Cela fait un cycle lunaire depuis que j'ai sauvé ce garçon humain. Et cela fait un cycle lunaire que je ne pense qu'à lui. Je rêvasse en permanence, et ne pense qu'au monde qui se trouve au delà des mers.
Mon escapade près de la rive n'est encore connu que par Luke, qui n'a pas manqué de me reprocher mon imprudence. Il ne me prit pas au sérieux quand je lui avais dit que je pensais être entrain de tomber amoureuse, et il me répondit directement que les sirènes et les tritons ne tombent pas amoureux, et que l'amour n'est que source de malheur et de tristesse.
Les jours et les nuits se succèdent, et je suis encore emprisonnée dans les murs du palais par la compagnie de Luke, qui me paraît de plus en plus insupportable. Je connais Luke depuis toujours. Nous sommes nés le même soir d'hiver, dans deux coquillages indigos, signe de notre appartenance au peuple marin du Pacifique Sud. Nous nous ressemblions comme deux gouttes d'eau, nous avions tous les deux des yeux bleus cristallins, et des cheveux blonds et souples. Notre peau était laiteuse, et notre queue de poisson presque identiques. Lors de notre attribution de nos deux bracelets d'identifications, nous nous tenions la main lorsque les deux chaînettes se sont refermées sur nos poignets.
La présence de Luke, qui pendant tant d'années solaires me paraissait banale et légère, me pèse maintenant dessus encore plus lourdement que le corps assommé de l'humain de la dernière fois. Après m'avoir rabattu les mêmes questions pour savoir si j'avais aperçu le monde terrestre, il essaya de s'assurer par tout les moyens que je n'avais pas été vu. Et je lui dis que non, et que je n'avais même pas eu le temps de mettre la tête hors de l'eau.
Le soleil se couche, et j'aide Karen, notre marraine, à fermer les grandes entrées du palais. Contrairement au triton blond, elle, a remarqué que j'étais absente ces derniers temps, que je n'avais pas entièrement la tête sur les épaules. Je ne lui parlai pas de ma péripétie et l'infraction au code des sirènes que j'avais commise, et lui dis simplement que l'arrivé de l'été me perturbait un peu. Cependant, le besoin de me confier, ou au moins d'avoir quelques infirmations était plus forte que mon silence.
« Karen ?
Elle tourne la tête vers moi et me répond.
- Oui, Lucie.
- J'ai une question assez spécial à te poser. Une question que je n'aurais pas osé poser à quelqu'un d'autre.
- Pas même à Luke ? demande-t-elle un peu étonné.
- Surtout pas à Luke. Il m'attaquerait de questions en retour.
- Je t'en pris. Pose ta question.
Je finis de verrouiller la porte principale de l'aile gauche et me décide à demander à Karen ce que je souhaite savoir.
- Que sais-tu du monde des humains ?
Elle esquisse un sourire, et je ne sais pas si c'est bon ou mauvais signe. D'un coup de nageoire, je me retrouve près d'elle, et la suis qui se dirige vers l'aile Ouest du château. Elle prend son temps tandis que je me hâte pour y arriver avant elle. Je m'occupe de sceller l'entrée de cette aile du palais, et attend son arrivée lente pour connaître sa réponse.
- Il est tellement différent du notre, le monde des humains, me dit elle pensive. Qu'est ce qui t'intrigue sur ce sujet ?
- Je ne sais rien de leur monde, et pourtant, il est comme parallèle au notre. Ils vivent sur terre et nous dans la mer. Et pui-
- Il est tard, Lucie, me coupe-t-elle. Demain, toi et Luke avait étude avec moi. Tu resteras un peu plus longtemps, et je te dirai certaines choses sur le monde des humains.