu fais ici ? "

Elle lui demanda en s'asseyant plus posément près de lui. Au lieu de prendre un sourire taquin, il se renfrogna. Il n'était pas d'humeur. 

" - Je pourrais te retourner la question. Qu'est-ce que tu fais loin de tes petites Dresseuses chéries ? "

La jeune femme leva les yeux au ciel. 

" - Réponds-moi au lieu de nous faire perdre notre temps. "

Jiyun croisa les bras et se tourna sur le renfoncement qui lui servait de "lit", de manière à faire dos à la Dresseuse.

" - Je dors. Ça te va comme réponse ? Maintenant, laisse-moi tranquille. "

Avec son habituelle sérénité, Romane se contenta de fixer le Damné, qui ne semblait pas prêt à bouger d'un millimètre. Au début, il ne sembla même pas le remarquer, puis, après un moment, il se mit à s'agiter. Au final, il se retourna d'un bond vers elle. 

" - C'est bon ! Qu'est-ce que tu veux, bon sang ? "

L'ombre d'un sourire, fugace, apparut un quart d'instant sur les lèvres de la jeune femme. Il disparut pourtant bien vite, laissant place au visage indifférent auquel le démon était habitué. Pourtant, même s'il n'y paraissait pas, elle était mal-à-l'aise et elle faisait de grand effort pour ne pas rougir et bafouiller. Elle détestait quitter son masque, peu importe la situation. Malheureusement pour elle, ce fichu Damné avait le don de lui faire perdre ses repères. Il était beaucoup trop intrusif, et son regard la transperçait de plus en plus chaque jour. 

" - Romane ! Explique-moi ce que tu veux ou va-t-en ! "

Embarrassée, elle soupira pour masquer son trouble. 

" - Je veux que tu arrêtes de bouder comme un enfant. "

Son regard se noircit immédiatement et il se leva si rapidement que la Dresseuse put à peine cligner des yeux avant d'être plaquée contre le mur. Les cicatrices du demi-démon brillaient incroyablement plus que d'habitude et son visage affichait la colère. 

" - Écoutes, petite Dresseuse. Je suis pas d'humeur à me faire faire la morale. Alors sois gentille et dégage. "

Un sourire sadique apparut alors sur ses lèvres. 

" - A moins que tu veuilles me distraire convenablement. "

Romane plongea son regard dans le sien, plus que sérieuse. Lentement, la prise sur ses poignets, qu'il retenait au-dessus de sa tête, se relâcha. Elle en profita pour passer l'une de ses mains sur la joue de Jiyun. Il écarquilla les yeux et elle put immédiatement sentir la tension monter, tandis que le malaise du demi-démon augmentait. Pendant plusieurs secondes, il ne se passa rien, puis le masque de la jeune femme tomba au sol. L'émotion se fit plus vive dans ses yeux et elle offrit au Damné un sourire mystérieux et légèrement embarrassé. Les joues du démon virèrent au rouge et il plaqua encore plus étroitement son corps à celui de cette ange qui se jouait de lui, comme pour l'impressionner et lui faire comprendre que sa colère ne s'apaiserait pas avec un simple regard. Il voulait qu'elle ai peur. Comme tout le monde en le voyant s'énerver. Pourtant, cette proximité n'eut pas l'effet escompté, puisque Romane détourna vivement la tête sur le côté, troublée. Avec maladresse, elle ôta sa main de la joue du Damné et la posa sur son torse, en espérant le repousser un peu, mais sans succès. Ils restèrent ainsi pendant un moment. La pauvre Dresseuse, mal-à-l'aise, tentait de remettre son masque, mais la proximité du demi-démon et le baiser qu'il lui avait donné l'empêchaient de réfléchir correctement et calmement. Pour Jiyun, c'était la même chose. Le frêle corps de la jeune femme était plaqué contre le sien, et il pouvait sentir son cœur s'affoler au même rythme effréné que le sien. La tension montait de secondes en secondes et se faisait de plus en plus insoutenable. Mais malgré cela, aucun des deux ne bougeait. Jamais ils ne se l'avoueraient, mais une certaine attirance avait commencé à se tisser entre eux. Jiyun était charismatique, et depuis qu'elle le connaissait, il ne faisait qu'étonner la jeune femme. Elle n'arrivait jamais à le cerner et ses réactions étaient imprévisible pour elle, qui préférait agir avec calme. Quant à elle, Romane était beaucoup trop calme et douce pour lui, qui tentait de l'énerver et de la faire craquer à tout prix. Elle avait vu des choses qu'il n'aurait jamais permis à personne de voir et elle continuait pourtant de le regarder comme un égal. Elle le traitait différemment de tous les autre et sa sérénité lui apportait un vent frais et incroyablement agréable, qui semblait peu à peu guérir toutes ses blessures. Les jours qu'il venait de passer avec elle étaient de loin les plus étranges de sa vie, mais il ne les aurait échangé contre rien au monde. 
Progressivement, il put sentir son bas-ventre s'enflammer et ses lèvres s'assécher. Elle lui faisait perdre le contrôle de lui-même. Cette ange était comme une énigme qui attirait toute son attention. Il ne pouvait rien faire d'autre que regarder et essayer de comprendre. Frustré, il soupira et plongea sa tête dans le cou de la jeune femme. Il en profita pour relâcher son poignet et passer ses bras de chaque côté de son corps. Qu'est-ce qu'elle était en train de lui faire ? Soudain, ses pensées se braquèrent sur la présence de son bourreau dans le château. Elle était ici ! Celle qui avait fait couler son sang, qui l'avait fait mourir à petit feu, qui avait piétiné jusqu'à ses secrets les plus intimes. Elle était ici. Et si elle s'échappait de sa cellule ?! A qui irait-elle faire du mal ? Il tint la Dresseuse encore plus près de lui. Il ne voulait pas retourner dans un cachot et sentir encore une fois le fouet contre sa peau. Mais surtout, il ne voulait pas que ce soit elle, cette petite ange fragile, qui reçoive le moindre coup. Il inspira son odeur fraîche. Lucy était sans scrupule. Si elle le décidait ainsi, elle pourrait très bien décider de faire du mal à toutes les Dresseuses. Sans qu'il ne s'en rende compte, ses bras serrèrent un peu plus la jeune femme.