Chapitre 1 - 1 : Le commencement

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Alysse


La vie était pleine de surprises. S'il y avait bien une chose que j'avais apprise à travers mon existence, c'était de ne jamais prendre les choses pour acquises. Tout pouvait prendre subitement fin. On pouvait être amené à explorer des chemins que nous n'aurions jamais cru emprunter. La vie était joueuse. Elle était cruelle. Elle s'acharnait contre nous afin de nous piller de nos espoirs.

Malheureusement, je n'avais fait que trop subir les périples de la vie et encore une fois, je me voyais soumise aux terribles fardeaux qu'elle m'imposait. Une lourde malédiction hantait mon histoire et rien ni personne ne pouvait me sauver de là. Il ne me restait plus qu'à subir les conséquences de mes actes irréfléchis... Pourquoi avais-je donc agi ainsi ? Je pris une forte inspiration, essayant d'extraire ces sales images de mon esprit.

A l'heure actuelle, mon avion était sur le point d'atterrir. J'avais passé le plus clair de mon temps à me tourner les pouces ne me sentant que très peu à l'aise dans les airs. Etant une lycanthrope, soit une louve-garou, les trajets en avion m'étaient inconfortables. J'avais besoin de sentir le sol sous mes pieds pour me savoir en sécurité. Il en était de même pour ma louve. Elle n'avait cessé de couiner à cause de ce dépaysement durant tout le vol. Mais ce n'était pas la seule raison de son malaise... L'exil... C'était mon bannissement qui la faisait ainsi souffrir. Sa fierté ne le supportait, pas plus que la mienne.

J'essayai de ne pas lui accorder trop d'attentions et tentai de me concentrer sur ma nouvelle tâche. Tout me semblait compliqué et impossible à réaliser. J'étais en plein cœur d'une mission suicide et si je tenais un tant soit peu à ma vie, j'étais dans l'obligation d'arriver à la fin de mon but.

Personne n'avait voulu m'écouter lorsque j'étais venue plaider ma défense. Mon alpha avait fait de son mieux pour que l'on m'offre une faveur, mais cette fois-ci, mon acte fut la goutte d'eau qui fit déborder le vase. Tout le monde avait assisté à ma révolte contre le Grand Conseiller, alias le « Président » des loups garous. Il était donc normal que l'on me punisse de la sorte. Mais avais-je à ce point mérité cet exil ? Et pire encore : pourquoi était-ce à moi de rédiger ce rapport suicidaire ? Qui oserait envoyer un petit bout de femme au visage d'ange comme moi à la trousse d'un tueur à gage sanguinaire ?

Oui, le petit bout de femme en question avait certes un caractère bien trempé et un statut bien élevé en tant qu'Alpha ; mais il n'en demeurait pas moins que j'étais certaine de ne pas faire le poids face à cet homme. Pourquoi n'avais-je donc pas le droit à ces mêmes idées machistes qui avaient gouvernées mon existence ? On n'avait cessé de me rabaisser à cause du fait que je possédais une paire d'ovaires et non de testicules. Le Conseil avait fait de son possible pour que mon statut d'Alpha soit rétrogradé en prétextant qu'une louve célibataire ne pouvait pas cogérer une meute sans être la femelle d'un mâle Alpha. Et pourtant, là, on prenait subitement la décision de m'envoyer sur le terrain des hommes dans le simple but de me punir.

On voulait ma mort, c'était certain. Mais je ne comptais pas leur offrir mon cadavre sur un plateau d'argent. J'allais préserver et gagner. On ne pouvait pas détruire Alysse Grâce aussi facilement ; mais ça, ils ne le savaient pas encore.

- T'es plus forte qu'eux... Tu l'as toujours été, me rassurai-je.

L'avion venant d'atterrir, je détachai ma ceinture en poussant un long soupir puis pris mon sac. A peine posai-je un pied hors de l'engin que ma louve se mit à s'agiter. Elle se sentait rassurée d'être sur la terre ferme et avait hâte d'explorer les nouveaux horizons qui s'offraient à elle. Mais avant cela, il fallait que l'humaine que j'étais aille chercher ses valises. J'entrai donc dans le bâtiment de l'aéroport et après un rapide contrôle de la douane, j'accédai à cette énorme machine qui allait apporter mes valises. Une grande foule s'était regroupée à mes côtés, attendant également leurs affaires.

Après un long moment d'attente, mon esprit se mit à divaguer entre deux pensées les unes les plus obscures que les autres. J'imaginai des scénarios où ce terrible tueur à gage apprendrait la raison de ma réelle venue. Je pouvais sentir cette vive et sanglante douleur dans le creux de ma poitrine lorsque ce dernier arracherait mon cœur sans pitié. Un désagréable frisson parcourut mon échine. « Tu n'es pas une pauvre petite chose fragile, Alysse, me répétai-je intérieurement. Tu as déjà vaincu ce genre de connard sans cervelle. »

Sauf que cette situation n'était pas la même... J'étais crainte dans mon autre meute. Tout le monde me connaissait au moins de nom sur mon ancien territoire. Ici, je n'étais qu'une goutte d'eau dans un océan. J'allais devoir me battre pour préserver mon image si durement acquises. « Tu vas t'en sortir. Tu t'en sors toujours »

Je poussai un nouveau soupir et me focalisai une nouvelle fois sur la machine qui défilait sous mes yeux. Elle venait de s'arrêter à l'instant même.

- Tu as oublié de prendre tes affaires, inconsciente ! Paniquai-je.

Une main sur mon front, je zieutai les alentours afin de trouver une personne capable de me venir en aide. C'est alors que je vis un homme en deux pièces portant le logo de l'aéroport s'approcher. C'était un métis, large d'épaules, plutôt mignon avec ses cheveux rasés et ses yeux couleurs miels. Je lui adressai un petit sourire, ne sachant comment lui expliquer mon problème. Remarquant ma confusion, il me demanda de sa voix grave, rauque et virile :

- Bonjour Madame, je peux vous aider ?

- Cela fait une bonne heure que j'attends mes valises, mais elles ne sont toujours pas là. J'avais l'esprit ailleurs et... Je ne sais pas, bredouillai-je.

- Ça doit sûrement être une erreur de l'agence, m'annonça alors l'homme. Ce genre de problèmes arrivent fréquemment. Veuillez me suivre, on va voir ce que la direction peut faire pour vous. A mon avis, vos valises arriveront lors du prochain vol, soit celui de demain.

La colère grandit subitement en moi, si bien que mes yeux prirent un air menaçant. Qu'allais-je donc faire sans mes affaires ? Je fermai mes yeux, essayant de digérer cette situation inconvenante. Après deux longues inspirations je rouvris mes paupières, puis me mis à la hauteur de l'homme.

- Je fais comment moi jusqu'à demain ? L'interrogeai-je avec un regard menaçant.

Mes yeux émeraudes se tinrent d'une lueur sombre et glaciale. Il était hors de question que je me rende dans cette meute sans mes armes. Mes dagues, mes balles en argent ; tout était dans mes valises soigneusement emballées de façon à ce que la douane ne les repère pas. Ma survie auprès de ce tueur à gage dépendait d'elles. Comment allais-je faire ? J'étais au cœur d'un gros dilemme : aller dans cette meute sans mes armes et risquer ma vie ou attendre mes affaires et être sûre de mourir demain. Le Conseil avait été clair là-dessus : si je ne respectais pas le protocole à la lettre, je mourrais pour sûr.

- J'ai la poisse jusqu'au bout ! Me plaignis-je en serrant durement mes poings.

Le métis baissa inconsciemment les yeux en voyant mon état, en guise de soumission. Son instinct avait sûrement dû le pousser à agir de la sorte. Gentil garçon, susurra ma louve. Je fis une moue et me décidai à suivre l'agent.

***

Retour du Passé - T1 [Réecriture]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant