VIII . Les îles

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Romane marchait depuis une semaines maintenant. Ses muscles la tiraient. Après tout, elle avait fait peu de pauses, et le sommeil pesait sur ses épaules. Elle ne savait pas où elle devait aller. Après tout, les dragons du ciel n'avaient pas vraiment de lieu prédéfini. Katie avait les océans, Jena les volcans, Mélissa les forêts... Et elle. Les nuages. Elle avait eu beau résonner avec toute la logique qui lui était permise, impossible de trouver comment atteindre le ciel. Puis lui était venue une idée. Lors de son entraînement avec Zéphir, elle avait été conduite au sommet d'une montagne, où les nuages descendait plusieurs fois par jour. Ce fameux endroit était beaucoup trop loin pour elle, alors elle avait décidé de rejoindre le seul endroit atteignant les nuages. L'immense montagne de Kendra. Cette montagne était la plus haute de tout Erion. Alors c'était là qu'elle était en ce moment, se demandant si un jour elle atteindrait le sommet. L'ascention s'était avérée plus compliquée que prévue. Après tout, le mont était connu pour ses milliers de morts chaque année.
" - Des morts stupides. "
Soupira-t-elle. Mais ce qu'elle était en train de faire était stupide. Et elle risquait de mourir. Malheureusement. Pourtant, après trois jours et trois nuits, elle arriva au sommet. Alors qu'elle se penchait pour s'asseoir, ses muscles la lâchèrent d'un coup. Incapable de bouger le moindre doigt, elle jura dans un murmure. Etre aveugle ne l'aidait pas. Mais elle avait toujours eu ce don de se repérer grâce au vent. Elle comprenait pourquoi à présent. Elle sentait grâce au vent, qui lui chuchotait ce qui se passait autour d'elle. 
Romane resta ainsi, figée, toute la nuit durant. Le sommeil l'emporta vers un royaume obscur où les rêves ne parvenaient pas à se rendre. 
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, avec douceur, elle fut étonnée de "voir" près d'elle un homme aux longues ailes blanches. 
" - Jeune Romane ? "
Aucune expression ne traversa son visage et elle étudia mentalement le jeune homme. Pendant un instant, elle pensa qu'elle aurait tout donné pour voir le monde avec ses propres yeux. Mais son batard de frère, qui avait "pris soin" d'elle, n'avait jugé ses yeux utiles que pour une bonne punition. Depuis ce jour funestre où beaucoup de sang avait coulé, elle ne voyait plus. Elle chassa bien vite ses pensées. 
" - Je suppose que vous vous adressez à la "Jeune" que je suis. Ai-je tord ? "
Une main se posa sur la sienne et elle soupira, comme si tout cela était banal. 
" - A qui d'autre puis-je bien m'adresser ? "
" - Qui sait ? La maladie touchant les zones cervicales n'est pas une honte. "
Un faible sourire s'immissa sur ses lèvres. Oui, elle était un peu hautaine, pour le coup, mais elle aimait ce genre de réplique. Elle fronça les sourcils. Elle avait de la difficulté à se visualiser l'homme. Elle savait que ses cheveux tournaient dans les blonds, soit aussi éclatant que la lumière, ou doux comme le blé. Et ses yeux étaient bleus. Un bleu profond et envoutant. Mais elle avait beau tenter de voir des yeux bleus, elle voyait ceux de Katie. Cette petite était amusante et attachante. Assez pour que son visage lui revienne sans cesse ? Elle soupira une nouvelle fois.
" - Enfin, je doute que vous soyez atteint, d'une quelconque manière. Que me vaut l'honneur de votre visite. "
Plongée dans ses pensées, mauvaise habitude, elle n'avait pas pu voir le garçon se déplacer et se placer juste derrière elle. Donc elle hoqueta de surprise quand deux bras lui attrapèrent les hanches et qu'elle fut soulevée du sol.
" - Alors ? On fait moins la fière, n'est-ce pas ? "
Atteinte dans sa fiertée, elle tenta de se débattre, mais se rendit compte qu'elle était suspendue à quelques centaines de mètres du sol. Son corps se calma, mais "Ne pas faire confiance aux inconnus" n'était pas une règle inventée au hasard.
Le garçon la lâcha.
" - A bientôt, Jeune Romane ! "
Il lui hurla alors qu'elle chutait.
Un cri échappa à la jeune fille. Mais! Ce n'était pas son genre de perdre ses moyens de cette manière ! Il devait forcement y avoir une solution. Après tout, elle était la dragonnière de l'air. Elle lia ses mains devant elle et pria pour que Dieu lui pardonne sa folie. Enfin, cela faisait longtemps que les gens lui disaient qu'elle était folle. Alors il ne lui restait qu'à mettre en application cette part de son esprit. Un sourire téméraire se fixa sur ses lèvres et elle se libéra.
Comme si des chaînes explosaient autour d'elle, un grand bruit retentit. Elle se sentait délivrée. et elle ne se manqua pas d'utiliser ce second état pour mettre en pratique ce qu'avait tenté en vain de lui expliquer Zéphir. Sans aucune pratique et peu de théorie, elle plaça l'une de ses main sous son corps. Un grand courant d'air la réceptionna. Elle souriait. Elle était dans son élément. Peu à peu, elle prit le contrôle de ce pouvoir qui lui était permis au-dessus des nuages. Voler était une véritable libertée. Puis elle se rendit compte d'un étrange poid dans son dos. 
" - Bienvenue chez toi, Sage Romane ! "
Lui déclara l'homme. Elle se retourne vers lui et une main effleura sa paupière droite. Elle ouvrit son oeil et... vit. Autour d'elle, elle voyait l'air, teinté de vert, voler librement partout dans les cieux. Et en face d'elle, une forme indistincte, l'homme, entouré de bleu. Elle l'étudia longuement. Elle ne le voyait pas lui... Plutôt son aura. Et ce pouvoir la rendait folle de joie. Puis elle nota quelque chose. 
" - Passer de Jeune à Sage en si peu de temps n'est pas très commun. Aurais-je gagné ton respect ? "
Il lui sourit. 
" - Il nous est rare d'accueillir des Elue sans un titre plus approprié. En tout cas, bienvenue sur les îles ! "
Dans un geste élégant, il attrapa sa main et l'emmena encore plus haut dans le ciel. Puis elle admira le plus beau spectacle qu'à jamais elle ne pourrait voir. Des îles flottant dans les cieux, défiant la gravité et les lois de la physique ! Des rivières se jetant dans le vide pour redevenir nuages, et sur ces îles, des sources d'eau infinies... C'était magnifique. 
" - Il est temps que la grande Prêtresse te recoive. Tu y gagneras un titre, et un dragon ! "
Elle resta neutre et le garçon se sentit découragé de ne pas réussir à la faire sourire. 
" - Très bien, Mademoiselle Je Me Fiche De Mon Monde. "
Les coins de ses lèvres se retroussèrent.
" - J'aime beaucoup ton imagination, Nisu ! "
" - Comment as-tu !? "
Sans lui laisser le temps de finir, elle s'éloigna. Elle aimait beaucoup ce nom.  

 

Dragoniers ; les 5 élémentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant